Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2021 par lequel la préfète du Loiret l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2104007 du 24 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 25 janvier 2022 et 8 février 2022, M. B..., représenté par Me Guerekobaya, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de première instance et d'appel.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors que le principe du contradictoire et le droit à un procès équitable ont été méconnus ;
- le premier juge a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit, dès lors que la préfète du Loiret a méconnu l'étendue de son pouvoir discrétionnaire en matière de régularisation ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2022, la préfète du Loiret conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Ablard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né le 16 janvier 1979 à Zarzis, est entré en France le 14 mars 2020 muni d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Par un jugement du 24 décembre 2021 dont il relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète du Loiret du 13 octobre 2021 l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 614-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision. L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine ". Aux termes de l'article L. 614-9 de ce code : " (...) Dans le cas où la décision d'assignation à résidence ou de placement en rétention intervient en cours d'instance, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue dans un délai de cent quarante-quatre heures à compter de la notification de cette décision par l'autorité administrative au tribunal ". Aux termes de l'article R. 776-21 du code de justice administrative : " (...) Lorsque l'étranger est placé en rétention ou assigné à résidence après avoir introduit un recours contre la décision portant obligation de quitter le territoire, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné statue dans le délai de cent quarante-quatre heures prévu au second alinéa du même article L. 614-9. Ce délai court à compter de la transmission par le préfet au tribunal de la décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence ". Aux termes de l'article R. 776-26 de ce code : " L'instruction est close soit après que les parties ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a fait l'objet d'un arrêté d'assignation à résidence en cours d'instance, le 17 novembre 2021. Cet arrêté ayant été notifié par l'autorité administrative au tribunal le 22 décembre 2021, le magistrat désigné était tenu, en application des dispositions précitées, de statuer dans un délai de cent quarante-quatre heures à compter de cette date. Dans ces conditions, c'est sans méconnaître le principe du contradictoire et le droit à un procès équitable que le tribunal a, le 22 décembre 2021, avancé l'enrôlement de l'affaire de M. B..., initialement audiencée le 5 janvier 2022, en inscrivant celle-ci au rôle de l'audience publique du 24 décembre 2021. Si le requérant fait à cet égard valoir qu'il n'a pas été en mesure de répondre aux allégations contenues dans le mémoire en défense produit le 22 décembre 2021 par la préfète du Loiret, qui lui a été communiqué le jour même avec le nouvel avis d'audience, il résulte en tout état de cause des dispositions précitées de l'article R. 776-26 du code de justice administrative qu'il avait la faculté de formuler des observations orales le jour de l'audience, avant la clôture de l'instruction. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance du principe du contradictoire et du droit à un procès équitable doit être écarté.
4. En second lieu, si le requérant soutient que le premier juge a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal, ne sont pas de nature à entacher le jugement d'irrégularité.
Au fond :
5. En premier lieu, le requérant ne peut utilement soutenir, comme en première instance, que la préfète du Loiret a méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est constant qu'il n'a présenté aucune demande de titre de séjour, notamment sur le fondement de ces dispositions. Par suite, le moyen doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 3 de l'accord franco-tunisien susvisé du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention " salarié ". (...) ". Aux termes de l'article 11 du même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. (...) ". L'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui porte sur un point non traité par l'accord franco-tunisien au sens de son article 11, dispose que : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. ".
7. Le requérant soutient, comme en première instance, que la préfète du Loiret aurait dû, compte tenu de son insertion professionnelle, lui délivrer une carte de séjour temporaire portant le mention " salarié ". Toutefois, et alors que l'intéressé n'a présenté aucune demande de titre de séjour, il est constant qu'il n'est en possession ni d'un visa de long séjour ni d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, exigés par les textes cités au point 6 du présent arrêt. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 doit être écarté.
8. En troisième lieu, M. B... soutient, comme en première instance, que l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il fait à cet égard valoir qu'il réside en France depuis le 14 mars 2020, qu'il justifie d'une bonne insertion professionnelle dès lors qu'il dispose de deux contrats de travail, que son frère et sa sœur résident en France, et qu'il dispose d'un logement. Toutefois, entré récemment en France, l'intéressé ne justifie pas d'une ancienneté de séjour suffisante à la date de l'arrêté attaqué. En outre, il ressort des pièces du dossier que le requérant n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident son épouse et ses deux enfants mineurs, et où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante-et-un ans. Enfin, la situation professionnelle dont se prévaut le requérant n'est pas de nature à établir une insertion particulière au sein de la société française. Par suite, le moyen doit être écarté.
9. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et des éléments exposés ci-dessus que la préfète du Loiret aurait méconnu l'étendue de son pouvoir discrétionnaire en ne délivrant pas à M. B... un titre de séjour.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable au litige : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 2 de cette même convention : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...) ".
11. Le moyen tiré d'une méconnaissance des textes cités au point 10 du présent arrêt doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge et exposés au point 12 du jugement attaqué.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Loiret.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Le Gars, présidente,
M. Ablard, premier conseiller,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe du 18 juin 2024.
Le rapporteur,
T. ABLARDLa présidente,
A-C. LE GARS
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 22VE00162