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11/07/2024 | FRANCE | N°23VE00554

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 6ème chambre, 11 juillet 2024, 23VE00554


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Sapiens a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 4 octobre 2016 par lequel le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a mis à sa charge sur le fondement des articles L. 6362-7-1 et L. 6362-7-2 du code du travail le reversement au Trésor public des sommes perçues du Fond d'assurance formation ingénierie et conseil pour un montant de 67 096,30 euros, au motif de l'absence de preuve de la réalisation des actions de f

ormation de contrats de professionnalisation et de préparations opérationnelles à l'em...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sapiens a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 4 octobre 2016 par lequel le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a mis à sa charge sur le fondement des articles L. 6362-7-1 et L. 6362-7-2 du code du travail le reversement au Trésor public des sommes perçues du Fond d'assurance formation ingénierie et conseil pour un montant de 67 096,30 euros, au motif de l'absence de preuve de la réalisation des actions de formation de contrats de professionnalisation et de préparations opérationnelles à l'emploi individuelles, et le versement au Trésor public d'une somme d'un montant de 67 096,30 euros pour avoir établi et fait usage de documents destinés à obtenir indûment la prise en charge de formations non réalisées ou à titre subsidiaire de réformer la décision du 4 octobre 2016 en ramenant les sommes à verser au Trésor public à un montant de 43 557,30 euros au titre de l'article L. 6362-7-1 du code du travail et, par voie de conséquence, à un montant de 43 557,30 euros au titre de l'article L. 6362-7-2 du code du travail.

Par un jugement n° 1611529 du 9 décembre 2019 le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la requête de la société Sapiens.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 6 février, 29 juillet et 29 septembre 2020, la société Sapiens, représentée par Me Parlant, avocat, a demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 4 octobre 2016 ;

3°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement attaqué en ramenant les sommes à verser au Trésor public à 43 557,30 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait que :

- le tribunal a dénaturé les termes de l'article L. 6362-8 du code du travail, privant ainsi de tout effet utile les dispositions de l'article R. 6362-2 du code du travail, relatives aux délais de notification des résultats du contrôle ;

- la décision attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que le délai prévu à l'article R. 6362-2 du code du travail n'a pas été respecté ;

- le principe du contradictoire a été méconnu, dès lors qu'elle n'a pas eu accès aux témoignages de salariés sur lesquels s'est fondée l'administration ;

- contrairement aux affirmations de l'administration et du tribunal, elle justifie de la réalité de l'exécution des actions de formation ;

- si elle a commis des erreurs et manqué de rigueur, elle ne s'est livrée à aucune manœuvre frauduleuse ;

- en tout état de cause, l'administration n'ayant émis aucun avis de recouvrement dans le délai de prescription, la créance concernant les sanctions financières qui lui ont été infligées ne peut plus être recouvrée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 mai, 2 septembre et 17 novembre 2020, le ministre du travail a conclu au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un arrêt n° 20VE00390 du 24 janvier 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement n° 1611529 du 9 décembre 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ainsi que la décision du 4 octobre 2016 du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris et décidé que l'Etat versera la somme de 1 500 euros à la société Sapiens au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant le Conseil d'Etat :

Par une décision n° 462603 du 16 mars 2023, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi par le ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Versailles.

Procédure devant la cour après le renvoi du Conseil d'Etat :

Par deux mémoires, enregistrés les 6 avril 2023 et 25 juillet 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut à la confirmation du jugement du 9 décembre 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et à celle de la décision du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris du 4 octobre 2016, et au rejet de la requête en renvoyant aux écritures déjà produites.

Par un mémoire, enregistré le 14 juin 2023, la société Sapiens, représentée par Me Kozlowski, conclut à titre principal, à l'annulation du jugement du 9 décembre 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à l'annulation de la décision du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris du 4 octobre 2016, au dégrèvement de la totalité des redressements et pénalités mis à sa charge et à titre subsidiaire, à ce que le montant de la somme à reverser au trésor public soit limitée à 43 557,30 euros, à l'annulation de la pénalité de 67 096,30 euros mise à sa charge sur le fondement de l'article L. 6362-7-2 du code du travail et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'action en reprise de l'administration est prescrite en l'absence d'avis de mise en recouvrement par l'administration fiscale avant le 31 décembre 2018, conformément aux délais prévus par l'article L. 176 du livre de procédure fiscale ;

- la procédure contradictoire a été méconnue dès lors qu'il appartenait à l'administration de lui communiquer les renseignements obtenus de tiers, notamment les témoignages indiquant que les formations mentionnées n'avaient en réalité pas été réalisées ainsi que les identités de leurs auteurs ;

- les actions de formation ont été réalisées comme cela est établi par les nombreuses pièces justificatives produites, notamment les programmes de formation détaillés ; elle a produit des éléments complets relatifs à dix salariés ayant fait l'objet de formations, pour un montant total de 23 539 euros ;

- l'existence d'un système frauduleux n'a pas été établi par l'administration et les anomalies relevées ne portent que sur neuf contrats sur 48.

Par une ordonnance du 26 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2023 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Kozlowski pour la société Sapiens.

Considérant ce qui suit :

1. Le service régional de contrôle de la formation professionnelle de la DIRECCTE a procédé, les 6 mai et 21 juillet 2015, à un contrôle de la réalité des actions de formation professionnelle dispensées par la société Sapiens aux salariés recrutés dans le cadre de quarante-huit contrats de professionnalisation, conclus entre 2012 et 2014. Le 25 novembre 2015, un avis de fin de contrôle a été adressé à la société Sapiens. Un rapport de contrôle, daté du 26 novembre 2015, a été notifié le 2 décembre 2015 à l'intéressée, laquelle a présenté ses observations par des courriers des 19 janvier 2016 et 31 mars 2016. Par une décision du 8 juillet 2016, le préfet de la région Ile-de-France a mis à la charge de la société Sapiens le reversement au Trésor public de la somme de 67 096,30 euros au titre des fonds de la formation professionnelle indûment perçus pour les années 2013 à 2015 et lui a ordonné de verser au Trésor public la somme de 67 096,30 euros au titre des manœuvres frauduleuses correspondant aux sommes indûment perçues. Par un courrier du 28 juillet 2016, la société Sapiens a présenté un recours administratif préalable obligatoire à l'encontre de la décision du 8 juillet 2016. Par une décision du 4 octobre 2016, le préfet de la région Ile-de-France a confirmé les sommes mises à la charge de la société Sapiens. La société Sapiens a relevé appel du jugement du 9 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 octobre 2016 ou, à titre subsidiaire, à sa réformation en ramenant les deux sommes susmentionnées à 43 557,30 euros chacune. Par un arrêt n° 20VE00390 du 24 janvier 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ainsi que la décision du 4 octobre 2016. Par une décision n° 462603 du 16 mars 2023 le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 24 janvier 2022 et renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur la légalité de la décision préfectorale contestée :

En ce qui concerne la prescription du droit de reprise de l'administration.

2. Aux termes de l'article L. 6362-12 du code du travail : " Le recouvrement des versements exigibles au titre des contrôles réalisés en application des articles L. 6361-1 à L. 6361-3 est établi et poursuivi selon les modalités ainsi que sous les sûretés, garanties et sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires. ". Aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts (...) ".

3. La société Sapiens soutient qu'à la suite de la décision du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, du 4 octobre 2016 lui ordonnant le reversement au Trésor public des sommes perçues du Fonds d'assurance formation ingénierie et conseil (FAFIEC) pour un montant de 67 096,30 euros, aucun avis de mise en recouvrement ne lui a été adressé par l'administration fiscale dans le délai de trois ans expirant le 31 décembre 2018, en application des dispositions de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales, de sorte que la demande de restitution de cette somme par l'administration serait désormais prescrite. Toutefois, la circonstance qu'aucun avis de mise en recouvrement n'aurait été adressé à cette société n'a d'incidence que sur l'exigibilité de cette somme et non sur la légalité de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'avis de mise en recouvrement par l'administration fiscale au soutien de la demande d'annulation de la décision préfectorale du 4 octobre 2016 doit être écarté comme inopérant. Par ailleurs, la société requérante ne conteste pas dans ses dernières écritures, comme le fait valoir le ministre du travail, que l'action en reprise de l'administration pour les années 2013, 2014 et 2015 a été interrompue par la production du rapport de contrôle notifié le 2 décembre 2015 à la société Sapiens, de sorte que la décision préfectorale du 4 octobre 2016 a été prise dans le délai de trois ans, prévu par l'article L. 176 du livre des procédures fiscales. En outre, et à supposer qu'un avis de mise en recouvrement soit adressé à cette société, une demande de décharge de la somme en litige par la société Sapiens devrait être dirigée devant l'administration fiscale et non devant le préfet de région qui n'est pas compétent en vertu de l'article R. 6362-7 du code du travail pour traiter d'un contentieux relatif à l'établissement et au recouvrement des sommes versées en application de l'article L. 6362-12 du code du travail.

En ce qui concerne la méconnaissance de la procédure :

4. Aux termes de l'article L. 6362-8 du code du travail dans sa version applicable : " Les contrôles en matière de formation professionnelle continue peuvent être opérés soit sur place, soit sur pièces.". Aux termes de l'article R. 6362-2 du même code : " La notification des résultats du contrôle prévue à l'article L. 6362-9 intervient dans un délai ne pouvant dépasser trois mois à compter de la fin de la période d'instruction avec l'indication des procédures dont l'organisme contrôlé dispose pour faire valoir ses observations. /Les résultats du contrôle peuvent comporter des observations adressées à l'organisme contrôlé. Lorsque la procédure d'évaluation d'office est mise en œuvre, le délai mentionné ci-dessus est de six mois à compter de la fin de la période fixée par la mise en demeure".

5. La société Sapiens soutient que l'administration aurait méconnu les articles L. 6362-8 et R. 6362-2 du code du travail en ne procédant pas à une notification de la fin de son contrôle dans les trois mois suivant la dernière visite sur site des inspecteurs. Toutefois, la fin de la période d'instruction est fixée à la date à laquelle l'instruction ayant été menée à son terme, l'administration est en mesure de notifier à l'organisme vérifié les résultats de son contrôle, sans que cela ne coïncide obligatoirement avec la dernière visite sur site. Or l'administration a sollicité des pièces à l'issue de sa visite en demandant qu'elles soient adressées avant le 1er septembre 2015, sans d'ailleurs qu'elle n'en ait été destinataire. La fin de l'instruction a ainsi été notifiée le 25 novembre 2015 et le rapport de contrôle le 2 décembre 2015 de sorte que les dispositions précitées du code du travail n'ont pas été méconnues.

En ce qui concerne le respect de la procédure contradictoire :

6. Aux termes de l'article L. 6362-10 du code du travail : " Les décisions de rejet de dépenses et de versement mentionnées au présent livre prises par l'autorité administrative ne peuvent intervenir, après la notification des résultats du contrôle, que si une procédure contradictoire a été respectée. ".

7. Lors de la procédure contradictoire prévue par les dispositions du code du travail, les organismes contrôlés doivent recevoir communication de l'ensemble des éléments déterminants recueillis au cours de l'enquête, y compris le cas échéant des renseignements obtenus auprès de tiers par des témoignages. Si l'administration entend se fonder sur de tels éléments, il lui incombe alors d'informer l'intéressé de leur origine et de leur teneur, avec une précision suffisante pour lui permettre, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander, le cas échéant, la communication des documents qui les contiennent. Toutefois, lorsque l'accès à ces renseignements serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui en sont à l'origine, l'administration doit se limiter à informer l'intéressé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.

8. La société requérante soutient que l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article L. 6362-10 du code du travail en refusant de lui communiquer à la fois les témoignages des stagiaires ayant mentionné avoir subi des pressions internes à la société pour émarger des feuilles de présence relatives à des formations fictives et l'identité des auteurs de ces témoignages. Elle précise que le préfet n'établit aucunement que l'accès à ces témoignages et à l'identité de leurs auteurs aurait été de nature à porter gravement préjudice à leur avenir professionnel. La décision du 4 octobre 2016 du préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris, s'est fondée, notamment, pour apprécier l'exécution effective des actions de formation, parmi un ensemble d'indices concordants, sur des témoignages obtenus auprès de tiers, dont la teneur a été communiquée, de façon circonstanciée, à la société requérante et l'administration a décidé de ne pas communiquer à cette dernière l'identité des témoins " en considérant que la révélation de cet élément était de nature à porter préjudice à leurs auteurs et notamment à leur avenir professionnel dans la société ou la branche d'activité dans laquelle ils évoluent ". Eu égard au caractère précaire des salariés concernés par le contrat de professionnalisation et la préparation opérationnelle à l'emploi individuelle, l'administration ne peut être regardée comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en ne procédant pas à la communication de ces témoignages et de l'identité de leurs auteurs, autant pour les salariés de l'entreprise que pour les anciens salariés à la recherche d'emploi, le nouvel employeur étant susceptible de contacter la société requérante pour obtenir son appréciation sur ces salariés. Pour ces motifs et dès lors que la teneur de ces témoignages a été communiquée de manière circonstanciée à la société Sapiens, la circonstance que ni ces témoignages ni l'identité de leurs auteurs n'auraient été portés à la connaissance de la société requérante n'a pas été de nature à entacher d'irrégularité la procédure prévue par l'article L. 6362-10 du code du travail.

En ce qui concerne la réalité des actions de formation :

9. Aux termes de l'article L. 6361-3 du code du travail : " Le contrôle administratif et financier des dépenses et activités de formation porte sur l'ensemble des moyens financiers, techniques et pédagogiques, à l'exclusion des qualités pédagogiques, mis en œuvre pour la formation professionnelle continue ". Aux termes de l'article L. 6362-4 du même code : " Les employeurs justifient de la réalité des actions de formation qu'ils conduisent lorsqu'elles sont financées par (...) les organismes agréés pour collecter ou gérer les fonds de la formation professionnelle continue. / A défaut, ces actions sont réputées ne pas avoir été exécutées et donnent lieu à remboursement auprès de l'organisme ou de la collectivité qui les a financées ". L'article L. 6362-7-1 du code du travail prévoit que : " En cas de contrôle, les remboursements mentionnés aux articles L. 6362-4 et L. 6362-6 interviennent dans le délai fixé à l'intéressé pour faire valoir ses observations. / A défaut, l'intéressé verse au Trésor public, par décision de l'autorité administrative, une somme équivalente aux remboursements non effectués ". Aux termes de l'article R. 6332-25 : " Le paiement des frais de formation pris en charge par les organismes collecteurs paritaires agréés est réalisé après exécution des prestations de formation et sur transmission de pièces justificatives, dont les attestations de présence ou les éléments mentionnés à l'article R. 6332-26 contribuant à établir l'assiduité du stagiaire ". L'article R. 6332-26 dispose que : " Les employeurs ou les prestataires de formation adressent à l'organisme collecteur qui en fait la demande une copie des feuilles d'émargement à partir desquelles sont établies les attestations de présence ou des éléments mentionnés à l'article D. 6353-4 qui sont pris en compte pour établir l'assiduité du stagiaire qui suit une séquence de formation ouverte ou à distance. Ces feuilles d'émargement ou éléments font partie des documents que les organismes collecteurs sont tenus de produire aux agents chargés du contrôle prévu aux articles L. 6362-5 à L. 6362-7 ". Il résulte des dispositions précitées qu'il appartient à l'administration d'apprécier, au regard des pièces produites par la société, sur laquelle pèse la charge de la preuve, et sous le contrôle du juge la réalité des activités conduites en matière de formation professionnelle continue.

10. Aux termes de l'article L. 6325-1 du code du travail : " Le contrat de professionnalisation a pour objet de permettre d'acquérir une des qualifications prévues à l'article L. 6314-1 et de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle ". Aux termes de l'article L. 6314-1- 1 du même code : " Tout travailleur engagé dans la vie active ou toute personne qui s'y engage a droit à la qualification professionnelle et doit pouvoir suivre, à son initiative, une formation lui permettant, quel que soit son statut, de progresser au cours de sa vie professionnelle d'au moins un niveau en acquérant une qualification correspondant aux besoins de l'économie prévisibles à court ou moyen terme : / 1° Soit enregistrée dans le répertoire national des certifications professionnelles prévu à l'article L. 335-6 du code de l'éducation ; / 2° Soit reconnue dans les classifications d'une convention collective nationale de branche ; / 3° Soit ouvrant droit à un certificat de qualification professionnelle de branche ou interbranche ". L'article L. 6325-2 dispose que : " Le contrat de professionnalisation associe des enseignements généraux, professionnels et technologiques dispensés dans des organismes publics ou privés de formation ou, lorsqu'elle dispose d'un service de formation, par l'entreprise, et l'acquisition d'un savoir-faire par l'exercice en entreprise d'une ou plusieurs activités professionnelles en relation avec les qualifications recherchées (...) ". L'article L. 6325-2 du code du travail prévoit que : " La préparation opérationnelle à l'emploi individuelle permet à un demandeur d'emploi de bénéficier d'une formation nécessaire à l'acquisition des compétences requises pour occuper un emploi correspondant à une offre déposée par une entreprise auprès de l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1. L'offre d'emploi est située dans la zone géographique privilégiée définie par le projet personnalisé d'accès à l'emploi du demandeur d'emploi. A l'issue de la formation, qui est dispensée préalablement à l'entrée dans l'entreprise, le contrat de travail qui peut être conclu par l'employeur et le demandeur d'emploi est un contrat à durée indéterminée, un contrat de professionnalisation d'une durée minimale de douze mois, un contrat d'apprentissage ou un contrat à durée déterminée d'une durée minimale de douze mois ". L'article L. 6326-2 prévoit que : " Dans le cadre de la préparation opérationnelle à l'emploi, la formation est financée par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1. Le fonds mentionné à l'article L. 6332-18 et l'organisme collecteur paritaire agréé dont relève l'entreprise concernée peuvent contribuer au financement du coût pédagogique et des frais annexes de la formation. / L'entreprise, en concertation avec l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 et avec l'organisme collecteur paritaire agréé dont elle relève, définit les compétences que le demandeur d'emploi acquiert au cours de la formation pour occuper l'emploi proposé ". Enfin, aux termes de l'article D. 6325-13 du même code : " Dans les deux mois suivant le début du contrat de professionnalisation, l'employeur examine avec le salarié l'adéquation du programme de formation au regard des acquis du salarié. En cas d'inadéquation, l'employeur et le salarié peuvent, dans les limites de la durée de ce contrat, conclure un avenant. Cet avenant est transmis à l'organisme collecteur paritaire agréé. Il est déposé à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi selon les modalités et dans les conditions définies à l'article D. 6325-2. "

11. Il appartient à la société requérante, en vertu des dispositions de l'article L. 6362-4 du code du travail, de justifier des actions de formation réalisées lorsqu'elles sont financées, comme c'est le cas ici par la FAFIEC, par des organismes collecteurs de fonds de la formation professionnelle sous peine de voir ces actions regardées comme non exécutées. La société Sapiens précise, dans ses dernières écritures, qu'elle n'était plus en possession de l'ensemble des documents lui permettant d'établir la réalité de toutes les actions de formation mais qu'en revanche, pour dix dossiers, elle apporte suffisamment d'éléments, notamment des feuilles d'émargement, des factures ou des justificatifs de déplacement de sorte que le montant de 67 096,30 euros à reverser au Trésor public devrait être diminué de la somme de 23 539 euros qu'elle estime avoir suffisamment justifiée. Or, comme l'a relevé l'administration, les feuilles d'émargement produites ne sont pas suffisamment probantes, soit qu'elles ne mentionnent pas l'identité du formateur, soit qu'elles mentionnent indifféremment plusieurs formateurs, ou encore un seul formateur alors que le tableau de synthèse indique l'intervention de plusieurs formateurs et alors que de surcroît ces feuilles d'émargement ne comportent pas les modules de formation effectivement suivis et que les informations produites par la société présentent un caractère peu crédible, comme en attestent la formation que M. D... aurait reçue un dimanche 30 mars, M. C... le 11 novembre 2013 ou M. B... les lundis de Pâques en 2013 et 2014 ou encore des formations pour M. A... réalisées entre mars 2013 et février 2014 alors qu'il avait quitté l'entreprise le 21 mars 2013. Par ailleurs, s'agissant des salariés en contrat de professionnalisation, la société produit des courriels qui limitent la période de formation à la période d'intégration et non à la durée de leur contrat. En outre, la société Sapiens n'a produit aucun élément établissant l'utilisation pour ces formations de salles de réunion, de matériel informatique tels des plannings d'utilisation des salles ou des comptes rendus d'évaluation des acquis par les stagiaires. Elle n'apporte non plus aucun justificatif sur l'activité du personnel interne à la société ayant conduit ces actions de formation en plus de leur activité professionnelle. Enfin, elle n'apporte aucune donnée concernant les salariés en contrat de professionnalisation, soit sur leur progression pédagogique, soit sur la mise en œuvre d'un contrôle continu, soit sur une évaluation de l'acquisition des savoirs, en méconnaissance des dispositions de l'article D. 6325-13 du code du travail, le simple paiement par le FAFIEC des factures adressées par la société requérante n'étant non plus de nature à établir la réalité de ces actions de formation. Il résulte de ce qui précède que, malgré les nombreuses pièces justificatives produites en appel, la société Sapiens n'établit pas la réalité des prestations de formation qu'elle aurait dispensées concernant les 34 personnes ayant suivi des formations en interne dont les dossiers ont été soumis au contrôle de l'administration, y compris les dix salariés qu'elle mentionne nominativement dans ses dernières écritures.

En ce qui concerne les manœuvres frauduleuses :

12. Aux termes de l'article L. 6362-7-2 du code du travail : " Tout employeur ou prestataire de formation qui établit ou utilise intentionnellement des documents de nature à éluder l'une de ses obligations en matière de formation professionnelle ou à obtenir indûment le versement d'une aide, le paiement ou la prise en charge de tout ou partie du prix des prestations de formation professionnelle est tenu, par décision de l'autorité administrative, solidairement avec ses dirigeants de fait ou de droit, de verser au Trésor public une somme égale aux montants imputés à tort sur l'obligation en matière de formation ou indûment reçus ".

13. La société requérante soutient que l'absence de justification des actions de formation réalisées n'implique aucunement l'existence de manœuvres frauduleuses et que l'administration s'est fondée sur de simples présomptions sur une partie seulement des contrats vérifiés. Toutefois, il résulte de l'instruction que la société requérante a produit des feuilles de présence avec des formations fictives alors que les stagiaires n'étaient pas pour certains présents dans l'entreprise aux dates indiquées. La circonstance que ces anomalies n'aient été constatées que pour neuf contrats sur les trente-quatre relatifs aux formations dispensées en interne suffit à établir l'existence de manœuvres frauduleuses et la mauvaise foi de l'entreprise d'une manière générale, alors de surcroit que l'entreprise requérante reconnait elle-même ne plus être en possession des documents permettant d'établir la réalité de ces actions de formation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sapiens n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation partielle ou la réformation de la décision du 4 octobre 2016 du préfet de la région Ile-de-France, pour avoir mis à sa charge le remboursement de la somme de 67 096,30 euros au titre des sommes indûment perçues du FAFIEC au cours des années 2012 à 2014 et pour lui avoir demander de verser la somme de 67 096,30 euros pour avoir fait usage de documents destinés à percevoir indûment des versements de la FAFIEC.

Sur les conclusions relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

15. La société requérante étant la partie perdante, ses conclusions tendant à mettre une somme à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Sapiens est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sapiens au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Copie en sera transmise au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président-assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2024.

Le rapporteur,

J-E. PILVENLe président,

P.-L. ALBERTINI

La greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 23VE00554002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00554
Date de la décision : 11/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-09-04 Travail et emploi. - Formation professionnelle. - Participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : CABINET FIDAL DIRECTION PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-11;23ve00554 ?
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