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11/07/2024 | FRANCE | N°22VE01984

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 11 juillet 2024, 22VE01984


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société PS Bâtiment a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite du 17 août 2020 rejetant le recours administratif préalable obligatoire formé par elle contre les deux titres de perception émis à son encontre le 27 décembre 2019 par l'Etat, d'une part, pour un montant de 14 480 euros correspondant à la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, d'autre part, pour un montant 6 532 euros correspondant à

la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société PS Bâtiment a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite du 17 août 2020 rejetant le recours administratif préalable obligatoire formé par elle contre les deux titres de perception émis à son encontre le 27 décembre 2019 par l'Etat, d'une part, pour un montant de 14 480 euros correspondant à la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, d'autre part, pour un montant 6 532 euros correspondant à la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par elle par courrier du 29 septembre 2020, et de la décharger du paiement de la somme totale de 21 012 euros.

Par un jugement n° 2006379 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 11 août 2022 et le 7 juin 2024, la société PS Bâtiment, représentée par Me Delacharlerie, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la ou les décisions de l'OFII lui appliquant les contributions en litige ;

3°) de la décharger totalement, ou à tout le moins partiellement, de l'obligation de régler les sommes réclamées par les titres de perception du 27 décembre 2019 ;

4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché de méconnaissance des dispositions de l'article

R.741-2 du code de justice administrative et d'insuffisance de motivation ;

- en estimant, au point n°5 du jugement attaqué, qu'il ne résultait pas de l'instruction et n'était pas allégué que l'employeur aurait demandé aux intéressés de lui présenter l'original de leurs pièces d'identité et qu'il se serait ainsi assuré que ces salariés disposaient d'un document d'identité de nature à justifier de la nationalité alléguée, le tribunal administratif a inversé la charge de la preuve et commis une erreur de droit ;

- les premiers juges ont porté une appréciation erronée sur les faits, dès lors que la solution d'un litige ne peut intervenir qu'au détriment de la partie défaillante à rapporter la preuve qui lui incombe et que les juges du fond doivent apprécier avec rigueur les faits ;

- elle entend se prévaloir de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme ;

- la loi pénale plus douce doit lui être appliquée, en raison de la modification du code du travail par la nouvelle rédaction de l'article L. 8253-1 du code du travail ;

- la cour devra du moins décharger partiellement la société requérante de l'obligation de payer l'amende faute d'intentionnalité et eu égard à l'absence de gravité de la négligence commise.

Cette requête a été communiquée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et au ministre de l'intérieur et des outre-mer qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham,

- et les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 2 septembre 2019, l'OFII a appliqué à la société PS Bâtiment, d'une part, la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 14 480 euros, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 6 532 euros, pour l'emploi de deux travailleurs de nationalité brésilienne dépourvus de titre de séjour et d'autorisation de travail. Par deux titres de perception du 27 décembre 2019, l'Etat a mis à la charge de la société PS Bâtiment le paiement de ces sommes. La société PS Bâtiment a formé un recours administratif préalable à l'encontre de ces titres de perception, qui a été rejeté par une décision implicite formée le 17 août 2020. Par un jugement n° 2006379 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de la société PS Bâtiment tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du 17 août 2020 ensemble la décision de rejet implicite de son recours gracieux ainsi qu'à la décharge du paiement de la somme totale de 21 012 euros. La société PS Bâtiment relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En soutenant que le jugement attaqué est entaché de méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative et d'insuffisance de motivation, sans indiquer ni les moyens auxquels les premiers juges auraient omis de répondre, ni les points du jugement dont la motivation serait insuffisante, la société PS Bâtiment n'a pas assorti son moyen de précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Le moyen doit en conséquence être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code alors en vigueur : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et fixer le montant de cette contribution pour le compte de l'Etat selon des modalités définies par convention. / L'Etat est ordonnateur de la contribution spéciale. A ce titre, il liquide et émet le titre de perception. / (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-1 de ce code : " La contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est due pour chaque étranger employé en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1. / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui a embauché ou employé un travailleur étranger non muni d'une autorisation de travail ". Aux termes de l'article R. 8253-3 du même code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". Aux termes de l'article R. 8253-4 de ce code : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 (...). / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 626-1 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. / Le montant total des sanctions pécuniaires prévues, pour l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler, au premier alinéa du présent article et à l'article L. 8253-1 du code du travail ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail ou, si l'employeur entre dans le champ d'application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre. / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de fixer le montant de cette contribution. (...). / L'Etat est ordonnateur de la contribution forfaitaire. A ce titre, il liquide et émet le titre de perception. / (...) ". Aux termes de l'article R. 626-1 du même code : " I. - La contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 est due pour chaque employé en situation irrégulière au regard du droit au séjour. / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui, en violation de l'article L. 8251-1 du code du travail, a embauché ou employé un travailleur étranger dépourvu de titre de séjour. / II. - Le montant de cette contribution forfaitaire est fixé par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé du budget (...) ". Aux termes de l'article R. 626-2 de ce code : " I. - Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 626-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. / II. - A l'expiration du délai fixé, le directeur général décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. / (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 5221-8 du code du travail : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1. ". Les contributions prévues par le code du travail et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français et/ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces articles, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, et sauf à ce que le salarié ait justifié avoir la nationalité française, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu des dispositions précitées de l'article L. 5221-8 du code du travail et que, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité. En outre, lorsqu'un salarié s'est prévalu lors de son embauche de la nationalité française ou de sa qualité de ressortissant d'un Etat pour lequel une autorisation de travail n'est pas exigée, l'employeur ne peut être sanctionné s'il s'est assuré que ce salarié disposait d'un document d'identité de nature à en justifier, et s'il n'était pas en mesure de savoir que ce document revêtait un caractère frauduleux ou procédait d'une usurpation d'identité. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre la décision d'appliquer les contributions prévues par les dispositions précitées du code du travail et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'exercer son plein contrôle sur les faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique, salarié par salarié, en statuant en fonction de la valeur des éléments produits par l'administration pour établir l'infraction, et de ceux produits par le requérant. Il lui appartient ensuite de décider, selon le résultat de ce contrôle, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur.

5. En premier lieu, en se bornant à soutenir que le tribunal a inversé la charge de la preuve et a commis une erreur de droit en estimant, au point n° 5 du jugement attaqué, qu'il ne résultait pas de l'instruction et n'était pas allégué que l'employeur aurait demandé aux intéressés de lui présenter l'original de leurs pièces d'identité et qu'il se serait ainsi assuré que ces salariés disposaient d'un document d'identité de nature à justifier de la nationalité alléguée, la société PS Bâtiment ne met pas le juge d'appel, qui n'a pas à répondre aux moyens tirés de la régularité interne du jugement, à même d'en examiner le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de l'inversion de la charge de la preuve et de l'erreur de droit commise par les premiers juges doit être écarté.

6. En deuxième lieu, en soutenant, sans plus de précision, que les premiers juges ont statué au prix d'une appréciation erronée des faits dès lors, d'une part, que la solution d'un litige ne peut intervenir qu'au détriment de la partie défaillante à rapporter la preuve qui lui incombe et, d'autre part, que les juges du fond doivent apprécier avec rigueur les faits, la société PS Bâtiment, qui se contente ainsi de rappeler les principes qu'auraient dû suivre les premiers juges ne critique pas utilement le bien-fondé du jugement attaqué.

7. En troisième lieu, le moyen tiré de " l'opérance du moyen " tiré de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti de précisions permettant d'un apprécier le bien-fondé.

8. En dernier lieu, la société requérante invoque la modification de la rédaction de l'article L. 8253-1 du code du travail pour demander l'application de la loi pénale plus douce. Toutefois, l'OFII a appliqué pour la contribution spéciale le coefficient de 2 000 fois le taux horaire minimum garanti, et non le coefficient maximum de 5 000 fois prévu par la nouvelle rédaction des dispositions invoquées. Le moyen doit, par suite, être écarté. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que l'application de ce taux serait disproportionné au regard des capacités financières, du degré d'intentionnalité et du degré de gravité de la négligence commise.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société PS Bâtiment n'est pas fondée à soutenir, par les moyens qu'elle invoque, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société PS Bâtiment est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société PS Bâtiment et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Le Gars, présidente,

M. Ablard, premier conseiller,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2024.

La rapporteure,

C. PHAM La présidente,

A-C. LE GARS

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE01984 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01984
Date de la décision : 11/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Emploi des étrangers.

Étrangers - Emploi des étrangers - Mesures individuelles - Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : Mme LE GARS
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : DELACHARLERIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-11;22ve01984 ?
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