Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI CC Longchêne, M. C... et Mme E... A... et M. D... et Mme B... F... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler le certificat d'urbanisme négatif du 3 juin 2020 qui leur a été délivré par le maire de la commune de Bullion.
Par un jugement n° 2005065 du 22 avril 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 juin 2022, la SCI CC Longchêne, M. C... et Mme E... A... et M. D... et Mme B... F..., représentés par Me Bougassas, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ce certificat d'urbanisme négatif ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bullion la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier car il est insuffisamment motivé s'agissant de sa réponse aux moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation commises par le maire de la commune de Bullion quant au caractère réalisable du projet ;
- le jugement est également irrégulier dès lors que le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'atteinte excessive que porte la décision litigieuse à leur droit fondamental de propriété ;
- le certificat d'urbanisme est illégal en ce qu'il se fonde sur les dispositions de l'article Uh 1.1 du plan local d'urbanisme prévoyant une interdiction absolue de construire, injustifiée et disproportionnée au regard des objectifs de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme ;
- c'est à tort que le maire de Bullion a considéré que leur projet est de nature à porter atteinte à l'espace paysager protégé ;
- la décision porte une atteinte excessive à leur droit de propriété.
La requête a été communiquée à la commune de Bullion, qui n'a pas produit d'observations.
Par une ordonnance en date du 30 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florent,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- et les observations de M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Le 6 février 2020, la Selarl Arkane Foncier, en qualité de mandataire de la SCI CC Longchêne, a déposé une demande de certificat d'urbanisme pour un projet situé rue des Parts au sein de la commune de Bullion, en vue de la division des parcelles OB 757 et OB 756 et de la construction de deux lots à bâtir, avec création d'un accès commun à partir de la parcelle OB 847. Par une décision du 3 juin 2020, le maire de la commune de Bullion a rejeté leur demande au motif que la création d'un espace commun et des accès pour véhicule au sein d'un espace paysager protégé au titre de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme méconnait les prescriptions édictées à l'article UH 1.1 du plan local d'urbanisme communal interdisant tout usage et affectation des sols au sein de ces secteurs protégés. La SCI CC Longchêne et ses associés, M. C... et Mme E... A... et M. D... et Mme B... F..., ont demandé l'annulation de ce certificat d'urbanisme négatif au tribunal administratif de Versailles qui, par un jugement du 22 avril 2022, a rejeté à leur demande. Par la présente requête, ils relèvent appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Sous réserve, en ce qui concerne les vices de forme ou de procédure, des dispositions de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme, il peut être utilement soutenu devant le juge qu'une décision de certificat d'urbanisme négatif a été prise sous l'empire d'un document d'urbanisme illégal. Cette règle s'applique que le document ait été illégal dès l'origine ou que son illégalité résulte de circonstances de fait ou de droit postérieures, l'illégalité de ce document d'urbanisme entraînant l'annulation du certificat d'urbanisme négatif pris sur son fondement, sauf au juge à procéder, le cas échéant, à une substitution de base légale ou de motifs dans les conditions de droit commun.
3. Aux termes de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les sites et secteurs à protéger pour des motifs d'ordre écologique, notamment pour la préservation, le maintien ou la remise en état des continuités écologiques et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation. Lorsqu'il s'agit d'espaces boisés, il est fait application du régime d'exception prévu à l'article L. 421-4 pour les coupes et abattages d'arbres. / Il peut localiser, dans les zones urbaines, les terrains cultivés et les espaces non bâtis nécessaires au maintien des continuités écologiques à protéger et inconstructibles quels que soient les équipements qui, le cas échéant, les desservent ".
4. Cet article permet au règlement d'un plan local d'urbanisme d'édicter des dispositions visant à protéger, mettre en valeur ou requalifier un élément du paysage dont l'intérêt le justifie. Le règlement peut notamment, à cette fin, instituer un cône de vue ou identifier un secteur en raison de ses caractéristiques particulières. La localisation de ce cône de vue ou de ce secteur, sa délimitation et les prescriptions le cas échéant définies, qui ne sauraient avoir de portée au-delà du territoire couvert par le plan, doivent être proportionnées et ne peuvent excéder ce qui est nécessaire à l'objectif recherché. Une interdiction de toute construction ne peut être imposée que s'il s'agit du seul moyen permettant d'atteindre l'objectif poursuivi.
5. En l'espèce, le règlement du plan local d'urbanisme a identifié un espace boisé situé en cœur d'îlot au hameau de Longchêne, qui traverse une partie des parcelles OB 757 et OB 756, comme " espace paysager protégé ", institué sur le fondement de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme, dans lequel est interdit " tout usage et affectation des sols, et toute activité de toute nature " en application de l'article Uh 1-1 de ce règlement. La commune de Bullion fait valoir que cet espace boisé, situé en zone urbaine, a été identifié par les auteurs du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) comme l'un des éléments les plus significatifs de la trame verte urbaine à valoriser et préserver, en cohérence avec les objectifs du PADD tenant à la protection et la valorisation du territoire communal par le maintien de la qualité paysagère, la maîtrise de l'urbanisation au contact des zones naturelles sensibles, un développement urbain de qualité et la modération de la consommation de l'espace. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ce secteur, situé en cœur d'îlot d'une zone urbanisée, ne comporte aucun corridor écologique et n'est pas identifié au titre des éléments à préserver par le schéma régional de cohérence écologique ou la charte du parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse. Il n'est par ailleurs pas établi ni même allégué que ce boisement, d'environ 2 hectares, comporterait des particularités telles que seule une interdiction de toute construction et utilisation des sols permettrait d'atteindre l'objectif de préservation de cet espace boisé. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que cette interdiction totale et absolue est disproportionnée et excède ce qui est nécessaire à l'objectif recherché. Par suite, les requérants sont fondés à exciper de l'illégalité de l'article Uh 1-1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Bullion à l'encontre de la décision attaquée.
6. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation de la décision du 3 juin 2020.
7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 3 juin 2020.
Sur les frais relatifs à l'instance d'appel :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Bullion la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2005065 du 22 avril 2022 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : Le certificat d'urbanisme opérationnel négatif du 3 juin 2020 est annulé.
Article 3 : La commune de Bullion versera à la SCI CC Longchêne, M. C... et Mme E... A... et M. D... et Mme B... F... une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la M. C... A..., en qualité de représentant unique des requérants au titre de l'article R. 411-5 du code de justice administrative et à la commune de Bullion.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Pilven, président-assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.
La rapporteure,
J. FLORENTLe président,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 22VE01551 2