Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2023 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit, d'enjoindre au préfet de de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 2302094 du 9 mars 2023, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 avril 2023, M. B..., représenté par la SAS Itra consulting, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 9 mars 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 17 janvier 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée est insuffisamment motivée ;
- sa situation personnelle n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux et la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;
- en lui refusant un titre de séjour, le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- elle est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2024, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision de la cour était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'incompétence du juge de première instance pour statuer par ordonnance sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Versol a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant malien né le 17 août 1997, est entré en France le 25 octobre 2017 selon ses déclarations. Par un arrêté du 2 août 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français. Cet arrêté a été annulé par un jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 2 septembre 2021, enjoignant au préfet de réexaminer sa situation. Du 21 octobre 2021 au 10 janvier 2023, M. B... a été titulaire d'autorisations provisoires de séjour. Par un arrêté du 17 janvier 2023, le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit. Par une ordonnance du 9 mars 2023, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. (...).
3. A l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 17 janvier 2023, M. B... soutenait notamment que cette décision méconnaissait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En soutenant être le père de deux enfants, nés sur le territoire français de mères différentes, et vivre en concubinage avec une compatriote malienne, titulaire d'un titre de séjour, M. B... a, contrairement à ce qu'a relevé le premier juge, assorti son moyen de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, la demande de M. B... n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative et ne pouvait être examinée que par une formation collégiale. Ainsi, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée.
4. Il y a lieu par suite d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les textes applicables, mentionne les principaux éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de M. B... et précise notamment que si l'intéressé déclare vivre en concubinage avec une compatriote, mère de son deuxième enfant né en France, il ne justifie pas d'une communauté de vie effective ni ne démontre contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants, que la circonstance qu'il soit père d'enfants nés en France ne lui confère aucun droit au séjour et qu'il est connu des services de police pour des faits de violence sur sa compagne. L'arrêté contesté indique également que M. B... ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels d'admission au séjour. Il est ainsi suffisamment motivé. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation et du défaut d'examen sérieux de la situation personnelle de M. B... doivent être écartés.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...) ".
7. M. B... se prévaut d'une communauté de vie, depuis le mois d'avril 2021, avec une compatriote, titulaire d'un titre de séjour provisoire valable jusqu'en juillet 2023, et l'enfant né de cette union, le 2 décembre 2021. Toutefois il n'en justifie pas en se bornant à produire des déclarations sur l'honneur. Si M. B... soutient contribuer à l'entretien de son premier enfant, né sur le territoire français le 15 mai 2020, en justifiant avoir effectué quatre versements au bénéfice de la mère de l'enfant, entre mai et octobre 2022, il ne justifie pas participer à l'éducation de cet enfant, ni même d'ailleurs de la présence en France de cet enfant. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Val-d'Oise a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il a méconnu dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
9. Si M. B... soutient résider sur le territoire français depuis 2017, il n'en justifie pas. A la date de la décision contestée, le requérant, qui n'était titulaire que depuis le 2 janvier 2023 d'un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de maçon, ne se prévaut d'aucune insertion professionnelle ou sociale antérieure sur le territoire français. Par ailleurs, en se bornant à soutenir qu'il n'est pas connu défavorablement des services de police, M. B... ne conteste pas sérieusement avoir été interpellé, le 1er août 2021, pour violence sur concubin. Dans ces conditions, M. B... ne justifie pas de considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels permettant son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, le préfet du Val-d'Oise n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour du droit d'asile.
10. En quatrième lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour étant écartés, M. B... n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'exception d'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre.
11. En cinquième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".
12. M. B... ne justifie pas des liens qu'il entretiendrait avec les deux enfants qu'il a reconnus, nés sur le territoire français en 2020 et 2021, alors au demeurant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait un obstacle à ce que la vie familiale puisse se poursuivre hors de France. Le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
13. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 8 de l'arrêt que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 17 janvier 2023, par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2302094, en date du 9 mars 2023, du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Dorion, présidente-assesseure,
M. Tar, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.
L'assesseure la plus ancienne,
O. DORION La présidente rapporteure,
F. VERSOL
La greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 23VE00699