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11/07/2024 | FRANCE | N°22VE00300

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 3ème chambre, 11 juillet 2024, 22VE00300


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu, de contributions sur les hauts revenus et de contributions sociales mis à leur charge au titre de l'année 2014.



Par un jugement n° 1909560 du 20 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement de 36 358 euros intervenu en cours d'in

stance, a réduit la base des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution excep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu, de contributions sur les hauts revenus et de contributions sociales mis à leur charge au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1909560 du 20 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement de 36 358 euros intervenu en cours d'instance, a réduit la base des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales d'un montant de 44 086 euros, a déchargé à due concurrence, en droits et pénalités, les impositions en litige et a rejeté le surplus de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 février 2022 et le 13 octobre 2022, M. et Mme B..., représentés par Me Nicolas Julien, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il leur est défavorable ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales restant en litige au titre de l'année 2014, ainsi que le remboursement, assorti des intérêts moratoires au taux de 0,4 % entre le 9 juin 2017 et le 31 décembre 2017 et au taux de 0,2 % par mois à compter du 1er janvier 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme B... soutiennent que :

- faute de s'être vu attribuer des actions à titre gratuit et donc d'en être propriétaire, la somme perçu par M. B... en exécution des jugements du conseil des prud'hommes du 9 septembre 2014 et du 2 février 2015 ne saurait constituer une plus-value de cession à titre onéreux, mais doit être qualifiée d'indemnité ;

- cette indemnité, qui trouve sa source dans son contrat de travail et qui a pour objet de réparer le préjudice tiré de l'absence d'attribution des actions gratuites qu'il aurait dû recevoir en application du plan d'attribution d'actions, est imposable dans la catégorie des traitements et salaires conformément aux dispositions des articles 79 et 82 du code général des impôts ; une telle imposition est d'ailleurs prévue par les commentaires administratifs publiés au BOFiP sous la référence BOI-RSA-ES-20-20-20 n° 220 du 12 août 2014, dont il est fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

- dès lors que cette indemnité a la nature d'une indemnité salariale, le fait générateur est constitué par la mise à disposition de cette somme laquelle n'est intervenue que le 8 avril 2015, et doit, par suite, être imposée au titre des revenus 2015, et non au titre de l'année 2014 ;

- à supposer même que cette somme puisse être qualifiée de plus-value de cession, elle doit également être imposée au titre de l'année 2015 dans la mesure où il a interjeté appel du jugement du 9 septembre 2014, lequel n'est devenu exécutoire que le 12 mars 2015, date du constat par la cour d'appel de son désistement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par lettre du 17 juin 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611- 7 du code de justice administrative, de ce que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions relatives au versement des intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, en l'absence de litige né et actuel avec le comptable.

Des observations en réponse à ce moyen d'ordre public ont été produites pour M. et Mme B... le 19 juin 2024 et communiquées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Danielian,

- et les conclusions de M. Illouz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel, par proposition de rectification du 14 octobre 2016, l'administration fiscale a considéré que la somme versée à M. B... par la société Altarea en exécution des jugements du conseil des prud'hommes de Paris du 9 septembre 2014 et du 2 février 2015 d'un montant total de 211 345 euros " à titre de paiement des actions qu'elle aurait dû lui délivrer " constitue un gain imposable, au taux proportionnel de 30 %, dans la catégorie des plus-values de cession de valeurs mobilières. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la qualification de la somme en litige :

2. D'une part, aux termes de l'article 80 quaterdecies du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'espèce : " " Les actions attribuées dans les conditions définies aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-3 du code de commerce sont imposées entre les mains de l'attributaire selon les modalités prévues au 6 bis de l'article 200 A lorsque les actions attribuées demeurent indisponibles sans être données en location pendant une période minimale de deux ans qui court à compter de leur attribution définitive. / (...) ". Aux termes du 6 bis de l'article 200 A de ce code : " Sauf option pour l'imposition à l'impôt sur le revenu selon les règles applicables aux traitements et salaires, l'avantage correspondant à la valeur à leur date d'acquisition des actions mentionnées à l'article 80 quaterdecies est imposé au taux de 30 %. / (...) ". Aux termes de l'article L. 225-197-1 du code de commerce : " I.- L'assemblée générale extraordinaire, sur le rapport du conseil d'administration ou du directoire, selon le cas, et sur le rapport spécial des commissaires aux comptes, peut autoriser le conseil d'administration ou le directoire à procéder, au profit des membres du personnel salarié de la société ou de certaines catégories d'entre eux, à une attribution gratuite d'actions existantes ou à émettre. (...) / L'attribution des actions à leurs bénéficiaires est définitive au terme d'une période d'acquisition dont la durée minimale, qui ne peut être inférieure à deux ans, est déterminée par l'assemblée générale extraordinaire (...). L'assemblée générale extraordinaire fixe également la durée minimale de l'obligation de conservation des actions par les bénéficiaires. Cette durée court à compter de l'attribution définitive des actions, mais ne peut être inférieure à deux ans. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 79 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2014 : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu ". Aux termes du premier alinéa de l'article 82 de ce code : " Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits (...) ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'avantage ou gain d'acquisition, qui résulte pour les salariés ou les mandataires sociaux de l'attribution d'actions gratuites, dans les conditions prévues à l'article L. 225-197-1 du code de commerce, et qui est égal à la valeur des actions à leur date d'attribution définitive, c'est-à-dire au terme de la période d'acquisition, constitue pour le bénéficiaire un complément de rémunération imposable dans la catégorie des traitements et salaires. Il en va de même de l'indemnité versée au bénéficiaire d'actions gratuites en contrepartie de la perte du droit de se voir attribuer les options à la suite du refus illégal de son employeur de donner suite à sa demande d'attribution.

5. Il résulte de l'instruction qu'à la suite du rachat de la société Cogedim par la société Altarea, M. B... a bénéficié, le 23 juillet 2007, en sa qualité de salarié, de trois plans d'attribution gratuite d'actions, pour un total de 3 256 actions. La société Altarea a toutefois refusé, au terme des périodes d'acquisitions, respectivement le 23 juillet 2009 s'agissant des plans n°3 et n°4 et le 31 mars 2010 s'agissant du plan n°5, de lui remettre l'ensemble des actions gratuites attribuées, au motif qu'il n'avait pas participé au développement du groupe compte tenu du congé pour création d'entreprise qui lui avait été accordé à compter du 5 mai 2008 entraînant la suspension de l'exécution de son contrat de travail. Face à ce refus, M. B... a saisi le conseil des prud'hommes de Paris, lequel a, par un jugement du 9 septembre 2014, rectifié pour erreur matérielle le 2 février 2015, condamné la société Altarea à verser à M. B... une somme globale de 211 345 euros " à titre du paiement des actions qu'elle aurait dû lui délivrer ", les impositions demeurant en litige étant assises sur la seule somme de 167 259 euros, attribuée par le premier de ces jugements.

6. Il résulte de l'instruction, notamment du jugement du conseil des prud'hommes de Paris du 9 septembre 2014, que la somme encore en litige de 167 259 euros a été allouée à M. B... " à titre de paiement des actions que [la société Altarea] aurait dû lui délivrer", à la suite du refus illégal de son employeur de donner suite à sa demande d'attribution présentée au terme de la période d'acquisition, lequel l'a privé de la possibilité de bénéficier de cette attribution avant la rupture de son contrat de travail, le 4 mai 2010, suite à sa démission. Cette indemnité, dont le montant correspond au gain que M. B... aurait réalisé s'il avait pu bénéficier de son droit d'attribution, trouve, comme ce dernier, sa source dans le contrat de travail, même si, à la date où elle a été accordée, celui-ci avait pris fin. Par suite, cette somme doit être regardée comme une indemnité au sens de l'article 79 du code général des impôts et non comme un gain résultant de l'exercice de ce droit, imposable conformément aux prescriptions de l'article 82 du même code. M. et Mme B... sont, par suite, fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a imposé la somme restant en litige selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières, sur le fondement du 6 bis de l'article 200 A du code général des impôts, au taux forfaitaire de 30 %, et à demander, à due concurrence de la réintégration de cette somme dans leur base imposable, et en l'absence d'une demande de substitution de base légale, la décharge de l'imposition restant en litige, laquelle ne pouvait, au surplus, être établie qu'au titre de l'année 2015, au cours de laquelle le versement de la somme est intervenu.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de leur demande.

Sur le surplus des conclusions de la requête :

8. En l'absence de litige né et actuel avec le comptable public relatif à un refus de paiement des intérêts moratoires dus au titre de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, les conclusions de M. et Mme B... tendant au versement de ces intérêts sont sans objet, et, par suite, irrecevables.

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme B... d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La base des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis au titre de l'année 2014 est réduite d'un montant de 167 259 euros.

Article 2 : M. et Mme B... sont déchargés, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014 correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er .

Article 3 : Le jugement n° 1909560 du tribunal administratif de Versailles du 20 décembre 2021, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Besson-Ledey, présidente,

Mme Danielian, présidente assesseure,

Mme Liogier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.

La rapporteure,

I. Danielian La présidente,

L. Besson-Ledey

La greffière,

T. TollimLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE00300


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00300
Date de la décision : 11/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable - Revenus à la disposition.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: Mme Isabelle DANIELIAN
Rapporteur public ?: M. ILLOUZ
Avocat(s) : SELARL JULIEN-JEULIN ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-11;22ve00300 ?
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