Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 22 novembre 2019 par laquelle la commission locale d'agrément et de contrôle Île-de-France-Est a retiré en urgence sa carte professionnelle délivrée le 11 mars 2016, décision confirmée par une délibération du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) du 5 mai 2020.
Par un jugement n° 2004591 du 6 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 février 2022, Mme B... A..., représentée par Me El Idrissi, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre au CNAPS de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de condamner le CNAPS à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
5°) de mettre à la charge du CNAPS la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de retrait n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que les faits reprochés ne sont pas établis.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2022, le conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), représenté par Me Cano, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions indemnitaires présentées pour la première fois en appel par Mme A... sont irrecevables ;
- les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 22 novembre 2019 de la commission locale d'agrément et de contrôle Île-de-France-Est sont irrecevables ;
- en tout état de cause, les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du président de la 4ème chambre du 19 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 23 janvier 2024 à 12h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ablard,
- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,
- et les observations de Me Reis pour le conseil national des activités privées de sécurité.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née le 30 juillet 1984, était titulaire depuis le 11 mars 2016 d'une carte professionnelle, valable jusqu'au 4 mars 2021, lui permettant d'exercer les fonctions d'agent de sûreté aéroportuaire et d'agent de surveillance humaine et électronique. Par une décision du 22 novembre 2019, la commission locale d'agrément et de contrôle Île-de-France-Est a procédé au retrait de cette carte professionnelle. Par une délibération du 5 mai 2020, la commission nationale d'agrément et de contrôle du conseil national des activités privées de sécurité a rejeté le recours administratif préalable obligatoire présenté par Mme A... et confirmé le retrait de sa carte professionnelle. Mme A... relève appel du jugement du 6 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur les conclusions indemnitaires :
2. La demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Versailles tendait exclusivement à l'annulation des décisions susmentionnées des 22 novembre 2019 et 5 mai 2020. Ses conclusions tendant à l'octroi d'une indemnité étant présentées pour la première fois en appel, elles sont, par suite, irrecevables et doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la commission locale d'agrément et de contrôle Île-de-France-Est du 22 novembre 2019 :
3. Aux termes de l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure, alors en vigueur : " Tout recours contentieux formé par une personne physique ou morale à l'encontre d'actes pris par une commission d'agrément et de contrôle est précédé d'un recours administratif préalable devant la Commission nationale d'agrément et de contrôle, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux ". Aux termes de l'article R. 633-9 de ce code, alors en vigueur : " Le recours administratif préalable obligatoire devant la Commission nationale d'agrément et de contrôle prévu à l'article L. 633-3 peut être exercé dans les deux mois de la notification, par la commission locale d'agrément et de contrôle, de la décision contestée. Cette notification précise les délais et les voies de ce recours. Toute décision de la Commission nationale d'agrément et de contrôle se substitue à la décision initiale de la commission locale d'agrément et de contrôle. Une copie en est adressée à la commission locale d'agrément et de contrôle concernée. (...) ".
4. La commission nationale d'agrément et de contrôle du conseil national des activités privées de sécurité a rejeté, par une délibération du 5 mai 2020, le recours administratif préalable obligatoire présenté par Mme A... contre la décision de la commission locale d'agrément et de contrôle Île-de-France-Est du 22 novembre 2019. La délibération du 5 mai 2020 s'est, dès lors, substituée à la décision du 22 novembre 2019. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 22 novembre 2019 doivent être rejetées.
Sur la légalité de la délibération de la commission nationale d'agrément et de contrôle du 5 mai 2020 :
5. En premier lieu, la délibération du 5 mai 2020 comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, dans sa version alors en vigueur : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : (...) 2° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ; (...) Le respect de ces conditions est attesté par la détention d'une carte professionnelle délivrée selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. La carte professionnelle peut être retirée lorsque son titulaire cesse de remplir l'une des conditions prévues aux 1°, 2° et 3°. (...) En cas d'urgence, le président de la commission d'agrément et de contrôle territorialement compétente peut retirer la carte professionnelle. En outre, le représentant de l'Etat peut retirer la carte professionnelle en cas de nécessité tenant à l'ordre public. ".
7. Pour prendre la délibération attaquée en application des dispositions précitées, la commission nationale d'agrément et de contrôle s'est fondée sur un courriel de la préfecture de l'Essonne du 13 novembre 2019, indiquant que l'intéressée " avait montré des signes de radicalisation, notamment par une pratique religieuse rigoriste de l'islam, alors même qu'elle exerçait des missions de surveillance et de gardiennage sur des sites sensibles, relevant du recensement SEVESO ou de la législation relative aux installations d'importance vitale, dans le département de l'Essonne, en zone urbanisée ". La commission nationale d'agrément et de contrôle a également relevé que l'employeur de la requérante " avait déjà signalé, par le biais d'une main courante en date du 6 mai 2016, la tenue par l'intéressée de propos radicaux sur son lieu de travail à la suite des attentats survenus en 2015, notamment sur le territoire national ". La commission a enfin considéré que " ces éléments démontrent, de la part de l'intéressée, un comportement à risque susceptible de porter atteinte à la sécurité publique, à la sécurité des personnes et à la sûreté de l'Etat, qui ne peut être admis dans un contexte de prévention et de lutte accentuées contre le terrorisme ". Si Mme A... soutient que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis et que le courriel de la préfecture de l'Essonne du 13 novembre 2019 ainsi que la main courante du 6 mai 2016, mentionnés ci-dessus, n'ont pas été versés aux débats, le CNAPS fait valoir à l'audience que ces documents n'ont pu être produits compte tenu de leur sensibilité. En tout état de cause, Mme A... ne produit aucun élément de nature à contredire les affirmations de la commission nationale d'agrément et de contrôle. A cet égard, Mme A..., qui se borne à soutenir qu'elle n'a jamais fait état de ses convictions religieuses dans le cadre de son activité professionnelle, qu'elle condamne le terrorisme, qu'elle n'a jamais rencontré de difficultés dans l'exercice de ses fonctions et qu'elle a toujours donné satisfaction à ses employeurs, n'assortit ces allégations d'aucun élément, comme des attestations, permettant de les étayer. Enfin, si Mme A... fait valoir que le retrait de sa carte professionnelle l'a placée dans une situation financière difficile et a été à l'origine d'une dégradation de son état de santé, ces circonstances sont sans incidence sur la légalité dudit retrait. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur d'appréciation doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CNAPS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande à ce titre. Dans les circonstances particulières de l'espèce, et en équité, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le CNAPS au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS).
Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président,
M. Ablard, premier conseiller,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2024.
Le rapporteur,
T. ABLARD
Le président,
S. BROTONS
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 22VE00253 2