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20/06/2024 | FRANCE | N°23VE02082

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 6ème chambre, 20 juin 2024, 23VE02082


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision par laquelle la préfète du Loiret a implicitement rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour présentée le 2 février 2021, ensemble l'arrêté du 16 juin 2022, par lequel cette même autorité a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesur

e d'éloignement.



Par un jugement n° 2201870 du 27 juin 2023, le tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision par laquelle la préfète du Loiret a implicitement rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour présentée le 2 février 2021, ensemble l'arrêté du 16 juin 2022, par lequel cette même autorité a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2201870 du 27 juin 2023, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er septembre 2023 et 4 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Madrid, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) d'enjoindre la préfète du Loiret de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " ascendant de français à charge " ou, à défaut, la mention " vie privée et familiale ", ou encore la mention " visiteur " ou, à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de sa situation sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur de droit commise par la préfète qui, pour refuser la délivrance du titre de séjour en qualité d'ascendant à charge, s'est fondée sur le critère, qui n'a aucun fondement légal, de l'absence d'isolement dans le pays d'origine ;

- le refus de titre, fondé sur l'absence de document justifiant sa nationalité, est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de droit dès lors qu'elle avait bien produit de tels documents, conformément aux dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît l'article L. 423-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle justifie être à la charge de ses filles, que la circonstance qu'elle ne serait pas isolée dans son pays d'origine ne constitue pas un motif de refus et que l'absence de visa de long séjour n'est pas un obstacle à la délivrance de carte d'ascendant à charge compte tenu du pouvoir discrétionnaire du préfet ;

- la décision méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que toute sa famille proche réside sur territoire français ;

- le refus de titre méconnaît l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet n'était pas en compétence liée du fait de l'absence de visa de long séjour ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et compte tenu de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- le refus de titre méconnaît encore les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont illégales dès lors qu'elle remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour de plein droit ;

- le refus de titre sur lesquelles elles se fondent est illégal ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, les circonstances de l'espèce et son état de santé justifiant qu'un délai plus long lui soit accordé.

Par un mémoire enregistré le 4 mars 2023, la préfète du Loiret, représentée par Me Hervois, avocat, conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florent,

- et les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante tchadienne née le 2 juin 1958, est entrée en France le 4 juin 2018, selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 29 mai 2020, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 5 janvier 2021. Le 2 février 2021, Mme B... a présenté une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23, L. 435-1, L. 426-20 et L. 423-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le silence gardé par la préfète du Loiret sur cette demande pendant une durée de quatre mois a fait naître une décision implicite de rejet. Puis, par un arrêté du 16 juin 2022, la préfète du Loiret a refusé expressément de délivrer à Mme B... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par la présente requête, Mme B... demande à la cour l'annulation du jugement du 27 juin 2023 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'étendue du litige :

2. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, par un arrêté du 16 juin 2022, la préfète du Loiret a expressément rejeté la demande de Mme B... tendant à la délivrance d'un titre de séjour présentée le 2 février 2021. Dans ces conditions, ses conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration pendant les quatre mois suivant la réception de cette demande doivent être regardées comme dirigées contre la décision explicite du 16 juin 2022.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Mme B... soutient que le jugement est irrégulier au motif que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur de droit commise par la préfète qui, pour refuser la délivrance du titre de séjour en qualité d'ascendant à charge, s'est fondée sur le critère, dépourvu de fondement légal, de l'absence d'isolement dans le pays d'origine. Toutefois, il ressort de l'arrêté attaqué que cet élément a été pris en considération pour l'examen de la demande de Mme B... fondée sur l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur l'article L. 423-11 du même code. Par suite, l'absence de réponse à ce moyen, qui est inopérant, n'est pas de nature à entacher la régularité du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, il ressort des pièces produites par la préfète du Loiret que Mme B... est entrée en France sous couvert d'un visa de court séjour. En l'absence de visa de long séjour, la préfète du Loiret pouvait, comme elle l'a fait, refuser pour ce seul motif la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français ou de visiteur, la délivrance de plein droit de tels titres sur le fondement des articles L. 423-11 et L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étant conditionnée à la production d'un tel visa en application des articles L. 412-1 et suivants du même code. Il ne ressort pas par ailleurs des termes de l'arrêté attaqué que la préfète se serait crue en situation de compétence liée et n'aurait pas examiné les possibilités de régularisation de l'intéressée en vertu de son pouvoir discrétionnaire.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

6. Mme B... déclare avoir fui le Tchad en 2018 avec les deux enfants de sa fille cadette, mariée de force à un homme violent, dont la propre fille était menacée d'excision et le fils d'être forcé à travailler dans l'exploitation agricole de ses grands-parents paternels. S'il ressort des pièces du dossier que sa fille cadette, venue en France quelques mois plus tard, et ses enfants ont obtenu le statut de réfugié, et que sa fille aînée et son gendre, tous deux également réfugiés, ont obtenus la nationalité française par naturalisation et la prennent financièrement en charge, il est constant que Mme B... n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où résident toujours cinq de ses sept enfants, dont deux âgés de 16 et 17 ans à la date de la décision attaquée, et où elle-même a vécu au moins jusqu'à l'âge de 60 ans. Si les attestations produites font état par ailleurs de ce que Mme B... s'occupe de ses petits-enfants dont elle est très proche, il ne ressort pas des pièces du dossier que sa présence auprès d'eux ou de ses filles serait indispensable. Il n'apparaît pas davantage que l'état de santé de la requérante nécessiterait des soins dont elle ne pourrait bénéficier au Tchad. Enfin, si l'intéressée fait état de craintes de représailles notamment de la part de son beau-fils en cas de retour sans son pays d'origine, Mme B... a indiqué devant la CNDA avoir pris toutes les précautions afin de protéger ses cinq autres enfants restés au Tchad, précisant les avoir séparés et confiés à deux connaissances distinctes afin que chacun demeure dans un endroit sécurisé et signalant qu'ils n'avaient pas été inquiétés par son beau-fils. Ces déclarations permettent d'établir que Mme B... dispose ainsi de relais sécurisés au Tchad lui permettant de ne pas être inquiétée par le mari de sa fille en cas de retour au Tchad. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou une atteinte disproportionnée à l'intérêt supérieur de ses petits-enfants en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ou bien encore qu'elle remplirait les conditions pour obtenir un titre de séjour de plein droit. Pour les mêmes motifs, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou des conséquences de cet arrêté sur sa situation personnelle ou bien encore qu'il aurait été pris en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de Mme B..., qui ne travaille pas et dont l'état de santé n'implique aucune intervention particulière à brève échéance, justifiait que lui soit accordé un délai de départ supérieur à trente jours pour quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste alléguée à ne pas lui avoir octroyé un délai de départ volontaire plus long ne peut qu'être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa requête. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction, de même que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Loiret.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

La rapporteure,

J. FLORENTLe président,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE02082


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE02082
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Julie FLORENT
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : HERVOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23ve02082 ?
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