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28/05/2024 | FRANCE | N°22VE01533

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 28 mai 2024, 22VE01533


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme D... et C... E... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 2014, et des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 1907683 du 22 avril 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour

:



Par une requête enregistrée le 23 juin 2022, M. et Mme E..., représentés par Me Largillière, avoca...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... et C... E... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 2014, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1907683 du 22 avril 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juin 2022, M. et Mme E..., représentés par Me Largillière, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement n'est pas motivé en ce qui concerne les factures JMA Isolation de 2013 ;

- les garanties prévues par les articles L. 57 et L 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues, dès lors que l'intégralité de la proposition de rectification adressée à la SARL F et JM Rénovation ne leur a pas été communiquée ; toutes les annexes ne leur ont pas été transmises, notamment la copie du droit de communication effectué auprès de la société JMA Isolation, et la réponse de cette dernière, tant lors de leurs demandes auprès des services fiscaux que pendant la procédure devant le tribunal ;

- il n'est pas démontré qu'ils ont été bénéficiaires des paiements correspondant aux factures des fournisseurs de la SARL F et JM Rénovation considérées comme fictives ou de complaisance, alors que les noms des bénéficiaires des règlements de ces factures étaient connus de l'administration ; il appartenait au service vérificateur de les interroger sur les raisons de ces versements ; la présomption d'appréhension par le " maître de l'affaire " s'applique uniquement lorsque les bénéficiaires réels des rémunérations et avantages occultes n'ont pu être identifiés ; en l'absence de transmission des résultats des droits de communication, ils ne sont pas en mesure de s'assurer que l'ensemble des bénéficiaires identifiés figure dans la proposition de rectification, de sorte que la méthode de l'administration ne saurait être retenue ; l'administration fiscale ne justifie pas de leur appréhension des sommes regardées comme leur ayant été distribuées ;

- les factures du fournisseur JMA Isolation qualifiées de fictives par l'administration, pour un montant total de 56 463,16 euros, ont été enregistrées sur l'exercice 2012 et ne sauraient par conséquent justifier un rehaussement de leur imposition au titre de l'année 2013 ;

- à défaut d'exercice du droit de communication sur leurs comptes bancaires personnels, l'administration n'établit pas qu'ils ont pu encaisser le chèque de 6 630 euros correspondant à une faction du fournisseur SPRL dont le bénéficiaire n'a pu être identifié ;

- le rehaussement de 48 827,43 euros au titre de règlements de charges non justifiées, correspondant au solde du compte comptable 408 " factures non parvenues " n'est pas justifié ; pour pouvoir comptabiliser ces montants en l'absence des factures s'y rapportant, la société FetJM Rénovation s'est nécessairement reportée à ses relevés bancaires ; dès lors que le règlement de ces sommes au profit des fournisseurs n'est pas contesté, ils démontrent ne pas les avoir appréhendées lesdites sommes ; les conditions d'application de e l'article 111 c du code général des impôts ne sont pas réunies ;

- le rehaussement de 10 626 euros au titre de l'année 2014 de revenus occultes correspondant à l'appréhension de deux véhicules appartenant à société F et JM Rénovation n'est pas justifié, dès lors qu'ils n'ont pas détenu ces véhicules à titre personnel ;

- dans la mesure où les services fiscaux ont d'ores et déjà procédé à des dégrèvements à hauteur de 108 813 euros de droits et 49 915 euros de pénalités, le maintien des pénalités pour manquement délibéré sur les autres rectifications, non individualisées, n'est pas justifié.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 18 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée, en application de l'article L. 613-1 du code de justice administrative, au 8 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion,

- et les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... était l'associé, à 50 % à parts égales avec M. A... B... jusqu'au 1er juillet 2013, puis l'associé unique, et le gérant depuis sa création, de la société à responsabilité limitée (SARL) F et JM Rénovation, placée en liquidation judiciaire le 9 novembre 2015, qui exerçait une activité de multiservices en maçonnerie, peinture, électricité, plomberie. La SARL FetJM Rénovation a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de ses exercices clos au 30 septembre 2012, 2013 et 2014, au cours de laquelle le service a constaté la comptabilisation de factures fictives et de complaisance, ainsi que des règlements effectués au profit de tiers, proches de M. E..., ne correspondant pas aux bénéficiaires comptables. Ces rectifications ont été regardées comme des avantages occultes distribués à M. E..., en sa qualité de maître de l'affaire, en application du c de l'article 111 du code général des impôts, dans le cadre d'un contrôle sur pièces. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 22 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, et de la majoration pour manquement délibéré, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. "

3. M. et Mme E... font valoir que pour écarter leur moyen tiré de qu'ils n'ont pas appréhendé le montant des factures considérées comme fictives, le tribunal a seulement fait état des factures enregistrées au nom de la société JMA Isolation en 2012, pour un montant total de 56 463,13 euros, et n'a pas motivé son jugement en ce qui concerne les factures enregistrées en 2013, pour un montant de 42 760,26 euros. Cependant, il ressort des motifs du jugement attaqué que le tribunal a écarté ce moyen, aux points 11 et 12, au motif que M. E..., seul maître de l'affaire, était réputé avoir appréhendé les distributions en litige en application des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts. La circonstance que, par un motif surabondant, le tribunal n'a précisé ce motif, en ce qui concerne les factures JMA Isolation, que pour celles de ces factures enregistrées en 2012, est sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. En premier lieu, la proposition de rectification adressée aux requérants est, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal par des motifs qu'il y a lieu d'adopter, suffisamment motivée.

5. En second lieu, les requérants ont demandé communication des documents obtenus auprès de tiers les 25 octobre 2016, 15 novembre 2016, 20 août 2017 et 4 janvier 2018, postérieurement à la mise en recouvrement, le 30 septembre 2016, des impositions en litige. Par suite, ils ne se prévalent pas utilement de la méconnaissance de leur droit, garanti par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, d'obtenir la communication de ces documents avant la mise en recouvrement.

Sur le bien-fondé des impositions contestées :

6. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration est réputée apporter la preuve que des distributions occultes ont été appréhendées par la personne qui est, dans la société dont des revenus ont été regardés comme distribués, le maître de l'affaire.

7. En vertu des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il appartient aux requérants, qui n'ont pas présenté d'observations sur la proposition de rectification, de démontrer le caractère exagéré des impositions contestées.

8. En premier lieu, si M. et Mme E... font valoir qu'ils ne peuvent être regardés comme ayant appréhendé les paiements pour lesquels les noms des bénéficiaires des règlements étaient connus de l'administration, le moyen ne peut qu'être écarté, dès lors qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a procédé au dégrèvement de l'ensemble des rectifications correspondant à des chèques de règlement au profit de tiers identifiés. En ce qui concerne les rectifications restant en litige, correspondant à des distributions dont les bénéficiaires n'ont pas été identifiés, M. E..., qui ne conteste pas sa qualité de maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions occultes de la SARL F et JM Rénovation. En se bornant à soutenir que le chèque de 6 630 euros correspondant au fournisseur SPRL pour lequel le vérificateur a mentionné " aucun bénéficiaire libellé ", ne comportait pas d'ordre et, par conséquent, n'aurait pas dû pouvoir être endossé, ni débité du compte bancaire de la SARL FetJM Rénovation, les requérants n'apportent pas la preuve, qui leur incombe de ce que la somme en cause n'a pas été appréhendée par M. E.... De même, après avoir établi que le compte 408 "Fournisseurs - Factures non parvenues" au 30 septembre 2014 présentait un caractère fictif, l'administration a pu regarder les sommes correspondantes comme ayant été distribuées à M. E... en sa qualité de maître de l'affaire. En produisant une facture Brossette du 19 novembre 2013 et la copie du talon de chèque, d'un montant d'ailleurs différent de celui de la facture ayant donné lieu à la rectification, les requérants n'établissent ni la réalité de la charge, ni leur absence d'appréhension. Enfin, si les requérants contestent avoir profité à titre personnel de deux véhicules pour lesquels des faux certificats de destruction ont été produits, ils ne produisent aucune pièce au soutien de leurs allégations, alors qu'ainsi qu'il a été dit, ils supportent la charge de la preuve de l'exagération des impositions.

9. En second lieu, dans le cas où l'administration ne dispose pas des éléments lui permettant de déterminer les dates des versements, les distributions sont présumées faites au jour de la clôture de l'exercice au cours duquel la société a prétendu déduire de ses résultats les sommes dont s'agit. Ces distributions ne sont, en revanche, imposables qu'à la date de leur versement effectif si l'administration ou la société apporte la preuve de la date réelle de ce versement. L'administration fiscale fait valoir sans être contredite que les factures de la SARL JMA Isolation, dont elle a établi qu'elles étaient fictives, comptabilisées en 2012, ont été réglées en 2013. C'est par suite sans erreur d'imputation qu'elle a regardé le revenu correspondant comme ayant été distribué au titre de l'année 2013.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

10. Aux termes de l'article de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

11. Pour assortir les rectifications d'une majoration de 40 % pour manquement délibéré, l'administration fiscale s'est fondée sur les circonstances que M. E..., en sa qualité de gérant et de maître de l'affaire de la SARL F et JM Rénovation, ne pouvait ignorer établir des paiements par chèques au profit de tiers sous couvert de factures fictives ou de complaisance ou sans justificatifs, ni avoir comptabilisé des sorties d'actifs sous couvert de destructions de véhicules fictives. Alors même qu'une partie des impositions supplémentaires résultant des rectifications a été dégrevée, la majoration des impositions maintenues est justifiée.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.

Sur les frais de l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme E... demandent au titre de leurs frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et Mme C... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

M. Tar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mai 2024.

La rapporteure,

O. DORION La présidente,

F. VERSOL

La greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 22VE01533


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01533
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués. - Notion de revenus distribués. - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : LARGILLIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;22ve01533 ?
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