Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Noz de Gien a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 21 juin 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre-Val de Loire a prononcé à son encontre une amende de 2 500 euros.
Par un jugement n° 1903073 du 16 septembre 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 16 novembre 2021 et le 4 avril 2024, la SARL Noz de Gien, représentée par la SELARL Cabinet Coudray, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors que les premiers juges ont omis d'examiner la proportionnalité de la sanction infligée ;
- il est entaché d'une erreur de fait, d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit ;
- la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation ;
- la décision attaquée est entachée d'erreurs de fait et d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 10 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ablard,
- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lapparand, pour la SARL Noz de Gien.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Gien, membre du groupe Noz, exerce une activité de commerce de détail à Gien (45). Lors d'un contrôlé effectué le 14 mars 2018 par les services de l'inspection du travail de l'unité de contrôle sud de l'unité départementale du Loiret de la DIRECCTE Centre-Val de Loire, il a été constaté l'absence de local réservé à la restauration des cinq salariés présents, l'installation d'un four à micro-ondes ainsi que d'un réfrigérateur dans le vestiaire de la société, et la présence d'une table entre la porte du vestiaire et celles des toilettes, en méconnaissance des dispositions des articles R. 4228-19 et R. 4228-23 du code du travail. Par un courrier du 28 mars 2018, l'agent de contrôle de l'inspection du travail, après avoir exposé ces constats, a mis en demeure la société Gien d'installer un local de restauration conforme aux dispositions du code du travail dans un délai d'un mois. Par un courrier du 7 mai 2018, la société Gien a informé l'inspection du travail de l'installation du four à micro-ondes, du réfrigérateur, d'une table et d'une chaise dans le bureau de l'établissement. Un second contrôle des lieux a été effectué par l'inspection du travail le 23 mai 2018, à l'occasion duquel ont été constatées la présence d'un four à micro-ondes dans le vestiaire, et l'installation d'une table, de deux chaises et d'un réfrigérateur dans le bureau du responsable du magasin, où se trouve par ailleurs le serveur informatique. Considérant que l'employeur ne s'était pas mis en conformité avec les dispositions susmentionnées du code du travail, la DIRECCTE Centre-Val de Loire lui a infligé, par une décision du 21 juin 2019, cinq amendes d'un montant total de 2 500 euros. La SARL Gien relève appel du jugement du 16 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, si la société Gien soutient que le jugement est irrégulier, dès lors que les premiers juges ont omis d'examiner la proportionnalité de la sanction infligée, il ne ressort pas des écritures de première instance qu'elle aurait soulevé ce moyen. Par suite, et alors qu'il n'appartenait pas au tribunal de soulever d'office ce moyen, qui n'était pas d'ordre public, la société Gien n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier de ce chef.
3. En second lieu, si la société Gien soutient que le jugement attaqué est entaché d'une erreur de fait, d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par les premiers juges, ne sont pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité.
Au fond :
4. En premier lieu, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges et exposés au point 3 du jugement attaqué.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 4228-19 du code du travail : " Il est interdit de laisser les travailleurs prendre leur repas dans les locaux affectés au travail. ". Aux termes de l'article R. 4228-23 de ce code, dans sa version applicable au litige : " Dans les établissements dans lesquels le nombre de travailleurs souhaitant prendre habituellement leur repas sur les lieux de travail est inférieur à vingt-cinq, l'employeur met à leur disposition un emplacement leur permettant de se restaurer dans de bonnes conditions de santé et de sécurité. Par dérogation à l'article R. 4228-19, cet emplacement peut, après déclaration adressée à l'agent de contrôle de l'inspection du travail et au médecin du travail par tout moyen conférant date certaine, être aménagé dans les locaux affectés au travail, dès lors que l'activité de ces locaux ne comporte pas l'emploi ou le stockage de substances ou de mélanges dangereux (...) ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la déclaration auprès des services de l'inspection du travail pour les établissements dans lesquels le nombre de travailleurs souhaitant prendre habituellement leur repas sur les lieux de travail est inférieur à vingt-cinq : " Cette déclaration est effectuée par tout moyen conférant date certaine et doit indiquer : 1. L'identité de l'employeur ou la raison sociale de l'entreprise ou de l'établissement ; 2. Le secteur d'activité de l'entreprise ou de l'établissement ; 3. L'adresse du site concerné et le numéro Siret de l'établissement ; 4. Le nombre de travailleurs concernés ; 5. Les caractéristiques des locaux affectés au travail et de l'emplacement permettant aux salariés de se restaurer dans de bonnes conditions de santé et de sécurité. ".
6. La société Gien soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait, dès lors que, contrairement aux affirmations de l'administration, M. A... n'est ni salarié ni responsable de la société, y compris en l'absence de la gérante, mais un salarié de la société Top Booster, mis à la disposition de la société Gien afin " d'assurer une mission d'accompagnement et de coordination ". Il résulte de l'instruction que, lors du contrôle effectué le 14 mars 2018, M. A..., présent sur les lieux, a déclaré à l'agent de contrôle que l'ensemble du personnel prend habituellement son repas au sein de l'établissement, circonstance sur laquelle s'est notamment fondée l'administration pour prendre la décision attaquée. S'il est vrai que cette décision mentionne de manière erronée que M. A... est un salarié de la société Gien, cette simple erreur matérielle, d'ailleurs reconnue par l'administration dans ses écritures de première instance, n'est pas de nature à remettre en cause la véracité de ses déclarations. En outre, si la société Gien soutient que M. A... ne pouvait être considéré comme le responsable du magasin pendant l'absence de sa gérante, elle ne fournit aucune indication sur l'identité de ce responsable le jour du contrôle, alors qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que M. A... a le statut de cadre et qu'il était chargé d'une mission d'accompagnement et de coordination au sein de la société Gien, ainsi que celle-ci l'indique dans ses écritures. Dans ces conditions, et alors que l'administration n'a en tout état de cause pas intégré M. A... dans le calcul de l'amende administrative infligée à la société Gien, le moyen tiré de l'erreur de fait commise par l'administration doit être écarté.
7. La société Gien soutient également que la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que, contrairement aux affirmations de M. A... sur lesquelles s'est fondée l'administration, les salariés de la société ne prennent pas habituellement leur repas au sein de l'établissement. A cet égard, la société requérante fait valoir que les déclarations de M. A... ne peuvent être prises en considération compte tenu du caractère temporaire de sa présence au sein de l'établissement, et qu'elles ne sont d'ailleurs corroborées par aucune autre déclaration, en particulier celles des autres salariés présents le jour du premier contrôle. Si elle produit, pour la première fois en appel, deux attestations établies par deux salariées de la société les 5 février 2024 et 15 février 2024, lesquelles déclarent ne pas prendre leur repas au sein de l'établissement, ces documents, rédigés en termes laconiques, ne sont pas de nature à remettre en cause les déclarations de l'intéressé et les constatations précises de l'administration. Par suite, le moyen doit être écarté.
8. Par ailleurs, s'il est vrai, comme le soutient la société Gien, que la décision attaquée mentionne à tort qu'elle n'a pas donné suite à la possibilité qui lui a été offerte de faire valoir ses observations, dans le cadre de la procédure contradictoire, sur les constats de l'inspection du travail, il résulte en tout état de cause de l'instruction que le courrier de la société requérante, daté du 11 décembre 2018 et reçu par l'administration le 13 décembre suivant, ne comportait aucun élément circonstancié de nature à remettre en cause les constatations précises de l'inspection du travail lors des deux contrôles effectués les 14 mars 2018 et 23 mai 2018, non plus que le montant de l'amende infligée. En outre, et comme l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction que l'administration, qui ne s'est pas fondée sur ce seul motif, aurait pris la même décision en se fondant sur les autres motifs mentionnés dans ladite décision. Par suite, le moyen doit être écarté.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 8115-1 du code du travail : " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, et sous réserve de l'absence de poursuites pénales, soit adresser à l'employeur un avertissement, soit prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : (...) 5° Aux dispositions prises pour l'application des obligations de l'employeur relatives aux installations sanitaires, à la restauration et à l'hébergement prévues au chapitre VIII du titre II du livre II de la quatrième partie, ainsi qu'aux mesures relatives aux prescriptions techniques de protection durant l'exécution des travaux de bâtiment et génie civil prévues au chapitre IV du titre III du livre V de la même partie pour ce qui concerne l'hygiène et l'hébergement ". Aux termes de l'article L. 8115-3 de ce code : " Le montant maximal de l'amende est de 4 000 euros et peut être appliqué autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés par le manquement. (...) ". Aux termes de l'article L. 8115-4 de ce code : " Pour déterminer si elle prononce un avertissement ou une amende et, le cas échéant, pour fixer le montant de cette dernière, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges ".
10. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, que ce n'est qu'à l'issue d'un second contrôle des locaux de la société Gien le 23 mai 2018 et après avoir adressé à la requérante un courrier de mise en demeure le 28 mars 2018 que l'administration a infligé la sanction contestée. Par ailleurs, si la société requérante, qui soutient que cette sanction n'est pas proportionnée, fait état de difficultés financières, elle ne l'établit pas par les pièces qu'elle verse aux débats. Enfin, et comme l'ont relevé les premiers juges au point 9 du jugement attaqué, le courrier de la société requérante du 7 mai 2018 ne saurait être regardé comme une demande de dérogation au sens des dispositions de l'article R. 4228-23 du code du travail, citées au point 5 du présent arrêt. Dans ces circonstances, et alors qu'en application de l'article L. 8115-3 précité du code du travail le montant maximal de l'amende encourue s'élève à 4 000 euros par travailleur concerné par le manquement, le montant de l'amende infligée, qui s'élève à 500 euros pour chaque travailleur concerné et représente un montant global de 2 500 euros, est proportionné à la situation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Gien n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Noz de Gien est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à la SARL Noz de Gien et au ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Copie en sera adressée au directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités du Centre-Val de Loire.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président de chambre,
M. Ablard, premier conseiller,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe du 18 juin 2024.
Le rapporteur,
T. ABLARDLe président,
S. BROTONS
La greffière,
S. de SOUSA
La République mande et ordonne ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 21VE03024