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28/05/2024 | FRANCE | N°22VE00771

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 28 mai 2024, 22VE00771


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 17 février 2020 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris a rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé à l'encontre de la sanction de six jours de cellule disciplinaire qui lui a été infligée le 23 janvier 2020 par la commission de discipline de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis.



Par un jugement n° 2002753 du

6 janvier 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.



Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 17 février 2020 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris a rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé à l'encontre de la sanction de six jours de cellule disciplinaire qui lui a été infligée le 23 janvier 2020 par la commission de discipline de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis.

Par un jugement n° 2002753 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 avril et 23 juillet 2022, 15 décembre 2023 et 26 mars 2024, M. C..., représenté par Me Rottier, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il a été privé de la garantie du droit de se taire, par exception d'inconstitutionnalité des dispositions réglementaires gouvernant la procédure disciplinaire des personnes détenues ;

- l'auteur de la décision d'engagement des poursuites disciplinaires n'était pas compétent ;

- la commission de discipline était irrégulièrement composée en ce qui concerne les assesseurs ;

- l'administration n'a pas accompli les diligences nécessaires pour lui assurer l'assistance d'un avocat devant la commission de discipline, en méconnaissance de son droit à une telle assistance et des droits de la défense ; l'absence d'avocat devant la commission de discipline lui étant imputable, l'administration devait reporter la séance de cette commission ;

- la décision du 17 février 2020 est entachée d'erreur de fait ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable, en l'absence de moyen soulevé dans le délai d'appel ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par des mémoires distincts, enregistrés les 15 décembre 2023 et 29 janvier 2024, M. C..., représenté par Me Rottier, avocat, demande à la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 :

1°) de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 726 du code de procédure pénale, dans leur rédaction alors en vigueur issue de l'article 91 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, modifiée par l'article 11 de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 ;

2°) de surseoir à statuer jusqu'à la réception de la décision du Conseil d'Etat ou du Conseil constitutionnel.

Il soutient que :

- ces dispositions, qui ne prévoient pas que le droit de se taire soit notifié à la personne détenue qui est interrogée en vue de la rédaction du rapport d'enquête ou qui comparaît devant la commission de discipline ne sont pas conformes au principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire, garanti par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- les dispositions contestées sont applicables au litige ;

- elles sont de nature législative ;

- si les dispositions de l'article 726 du code de procédure pénale ont fait l'objet d'une déclaration de conformité avec réserve lors de l'examen de l'article 91 de la loi du 24 novembre 2009, ces dispositions ont été substantiellement modifiées postérieurement, par la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, et un changement de circonstances de droit est intervenu, le Conseil constitutionnel ayant depuis consacré la protection constitutionnelle du droit de se taire qui découle de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, y compris dans le cadre d'une procédure disciplinaire ;

- la question n'est pas manifestement dépourvue de caractère sérieux.

Par des observations en défense, enregistrées le 8 janvier 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour de ne pas faire droit à la transmission demandée.

Il soutient que :

- les dispositions en litige, en réalité les articles R. 57-7-13 et suivants du code de procédure pénale, ne sont pas de nature législative, l'article 726 du code de procédure pénale prévoyant qu'un décret en Conseil d'Etat précise la procédure disciplinaire des détenus ;

- les dispositions de l'article 726 du code de procédure pénale ont été déclarées conforme à la Constitution et aucun changement de circonstances n'est intervenu ;

- le législateur n'a pas porté atteinte à l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ne faisant pas une obligation de la notification d'un droit au silence dans le cadre d'une procédure disciplinaire dirigée contre un détenu.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, modifiée par la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- la décision n° 2009-593 DC du 19 novembre 2009 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Versol ;

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public ;

- et les observations de Me Rottier pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Le 23 janvier 2020, la commission de discipline de la prison d'arrêt de Fleury-Mérogis a infligé à M. C... une sanction de six jours de cellule disciplinaire en raison de propos tenus à l'égard d'un médecin de garde. Par une décision du 17 février 2020, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé par l'intéressé à l'encontre de cette sanction, en application des dispositions de l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale. M. C... relève appel du jugement du 6 janvier 2022, par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 février 2020 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris.

Sur les conclusions tendant à la transmission au Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance susvisée du 7 novembre 1958 : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. ". Aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux (...) ".

3. Aux termes de l'article 726 du code de procédure pénale, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er mai 2022, issue de l'article 91 de la loi du 24 novembre 2009, modifié par la loi du 27 mai 2014 : " Le régime disciplinaire des personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté est déterminé par un décret en Conseil d'Etat. / Ce décret précise notamment : / 1° Le contenu des fautes disciplinaires, qui sont classées selon leur nature et leur gravité ; / 2° Les différentes sanctions disciplinaires encourues selon le degré de gravité des fautes commises. Le placement en cellule disciplinaire ou le confinement en cellule individuelle ordinaire ne peuvent excéder vingt jours, cette durée pouvant toutefois être portée à trente jours pour tout acte de violence physique contre les personnes ; / 3° La composition de la commission disciplinaire, qui doit comprendre au moins un membre extérieur à l'administration pénitentiaire ; / 4° La procédure disciplinaire applicable, au cours de laquelle la personne peut être assistée par un avocat choisi ou commis d'office, en bénéficiant le cas échéant de l'aide de l'Etat pour l'intervention de cet avocat. Ce décret détermine les conditions dans lesquelles le dossier de la procédure disciplinaire est mis à sa disposition et celles dans lesquelles l'avocat, ou l'intéressé s'il n'est pas assisté d'un avocat, peut prendre connaissance de tout élément utile à l'exercice des droits de la défense, sous réserve d'un risque d'atteinte à la sécurité publique ou à celle des personnes ; / 5° Les conditions dans lesquelles la personne placée en cellule disciplinaire ou en confinement dans une cellule individuelle exerce son droit à un parloir hebdomadaire ; / 6° Les conditions dans lesquelles le maintien d'une mesure de placement en cellule disciplinaire ou en confinement dans une cellule individuelle est incompatible avec l'état de santé de la personne détenue. (...) / En cas d'urgence, les détenus majeurs et les détenus mineurs de plus de seize ans peuvent faire l'objet, à titre préventif, d'un placement en cellule disciplinaire ou d'un confinement en cellule individuelle. Cette mesure ne peut excéder deux jours ouvrables. / Lorsqu'une personne détenue est placée en quartier disciplinaire, ou en confinement, elle peut saisir le juge des référés en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. "

4. Le requérant soutient que ces dispositions, qui ne prévoient pas que le droit de se taire soit notifié à la personne détenue, lorsqu'elle est interrogée en vue de la rédaction du rapport d'enquête ou qu'elle comparaît devant la commission de discipline, ne sont pas conformes au principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire, garanti par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

5. Par sa décision n° 2009-593 DC du 19 novembre 2009, le Conseil constitutionnel, a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré, sous la réserve énoncée au considérant 6, l'article 91 de la loi du 24 novembre 2009 conforme à la Constitution. Il a jugé que le régime disciplinaire des personnes détenues ne relève pas en lui-même des matières que la Constitution range dans le domaine de la loi.

6. Ne sont pas de nature à modifier l'attribution au pouvoir réglementaire de la compétence d'édicter le régime disciplinaire des personnes détenues les circonstances invoquées par M. C..., tenant, d'une part, à la promulgation de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales, qui a complété le 4° de l'article 726 du code de procédure pénale, en précisant que le décret détermine les conditions dans lesquelles le dossier de la procédure disciplinaire est mis à la disposition de la personne détenue et celles dans lesquelles l'avocat, ou l'intéressé s'il n'est pas assisté d'un avocat, peut prendre connaissance de tout élément utile à l'exercice des droits de la défense, d'autre part, à l'intervention de la décision n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023, statuant sur une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause les dispositions de l'ordonnance du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires, par laquelle le Conseil constitutionnel a jugé que les exigences du principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire, s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition, cette décision précisant au demeurant, au point 12, que la procédure disciplinaire applicable à ces officiers ministériels ne relève pas davantage du domaine de la loi mais, sous le contrôle du juge compétent, du domaine réglementaire.

7. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. C....

Sur les conclusions à fin d'annulation :

8. En premier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " La personne détenue qui entend contester la sanction prononcée à son encontre par la commission de discipline doit, dans le délai de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision, la déférer au directeur interrégional des services pénitentiaires préalablement à tout recours contentieux (...) ". Il ressort des pièces du dossier que la décision de poursuite a été prise le 20 janvier 2020 par Mme D... B..., lieutenant pénitentiaire, qui dispose d'une délégation de signature aux fins d'engager des poursuites disciplinaires au nom de la cheffe d'établissement de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs n° 140 de la préfecture de l'Essonne le 12 décembre 2019.

9. En deuxième lieu, en vertu de l'article 726 du code de procédure pénale, la commission disciplinaire appelée à connaître des fautes commises par les personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté doit comprendre au moins un membre extérieur à l'administration pénitentiaire. Aux termes de l'article R. 57-7-6 du même code : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs ". Aux termes de l'article R. 57-7-7 du même code : " Les sanctions disciplinaires sont prononcées, en commission, par le président de la commission de discipline. Les membres assesseurs ont voix consultative ". L'article R. 57-7-8 du même code dispose que : " Le président de la commission de discipline désigne les membres assesseurs./ Le premier assesseur est choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement./ Le second assesseur est choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire qui manifestent un intérêt pour les questions relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires, habilitées à cette fin par le président du tribunal de grande instance territorialement compétent. La liste de ces personnes est tenue au greffe du tribunal de grande instance ". Enfin, aux termes de l'article R. 57-7-12 du même code : " Il est dressé par le chef d'établissement un tableau de roulement désignant pour une période déterminée les assesseurs extérieurs appelés à siéger à la commission de discipline ". L'article R. 57-7-13 du même code dispose que : " En cas de manquement à la discipline de nature à justifier une sanction disciplinaire, un compte rendu est établi dans les plus brefs délais par l'agent présent lors de l'incident ou informé de ce dernier. L'auteur de ce compte rendu ne peut siéger en commission de discipline. " L'article R. 57-7-14 du même code dispose que : " A la suite de ce compte rendu d'incident, un rapport est établi par un membre du personnel de commandement du personnel de surveillance, un major pénitentiaire ou un premier surveillant et adressé au chef d'établissement. Ce rapport comporte tout élément d'information utile sur les circonstances des faits reprochés à la personne détenue et sur la personnalité de celle-ci. L'auteur de ce rapport ne peut siéger en commission de discipline. "

10. Il résulte de ces dispositions que la présence dans la commission de discipline, d'une part, d'un assesseur choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement, qui ne peut être ni l'auteur du compte rendu établi à la suite d'un incident, ni l'auteur du rapport établi à la suite de ce compte rendu, d'autre part, d'un assesseur choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire, alors même que ces assesseurs ne disposent que d'une voix consultative, constitue une garantie reconnue au détenu, dont la privation est de nature à vicier la procédure, alors même que la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires, prise sur le recours administratif préalable obligatoire exercé par le détenu, se substitue à celle du président de la commission de discipline.

11. Aux termes de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne (...). Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté ". Si la méconnaissance de ces dispositions est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de la décision prise, au terme de la procédure, par l'autorité administrative compétente, il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de s'assurer, le cas échéant en ordonnant la production par l'administration des informations nécessaires et sans que communication en soit alors donnée au requérant, que le premier assesseur a bien été choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement et qu'il n'était l'auteur ni du compte rendu d'incident ni du rapport d'enquête, comme l'exigeaient les articles R. 57-7-8, R. 57-7-13 et R. 57-7-14 du code de procédure pénale alors en vigueur.

12. Il ressort des pièces du dossier, notamment du registre de la commission de discipline, que le président de la commission a été assisté d'un surveillant pénitentiaire, qui n'était l'auteur ni du compte rendu d'incident ni du rapport d'enquête, d'une part, et de M. Christian Loisy, assesseur extérieur à l'établissement pénitentiaire, d'autre part. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission de discipline ne peut qu'être écarté.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale alors en vigueur : " (...) II. - La personne détenue dispose de la faculté de se faire assister par un avocat de son choix ou par un avocat désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats et peut bénéficier à cet effet de l'aide juridique (...) ". En application de ces dispositions, il appartient à l'administration pénitentiaire d'assurer la mise en œuvre, au profit d'un détenu qui en fait la demande, de la possibilité de se faire assister d'un avocat dans le cadre de poursuites disciplinaires engagées à son encontre.

14. Il ressort des pièces du dossier qu'informé de la réunion de la commission de discipline prévue le 23 janvier 2020 à 14 heures, M. C... a demandé, le 21 janvier 2020, à être assisté par Me Jamal Elgani ou, en cas d'indisponibilité de ce dernier, par un avocat désigné par le bâtonnier du barreau d'Evry. Par courriel envoyé le 21 janvier 2020, à 11 heures 31, l'administration pénitentiaire a adressé à Me Elgani la convocation à la commission de discipline concernant M. C.... Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'avocat choisi par M. C... ait fait connaître à l'administration son indisponibilité à la date prévue de la séance de la commission de discipline. En l'absence de réponse de l'avocat qu'il a désigné, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'administration pénitentiaire n'a pas accompli toutes les diligences nécessaires en ne demandant pas la désignation d'un avocat par le bâtonnier du barreau d'Evry, après la transmission en vain à l'avocat désigné, et en ne reportant pas la date de la séance de la commission. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance du droit à l'assistance d'un avocat et de la méconnaissance des droits de la défense doivent être écartés.

15. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M. C... n'a pas reconnu les faits qui lui étaient reprochés ni n'a souhaité répondre aux questions posées lors de son audition dans le cadre de l'enquête, d'autre part, et qu'il ne s'est pas présenté devant la commission de discipline. Dans ces conditions, le requérant, qui n'a pas été privé de la garantie du droit de se taire, n'est pas fondé à soutenir que le principe garanti par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 a été méconnu, par exception d'inconstitutionnalité des dispositions réglementaires gouvernant la procédure disciplinaire des personnes détenues.

16. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " Constitue une faute disciplinaire du premier degré le fait, pour une personne détenue : (...) / 12° De proférer des insultes, des menaces ou des propos outrageants à l'encontre d'un membre du personnel de l'établissement, d'une personne en mission ou en visite au sein de l'établissement pénitentiaire ou des autorités administratives ou judiciaires (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-33 du même code : " Lorsque la personne détenue est majeure, peuvent être prononcées les sanctions disciplinaires suivantes : (...) / 8° La mise en cellule disciplinaire. ". Aux termes de son article R. 57-7-47 : " Pour les personnes majeures, la durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder vingt jours pour une faute disciplinaire du premier degré, quatorze jours pour une faute disciplinaire du deuxième degré et sept jours pour une faute disciplinaire du troisième degré. (...) " et aux termes de son article R. 57-7-49 : " Le président de la commission de discipline prononce celles des sanctions qui lui paraissent proportionnées à la gravité des faits et adaptées à la personnalité de leur auteur. (...) ".

17. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

18. M. C... a été sanctionné de six jours de placement en cellule disciplinaire pour avoir insulté et menacé le médecin de garde lors d'une visite médicale. Il ressort des pièces du dossier, notamment des déclarations du médecin de garde et des infirmiers, mentionnées dans le rapport d'enquête, que M. C... a insulté le médecin et lui a déclaré " je vais te crever " à l'issue d'une visite médicale au cours de laquelle sa demande d'hospitalisation a été refusée. M. C..., qui ne conteste pas avoir proféré des insultes à l'encontre du médecin, ne conteste pas sérieusement la matérialité des faits retenus en se bornant à faire valoir avoir dit " je vais crever " alors qu'il était en état de malaise, sans que cela ne ressorte d'aucune pièce versée au dossier. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de fait commise par le directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris ne peut qu'être écarté.

19. Compte tenu des faits reprochés à M. C... et des antécédents disciplinaires de l'intéressé, qui a comparu devant la commission de discipline le 9 janvier 2020 et a fait l'objet de deux compte-rendu d'incident les 15 et 16 janvier 2020, la sanction attaquée prise à son encontre n'est pas disproportionnée ni entachée d'erreur d'appréciation.

20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. C....

Article 2 : La requête de M. C... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

M. Tar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mai 2024.

L'assesseure la plus ancienne,

O. DORION La présidente rapporteure,

F. VERSOL

La greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 22VE00771


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00771
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-01-04 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Restrictions apportées au séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Françoise VERSOL
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : ROTTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;22ve00771 ?
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