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18/06/2024 | FRANCE | N°22VE00557

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 18 juin 2024, 22VE00557


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à titre principal, d'annuler la décision en date du 16 novembre 2018 par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-d'Oise a résilié le contrat d'aide à l'installation des médecins (CAIM) qu'elle avait conclu le 31 juillet 2018 et d'enjoindre à cette caisse de reprendre les relations contractuelles avec elle dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, so

us astreinte de 500 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, d'annuler la dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à titre principal, d'annuler la décision en date du 16 novembre 2018 par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-d'Oise a résilié le contrat d'aide à l'installation des médecins (CAIM) qu'elle avait conclu le 31 juillet 2018 et d'enjoindre à cette caisse de reprendre les relations contractuelles avec elle dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, d'annuler la décision par laquelle la CPAM du Val-d'Oise lui a refusé l'adhésion au CAIM et d'enjoindre à cette caisse de lui accorder le bénéfice de ce contrat ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1900875 du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 11 mars et 15 août 2022, les 30 janvier et 5 avril 2023, une note en délibéré enregistrée le 27 mars 2024, et des mémoires enregistrés les 21 avril et 21 mai 2024, Mme B..., représentée par Me Bron, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, d'annuler la décision par laquelle la CPAM du Val-d'Oise a résilié le CAIM conclu avec elle et d'ordonner la reprise des relations contractuelles à compter du 16 novembre 2018, ainsi que le versement de la subvention de 50 000 euros prévue par le CAIM, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 750 euros par jour de retard ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision par laquelle la CPAM du Val-d'Oise a résilié le CAIM conclu avec elle et d'enjoindre à la CPAM du Val-d'Oise de lui accorder le bénéfice de l'aide à l'installation des médecins d'un montant de 50 000 euros ou, du moins, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 750 euros par jour de retard ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, d'abroger cette même décision et d'enjoindre à la CPAM du Val-d'Oise de lui accorder le bénéfice de l'aide à l'installation des médecins d'un montant de 50 000 euros ou, du moins, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 750 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de la CPAM du Val-d'Oise la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer et d'insuffisance de motivation en ce qu'il se contente d'affirmer que l'appréciation de la légalité de la décision attaquée relève de l'office du juge de l'excès de pouvoir ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit, d'erreur manifeste d'appréciation et de dénaturation des pièces du dossier ;

- la décision du 26 novembre 2018 doit s'analyser comme une décision de résiliation du CAIM ;

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle viole l'article 4.2 du CAIM ;

- elle constitue un manquement à l'obligation de loyauté contractuelle ;

- elle constitue une décision de résiliation brutale et porte donc une atteinte injustifiée à l'impératif de stabilité des relations contractuelles, ce qui l'entache d'irrégularité ;

- elle est entachée d'erreur de droit quant à l'appréciation de la condition d'exercice de groupe, dès lors qu'il est exigé à tort que l'exercice en groupe soit concrétisé par un contrat ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation et d'erreur de fait, dès lors que la CPAM du Val-d'Oise a considéré à tort que la condition d'exercice en groupe n'était pas remplie ;

- elle méconnaît l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la convention d'équipe de soins primaires signée en décembre 2018 doit être prise en compte ; celle-ci rend sans objet la décision attaquée ou doit du moins en entraîner l'abrogation ;

- à titre subsidiaire, à supposer que la décision attaquée doive être analysée comme une décision unilatérale, elle est entachée d'incompétence, elle méconnaît l'article 4.2 du CAIM, elle est entachée d'erreur de droit, elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, elle est fondée sur l'article 4 de la convention du 25 août 2016, dont elle excipe de l'illégalité.

Par des mémoires enregistrés les 19 mai et 11 octobre 2022, le 23 mars 2023, le 21 mars 2024, une note en délibéré enregistrée le 29 mars 2024 et des mémoires enregistrés les 14 mai 2024 et 29 mai 2024, la CPAM du Val-d'Oise, représentée par Me Gatineau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée doit être analysée comme une décision unilatérale refusant l'octroi d'une subvention ;

- par suite, les moyens soulevés par Mme B... contre une décision de résiliation du CAIM sont inopérants ;

- les autres moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du président de la 4ème chambre du 23 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 16 février 2024 à 12h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie signée le 25 août 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham,

- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,

- les observations de Me Bron pour Mme B... et celles de Me Gatineau pour la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise.

Une note en délibéré présentée pour Mme B... a été enregistrée le 9 juin 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision en date du 16 novembre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise a notifié à Mme C... B..., médecin généraliste exerçant à Ezanville dans le Val-d'Oise, une décision de refus de la demande d'adhésion de l'intéressée au contrat d'aide à l'installation des médecins (CAIM) signé par elle le 26 juillet 2018, puis par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-d'Oise et par l'agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France et transmis par un courrier en date du 2 août 2018, au motif que la condition d'exercice en groupe n'était pas remplie. Mme B... a formé une demande, tendant, à titre principal, à l'annulation de cette décision qu'elle regarde comme une décision de résiliation du CAIM et, à titre subsidiaire, à l'annulation de cette décision unilatérale de refus. Par un jugement n° 1900875 du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Mme B... relève régulièrement appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, au point 3 du jugement attaqué, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par les parties, ont écarté le moyen invoqué par Mme B..., tiré de ce que le litige concernait l'exécution d'un contrat relevant du juge de plein contentieux, en se référant à la nature de la décision prise et en excluant implicitement mais nécessairement que l'exécution du contrat d'aide à l'installation des médecins ait déjà débuté. Une telle motivation est suffisante. Les moyens tirés de l'omission à statuer et de l'insuffisance de motivation doivent en conséquence être écartés.

3. En deuxième lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme B... ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit, de fait, d'appréciation ou de la dénaturation des pièces du dossier qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

S'agissant de la nature de la décision attaquée :

4. D'une part, aux termes de l'article 1 de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie signée le 25 août 2016 : " Objet de la convention / La présente convention a pour objet : (...) - d'améliorer l'accès aux soins de premier et second recours et aux soins spécialisés par la mise en place de mesures organisationnelles et incitatives à l'installation dans les zones déficitaires en offre médicale ; - d'accompagner la mise en place d'une meilleure structuration de l'offre de soins pour développer une médecine de parcours et de proximité organisée autour du patient et coordonnée par le médecin traitant en lien avec les différents médecins correspondants (...) ". Aux termes de l'article 4 de la même convention : " Contrat type national d'aide à l'installation des médecins (CAIM) dans les zones sous-dotées / Article 4.1 Objet du contrat d'installation / Ce contrat a pour objet de favoriser l'installation des médecins dans les zones caractérisées par une insuffisance de l'offre de soins et par des difficultés d'accès aux soins, par la mise en place d'une aide forfaitaire versée au moment de l'installation du médecin dans lesdites zones, qu'il s'agisse d'une première ou d'une nouvelle installation en libéral, pour l'accompagner dans cette période de fort investissement généré par le début d'activité en exercice libéral (locaux, équipements, charges diverses, etc.) / (...) Article 4.2 Bénéficiaires du contrat d'installation / Ce contrat est proposé aux médecins remplissant les conditions cumulatives suivantes : / (...) 3. exercer au sein d'un groupe formé entre médecins ou d'un groupe pluri-professionnel, quelle que soit sa forme juridique ou appartenir à une communauté professionnelle territoriale de santé telle que définie à l'article L. 1434-12 du code de la santé publique ou appartenir à une équipe de soins primaires définie à l'article L. 1411-11-1 du code de santé publique) avec formalisation d'un projet de santé commun déposé à l'ARS (...). ".

5. D'autre part, une décision qui a pour objet l'attribution d'une subvention constitue un acte unilatéral qui crée des droits au profit de son bénéficiaire. De tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention. Indépendamment des actions indemnitaires qui peuvent être engagées contre la personne publique, les recours relatifs à une subvention, qu'ils aient en particulier pour objet la décision même de l'octroyer, quelle qu'en soit la forme, les conditions mises à son octroi par cette décision ou par convention, ou encore les décisions de la personne publique auxquelles elle est susceptible de donner lieu, notamment les décisions par lesquelles la personne publique modifie le montant ou les conditions d'octroi de la subvention, cesse de la verser ou demande le remboursement des sommes déjà versées, ne peuvent être portés que devant le juge de l'excès de pouvoir, par le bénéficiaire de la subvention ou par des tiers qui disposent d'un intérêt leur donnant qualité à agir.

6. En l'espèce, Mme B... soutient que la décision du 26 novembre 2018 attaquée doit s'analyser comme une décision de résiliation du CAIM qu'elle a signé le 26 juillet 2018 avec les représentants de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France et de la CPAM du Val-d'Oise et qu'elle produit. Toutefois, indépendamment de la signature ou non de ce contrat, la décision du 26 novembre 2018 constitue un refus d'accorder à la requérante le bénéfice du contrat d'aide à l'installation des médecins et, partant, de la subvention de 50 000 euros qui en compose la conséquence principale. Eu égard aux principes précités, l'appréciation de la légalité d'une telle décision relève de l'office du juge de l'excès de pouvoir.

S'agissant de la légalité externe :

7. En premier lieu, Mme A... D..., signataire de la décision attaquée, a reçu délégation de signature à effet au 1er juillet 2018 pour " signer l'information aux professionnels de santé (...) sur les différents contrats sur lesquels ils ont accès + accord donné par la CPAM = contrats incitatifs et démographiques ". D'une part, en vertu de cette délégation de signature, Mme D... était compétente pour prendre la décision attaquée, sans qu'il soit besoin d'une habilitation expresse la concernant en matière de CAIM et peu important que le CAIM n'ait pas été signé par elle mais par le directeur adjoint de la CPAM du Val-d'Oise. D'autre part, aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe ne subordonnent l'entrée en vigueur d'une telle délégation de signature, qui ne constitue pas un acte réglementaire, à l'accomplissement d'une mesure de publicité. L'absence de publication de la délégation de signature du 1er juillet 2018 n'entache donc pas d'incompétence la décision attaquée. Par ailleurs, par la décision attaquée, la CPAM du Val-d'Oise a refusé de donner son adhésion à la signature d'un CAIM au bénéfice de Mme B.... Une telle décision, qui concerne l'adhésion de la CPAM seule, n'avait pas à être prise conjointement avec le représentant de l'agence régionale de la santé. Enfin, aux termes de l'article L. 162-14-4 du code de la sécurité sociale : " (...) II. - Chaque professionnel de santé ou centre de santé conventionné établi dans le ressort de l'agence peut signer un ou plusieurs contrats conformes à ces contrats types régionaux avec le directeur général de l'agence régionale de santé et un représentant des régimes d'assurance maladie désigné à cet effet par le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie. En l'absence de désignation de son représentant par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, ce dernier est désigné par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. ". Mme B... soutient qu'en application de ces dispositions, la décision ne pouvait être prise que par la directrice de la CPAM du Val-d'Oise et que Mme D... a forcément agi par le biais d'une subdélégation de signature irrégulière. Toutefois, ce moyen doit être écarté comme inopérant, dès lors que la décision attaquée ne constitue pas la signature d'un CAIM. Le moyen tiré de l'incompétence doit en conséquence être écarté dans toutes ses branches.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2, du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent./ A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir. ". En l'espèce, le courrier du 16 novembre 2018 rappelait à Mme B... qu'il lui avait été adressé un courrier en date du 2 août 2018 lui demandant de retourner complété le tableau joint reprenant les engagements socles, lui indiquait une nouvelle fois les conditions à remplir pour adhérer à ce contrat, notamment l'exercice au sein d'un groupe, en communauté professionnelle territoriale de santé ou en équipe de soins primaires avec signature d'un projet de santé avec l'ARS, et indiquait qu'elle n'avait pas justifié respecter la condition d'exercice en groupe. Une telle décision est suffisamment motivée.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. / Le délai mentionné à l'article L. 114-3 au terme duquel, à défaut de décision expresse, la demande est réputée acceptée ne court qu'à compter de la réception des pièces et informations requises. ". En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la CPAM du Val-d'Oise a bien indiqué à Mme B... qu'elle avait omis de produire les pièces justificatives afférentes à l'exercice d'une activité en groupe et lui a indiqué quelles pièces étaient susceptibles de justifier d'une telle activité en en fournissant plusieurs exemples. La circonstance que la CPAM se serait trompée en indiquant à la requérante qu'elle pouvait signer un contrat de collaboration avec deux infirmières libérales n'est pas de nature, à elle seule, à entraîner la méconnaissance de ces dispositions. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

S'agissant de la légalité interne :

10. En premier lieu, la CPAM du Val d'Oise avait transmis à Mme B..., par courrier du 2 août 2018, un tableau des engagements socles en lui demandant de le lui retourner rempli et accompagné de justificatifs. Ce tableau ayant été retourné sans justificatif, un agent de la CPAM du Val-d'Oise a sollicité auprès de Mme B... un document justifiant l'exercice en groupe par courriel du 5 septembre 2018, puis l'a appelée. La décision attaquée ayant été prise le 26 novembre 2018, Mme B... n'est pas fondée à se plaindre d'un prétendu manquement de la CPAM du Val-d'Oise à son obligation de loyauté contractuelle ou du caractère brutal de la décision attaquée.

11. En deuxième lieu, Mme B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article 4.2. du CAIM, lequel concerne la récupération par la CPAM de l'aide à l'installation quand un médecin ne remplit plus ses engagements postérieurement au versement de cette subvention.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 1.2 du CAIM : " Le présent contrat est réservé aux médecins remplissant les conditions cumulatives suivantes : / - exerçant au sein d'un groupe formé entre médecins ou d'un groupe pluriprofessionnel, quelle que soit sa forme juridique ou appartenir à une communauté professionnelle territoriale de santé telle que définie à l'article L. 1434-12 du code de la santé publique ; / - ou appartenant à une équipe de soins primaires définie à l'article L. 1411-11-1 du code de santé publique avec formalisation d'un projet de santé commun déposé à l'ARS (...). ". Mme B... soutient que cette condition est remplie, dès lors qu'elle exerce dans des locaux situés à proximité d'un médecin généraliste, de deux infirmières, de deux diététiciennes, d'un ostéopathe et d'une psychologue, que les patients consultent tour à tour les différents praticiens sur de nombreuses pathologies, et que les praticiens échangent entre eux des informations sur les patients. Toutefois, ces éléments ne suffisent pas à établir l'existence d'une activité en groupe, qui suppose au moins un projet commun ou une structuration du parcours de santé des patients. La convention d'équipe de soins primaires produite par Mme B... est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu'elle a été signée le 14 décembre 2018, postérieurement à la notification de la décision attaquée. Si Mme B... soutient que les pratiques mentionnées dans cette convention étaient déjà mises en œuvre avant sa signature, elle ne produit aucun document, notamment des mails entre confrères ou des comptes rendus de réunions, permettant d'établir la réalité de cette allégation. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit, de l'erreur d'appréciation et de l'erreur de fait concernant l'absence d'activité en groupe doivent être écartés.

13. En quatrième lieu, Mme B... soutient que le tableau des engagements accordait un délai de deux ans pour transmettre à la CPAM du Val-d'Oise l'ensemble des éléments justificatifs relatifs à la création d'une équipe de soins primaires et que la convention d'équipe de soins primaires signée le 14 décembre 2018 a rendu la décision attaquée sans objet. Toutefois, ainsi que cela était relevé dans le tableau des engagements, ce délai de deux ans n'était accordé qu'en cas de dérogation octroyée par l'agence régionale de santé. Or, il est constant que Mme B... n'a jamais sollicité ou obtenu une telle dérogation. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen avancé.

14. En cinquième lieu, Mme B... excipe de l'illégalité de l'article 4 de la convention nationale de 2016, au motif qu'il emporterait rupture d'égalité entre les médecins. Toutefois, eu égard à l'objectif de la convention nationale précitée, qui visait notamment à améliorer l'accès aux soins de premier et second secours et aux soins spécialisés, à améliorer la structuration de l'offre de soins, à développer une médecine de parcours et de proximité organisée autour du patient et coordonnée par le médecin traitant en lien avec les différents médecins correspondants, à renforcer les actions de prévention, de dépistage et de promotion de la santé et à valoriser la qualité des pratiques médicales, la condition d'exercice en groupe imposée pour bénéficier d'une aide forfaitaire à l'installation ne méconnaît pas le principe d'égalité. Le moyen doit en conséquence être écarté.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'abrogation :

15. Mme B... soutient, à titre subsidiaire, que la décision attaquée est devenue illégale à la suite d'un changement dans les circonstances de fait postérieur à son édiction constitué par la signature d'une convention d'équipe de soins primaires le 14 décembre 2018, et demande pour ce motif à la cour de céans de l'abroger. Toutefois si ces nouvelles circonstances pourraient éventuellement conduire Mme B... à demander le bénéfice d'un CAIM, des conclusions à fin d'abrogation d'une telle décision, de nature individuelle, ne sont pas recevables.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la CPAM du Val-d'Oise et non compris dans les dépens.

Sur les dépens :

18. Mme B... ne justifiant pas avoir, au cours de l'instance, exposé de dépens, au sens et pour l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, ses conclusions présentées à ce titre doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera à la CPAM du Val-d'Oise une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise et à l'agence régionale de santé d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Le Gars, présidente,

M. Ablard, premier conseiller,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

La rapporteure,

C. PHAM La présidente,

A-C. LE GARS

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE00557 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00557
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-03-01-01 Professions, charges et offices. - Conditions d'exercice des professions. - Médecins. - Cabinet médical.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;22ve00557 ?
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