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04/06/2024 | FRANCE | N°23VE00696

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 04 juin 2024, 23VE00696


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté 4 novembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant douze mois.



Par une ordonnance du 9 novembre 2022, le président du tribunal administratif de Montreuil a transmis au tribunal administrati

f de Versailles la demande de M. D....



Par un jugement n° 2208422 du 10 mars 2023, le tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté 4 novembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant douze mois.

Par une ordonnance du 9 novembre 2022, le président du tribunal administratif de Montreuil a transmis au tribunal administratif de Versailles la demande de M. D....

Par un jugement n° 2208422 du 10 mars 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 avril 2023, M. D..., représenté par Me Mimoun, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 novembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente, faute de justification d'une délégation de signature ;

- il est entaché d'une erreur de fait ;

- il méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de l'accord-franco-marocain ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est fondée sur une décision de refus de départ volontaire illégale et est donc elle-même illégale ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen est illégal du fait de l'illégalité de la décision lui interdisant de retourner sur le territoire français.

Les parties ont été informées, le 23 avril 2024, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peuvent être substituées à celles du 1° du même article comme fondement légal de l'arrêté contesté.

Par une ordonnance du 23 avril 2014, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Troalen a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant marocain né le 15 juin 1995, entré en France le 2 août 2013 avec un visa de court séjour, mis en possession d'une carte de séjour temporaire d'un an mention " étudiant " du 26 octobre 2018 au 25 octobre 2019 dont il n'a pas demandé le renouvellement, a été interpellé le 3 novembre 2022 lors d'un contrôle diligenté par l'Urssaf chez son employeur. Par l'arrêté contesté du 4 novembre 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. D... relève appel du jugement du 10 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de ces trois décisions.

2. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par M. B... C..., chef du pôle instruction et mise en œuvre des mesures d'éloignement de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, qui bénéficie d'une délégation du préfet de la Seine-Saint-Denis à cet effet, en vertu d'un arrêté du 17 octobre 2022, régulièrement publié le jour suivant au bulletin d'informations administratives de la préfecture. Ainsi, et alors même que cette délégation n'est pas visée, le moyen tiré de ce que cet arrêté aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré (...) s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire (...) qui lui a été délivré (...) ; / 6° L'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail. / (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'indiquent les motifs de l'arrêté contesté, M. D... était titulaire d'un visa de court séjour lorsqu'il est entré le 1er août 2013 sur le territoire français. Par suite, l'arrêté attaqué ne pouvait être pris sur le fondement des dispositions précitées du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, l'arrêté contesté, qui est également motivé par l'irrégularité du séjour de M. D... et la circonstance qu'il a travaillé sans y être autorisé, trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° et du 6° de l'article L. 611-1. Il en résulte qu'en dépit de l'erreur de fait dont est entaché l'arrêté contesté quant à l'entrée irrégulière de M. D... sur le territoire français, cet arrêté n'est pas entaché d'illégalité.

5. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de l'accord-franco-marocain sont inopérants dès lors que M. D... n'a pas présenté de demande d'admission au séjour, que l'arrêté ne comporte pas de décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et que ces dispositions et stipulations ne prévoient pas l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à l'intéressé.

6. En quatrième lieu, si M. D... fait valoir qu'il réside en France depuis 2013, qu'il est hébergé par son frère de nationalité française et que sa mère ainsi que ses trois autres frères sont titulaires de cartes de séjour pluriannuelles, l'intéressé est célibataire, sans charge de famille et n'est pas dépourvu d'attaches familiales à l'étranger, son père résidant notamment dans son pays d'origine où il a lui-même vécu jusqu'à ses dix-huit ans. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. D..., entré en France à l'âge de dix-huit ans, a été inscrit à son arrivée en classe de seconde d'un lycée professionnel où il a poursuivi sa scolarité jusqu'à l'obtention du baccalauréat professionnel en maintenance des véhicules automobiles en juin 2016, puis, à l'issue d'un cursus de trois années au cours duquel il a effectué plusieurs stages et a été titulaire d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant valable du 26 octobre 2018 au 25 octobre 2019, a obtenu un BTS dans le même domaine en juin 2019. Il a ensuite travaillé à compter du mois de novembre 2019 jusqu'au mois d'août 2020 dans une entreprise de mécanique, puis a exercé du mois d'octobre 2020 au mois de février 2021 dans le service carrosserie d'un garage automobile dans le cadre d'un contrat d'apprentissage d'une durée initiale d'un an. Enfin, il était employé à la date de l'arrêté contesté en qualité de vendeur dans une entreprise d'alimentation depuis le mois de février 2022. Si M. D... fait valoir que cette entreprise a rempli une demande d'autorisation de travail le concernant, le formulaire qu'il verse au dossier est daté du jour de l'arrêté contesté, sans qu'il soit établi qu'il ait été transmis à l'administration. Dans ces conditions, la mesure d'éloignement prise à son encontre n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté. Pour les mêmes motifs, en dépit de la durée de présence de M. D... et des qualifications qu'il a obtenues en France, en prenant une mesure d'éloignement à l'encontre de l'intéressé, qui ne justifie ainsi que d'une durée d'activité professionnelle de deux ans, dont la plus récente n'est en outre pas en adéquation avec ses qualifications, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

7. En cinquième lieu, si M. D... soutient que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale par exception d'illégalité de la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction du territoire français serait fondée sur une décision de refus de départ volontaire illégale doit être écarté.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

9. D'une part, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a accordé à M. D... aucun délai de départ volontaire pour exécuter la mesure d'éloignement prise à son encontre. L'intéressé ne faisant état d'aucune circonstance humanitaire, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en assortissant cette mesure d'une interdiction de retour sur le territoire français.

10. D'autre part, M. D... vit en France depuis 2013, où résident également sa mère ainsi que ses frères, titulaires de cartes de séjour pluriannuelles ou de nationalité française. S'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement ou que sa présence constitue une menace pour l'ordre public, en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour prononcée à son encontre, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Les conclusions de sa requête, y compris celles relatives aux frais d'instance, doivent donc être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Dorion, présidente,

M. Tar, premier conseiller,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.

La rapporteure,

E. TROALEN La présidente,

D. DORIONLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

No 23VE00696


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00696
Date de la décision : 04/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme DORION
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : BENAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-04;23ve00696 ?
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