Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 26 février 2021 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé de lui reconnaître la qualité d'apatride.
Par un jugement n° 2102536 du 28 mars 2023, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 novembre 2023, Mme A... B..., représentée par Me Duplantier, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 mars 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 26 février 2021 de l'OFPRA ;
3°) d'enjoindre à l'OFPRA de lui reconnaître le statut d'apatride dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés apatrides une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'aide juridictionnelle, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- elle justifie de son identité et de son état civil ;
- elle ne peut pas se prévaloir de la nationalité russe sur le fondement de l'article 17 de la loi du 28 novembre 1991 dès lors que ses parents ne peuvent s'en prévaloir et que la Russie ne leur a pas reconnu la qualité d'apatride ;
- elle ne peut se prévaloir de l'article 13 de la même loi dès lors que ses parents n'ont pu le faire en raison de l'impossibilité de faire enregistrer leur domiciliation à Moscou ;
- elle ne peut se prévaloir de la loi du 31 mai 2002 dès lors que ses parents ne peuvent justifier d'une résidence normale en Russie pendant 5 ans ;
- elle a effectué des démarches répétées et assidues en vue d'obtenir la nationalité russe.
La requête a été communiquée à l'Office français de protection des réfugiés apatrides qui n'a pas produit d'observations.
Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 septembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Versailles.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Gars,
- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,
- et les observations de Me Duplantier pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... déclare être née le 6 janvier 1998 à Pouchkino en Fédération de Russie, être arrivée en France en 2013, avec son père né en République socialiste soviétique d'Azerbaïdjan, sa mère née en République socialiste soviétique d'Ouzbékistan et ses deux sœurs. Elle a formé une demande d'asile qui a fait l'objet d'une décision de rejet de la part de l'OFPRA le 29 juillet 2016 confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 7 avril 2017. Elle a également formé une demande de titre de séjour portant la mention " étudiant " obtenu en novembre 2018. Elle a déposé une demande d'apatridie le 10 mai 2019. Cette demande de reconnaissance de la qualité d'apatride a fait l'objet d'une décision de rejet par l'OFPRA le 26 février 2021. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article 1er de la convention de New York du 28 septembre 1954 : " Aux fins de la présente convention, le terme " apatride " désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention. ". Aux termes de l'article L. 812-2 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides reconnaît la qualité d'apatride aux personnes remplissant les conditions mentionnées à l'article L. 812-1, au terme d'une procédure définie par décret en Conseil d'Etat. ". La reconnaissance de la qualité d'apatride implique d'établir que l'Etat susceptible de regarder une personne comme son ressortissant par application de sa législation ne le considère pas comme tel.
3. En premier lieu, l'OFPRA ayant rejeté la demande d'apatridie de la requérante au motif qu'elle n'établissait pas répondre à la définition d'un apatride, la circonstance que son identité et lien de filiation mis en doute dans la décision attaquée seraient établis, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.
4. En deuxième lieu, Mme A... B... ne peut utilement soutenir qu'elle ne peut se prévaloir de l'article 17 de la loi du 28 novembre 1991 sur la citoyenneté de la Fédération de Russie, dès lors que la décision attaquée se fonde sur la possibilité pour la requérante de bénéficier des dispositions de l'article 13 de cette loi. Si la requérante soutient également qu'elle ne peut se prévaloir de l'article 13 de cette même loi du fait que ses parents ne peuvent se prévaloir de la nationalité russe en raison de l'impossibilité de faire enregistrer leur résidence à Moscou faute de passeport au cours de leur séjour jusqu'en 2013, l'OFPRA produit toutefois en défense une décision de la Cour suprême de la Fédération de Russie du 31 octobre 2002 affirmant que la reconnaissance de la nationalité russe en vertu des dispositions de cet article 13 n'est pas subordonnée à une condition d'enregistrement de résidence mais à l'absence de refus, pendant une période d'un an, de bénéficier de cette nationalité. Dans ces conditions, Mme A... B... n'établit pas que ses parents ou elle-même n'auraient pas pu bénéficier de ces dispositions. La circonstance alléguée qu'elle ne pourrait pas bénéficier les dispositions de la loi de 2002 sur la citoyenneté russe est dès lors sans incidence.
5. En second lieu, Mme A... B... soutient qu'elle a effectué des démarches répétées et assidues pour acquérir la nationalité russe. Il ressort des pièces du dossier qu'elle a envoyé le 24 février 2017 un courrier à l'ambassade de la Fédération de Russie demandant assistance pour acquérir la nationalité russe. Par courrier du 1er mars 2017, les services de l'ambassade lui ont indiqué les conditions pour bénéficier de la nationalité de la Fédération de Russie. Il n'est pas contesté que Mme A... B... n'a pas donné suite et déposé de dossier de demande d'acquisition ou de reconnaissance de nationalité. En tout état de cause, ce courrier de l'ambassade de la Fédération de Russie ne se prononçant pas sur la situation personnelle de la requérante au regard de ses droits à la nationalité de la Fédération de Russie ne constitue pas une décision refusant d'octroyer ou de reconnaître à l'intéressée la nationalité de cet Etat. Dans ces conditions, la requérante n'établit pas répondre à la définition d'apatride.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'Office français de protection des réfugiés apatrides.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
M. Ablard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024.
La rapporteure,
A-C. LE GARS Le président,
S. BROTONS
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE02543 2