Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2023 par lequel le préfet des Yvelines a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Par un jugement n° 2306881 du 30 novembre 2023, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 19 juillet 2023 du préfet des Yvelines et a enjoint au préfet des Yvelines, ou au préfet territorialement compétent, de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai d'un mois.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 20 décembre 2023, sous le n° 23VE02780, le préfet des Yvelines demande à la cour d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande de M. B....
Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté au motif qu'il était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés les 8, 17, 22 et 23 avril 2024, M. B..., représenté par Me Monconduit, avocate, conclut au rejet de la requête du préfet des Yvelines et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la demande de sursis à exécution du jugement est irrecevable dès lors qu'il a été mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- en appliquant les dispositions des articles L. 412-1 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que la demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié dont il était saisi relève de son pouvoir discrétionnaire, le préfet a commis une erreur de droit ;
- il justifie de motifs exceptionnels d'admission au séjour.
II. Par une requête enregistrée le 20 décembre 2023, sous le n° 23VE02781, le préfet des Yvelines demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement.
Il soutient que les moyens soulevés dans sa requête d'appel sont sérieux et de nature à justifier tant l'annulation du jugement que le rejet de la demande de M. B....
Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés les 8, 17 et 22 avril 2024, M. B..., représenté par Me Monconduit, avocate, conclut, par les mêmes moyens que ceux exposés dans la requête n° 23VE02780, au rejet de la requête du préfet des Yvelines et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;
- le code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dorion
- et les observations de Me Veillat, substituant Me Monconduit, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 19 juillet 2023, le préfet des Yvelines a rejeté la demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée le 7 septembre 2022 par M. B... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Par le jugement attaqué du 30 novembre 2023, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté et enjoint au préfet des Yvelines de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai d'un mois. Par deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, le préfet des Yvelines relève appel de ce jugement et demande qu'il soit sursis à son exécution.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal et devant la cour :
2. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressé.
3. M. B..., ressortissant marocain né le 15 mars 1987, entré en France le 10 avril 2016 avec un visa de court séjour, a présenté une demande d'asile rejetée par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 21 octobre 2016, confirmée le 14 mars 2017 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Le requérant s'est ensuite maintenu irrégulièrement sur le territoire français malgré une obligation de quitter le territoire français, prise à son encontre le 12 janvier 2018, qu'il n'a pas exécutée. A l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, M. B... se prévaut de son insertion professionnelle, notamment de son emploi en contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'ouvrier polyvalent, à compter du 1er novembre 2020, soit deux ans et neuf mois à la date de l'arrêté contesté, conclu avec la SARL Val'Prim, qui a présenté une demande d'autorisation de travail en sa faveur. Il produit en outre des bulletins de salaire de janvier à octobre 2020 pour le même emploi à mi-temps. Par ailleurs M. B..., célibataire sans enfant, n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a déclaré avoir de la famille et où il a vécu jusqu'à l'âge de 19 ans. Dans ces conditions, en dépit de ses efforts d'insertion professionnelle, eu égard à la précédente mesure d'éloignement à laquelle M. B... n'a pas déféré, le préfet des Yvelines est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé son arrêté du 19 juillet 2023 au motif qu'il était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé.
Sur les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal et devant la Cour :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de séjour :
4. En premier lieu, l'arrêté contesté expose les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et mentionne les éléments relatifs à la situation professionnelle de l'intéressé, notamment sa date d'entrée en France et ses conditions d'emploi. Il est, ainsi, suffisamment motivé.
5. En deuxième lieu, il ressort des motifs de l'arrêté contesté que le préfet des Yvelines a procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de M. B..., et notamment pris en compte l'ancienneté du séjour de l'intéressé en France. Il s'ensuit que le moyen manque en fait.
6. En troisième lieu, en considérant que la situation de M. B... relevait de son pouvoir discrétionnaire de régularisation dès lors que celui-ci ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " en application de l'article 3 de l'accord franco-marocain et que, cette convention déterminant l'ensemble des conditions de délivrance d'un titre portant la mention " salarié " aux ressortissants marocains, il ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Yvelines n'a pas commis d'erreur de droit.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour étant écartés, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.
8. En second lieu, eu égard aux conditions de séjour en France de M. B... exposées au point 3 du présent arrêt, la décision du préfet des Yvelines lui faisant obligation à de quitter le territoire n'a pas porté une atteinte excessive au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Yvelines est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 19 juillet 2023.
10. Le présent arrêt statuant au fond, les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement sont devenues sans objet.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 23VE02781 du préfet de Yvelines.
Article 2 : Le jugement n° 2306881 du 30 novembre 2023 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 3 : La demande de première instance M. B... et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B.... Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 23 avril 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Dorion, présidente-assesseure,
Mme Troalen, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2023.
La rapporteure,
O. DORION La présidente,
F. VERSOLLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour exécution conforme
La greffière,
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NOS 23VE02780...
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