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02/05/2024 | FRANCE | N°21VE01543

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 02 mai 2024, 21VE01543


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme C..., Mme B..., D... et F... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner in solidum la commune de Neuilly-sur-Seine et la société de Lavage et de Ravalement (SLR) à leur verser respectivement la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi, d'enjoindre à la commune de Neuilly-sur-Seine et à la société SLR de réaliser les travaux nécessaires pour faire cesser les infiltrations constatées sur le mur séparatif

entre leurs biens et le centre culturel - théâtre des Sablons de la commune et sur le mu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C..., Mme B..., D... et F... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner in solidum la commune de Neuilly-sur-Seine et la société de Lavage et de Ravalement (SLR) à leur verser respectivement la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi, d'enjoindre à la commune de Neuilly-sur-Seine et à la société SLR de réaliser les travaux nécessaires pour faire cesser les infiltrations constatées sur le mur séparatif entre leurs biens et le centre culturel - théâtre des Sablons de la commune et sur le mur de D... et de faire disparaître toutes les tâches et les coulures existantes après traitement sanitaire, dans un délai de vingt jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de la commune de Neuilly-sur-Seine et de la société SLR la somme de 3 000 euros à leur verser à chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1801337 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande ainsi que les conclusions présentées par la commune de Neuilly-sur-Seine tendant à être garantie des condamnations prononcées à son encontre et mis à la charge des demandeurs la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Neuilly-sur-Seine, d'une part, et à la société SLR, d'autre part, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 28 mai 2021, 21 décembre 2021, 3 avril 2023 et 7 mars 2024, F... et M. et Mme C..., représentés par Me Rebut Delanoe, avocat, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement en tant que le tribunal administratif a rejeté leurs conclusions ;

2°) de condamner in solidum la commune de Neuilly-sur-Seine et la société SLR à leur verser la somme totale de 7 064 euros TTC au titre des travaux de réparation des dommages résultant des infiltrations provenant du " skydome " ;

3°) de condamner in solidum la commune de Neuilly-sur-Seine et la société SLR à leur verser à chacun la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice de jouissance et des risques sanitaires subis ;

4°) d'enjoindre à la commune de Neuilly-sur-Seine et à la société SLR de réaliser les travaux nécessaires pour mettre fin aux infiltrations constatées sur le mur litigieux et de faire disparaître, après traitement sanitaire, toutes les tâches et coulures existantes, dans un délai de vingt jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Neuilly-sur-Seine et de la société SLR la somme de 6 000 euros à verser à chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur demande de première instance est recevable dès lors qu'ils ont adressé une demande préalable à la commune de Neuilly-sur-Seine ;

- elle a été formée dans le délai de deux mois dès lors que la commune n'a jamais rejeté leur demande préalable mais l'a au contraire acceptée ; une nouvelle demande préalable a, en tout état de cause, été adressée le 24 janvier 2020, ce qui a eu pour effet de régulariser toute irrégularité éventuelle ;

- le juge administratif est compétent pour adresser des injonctions y compris s'agissant d'un recours de plein contentieux ;

- leur préjudice est spécial dès lors qu'il ne concerne que deux parcelles ;

- il est anormal dès lors que les tâches noires, champignons et coulées vertes sur le mur arrière les empêchent d'ouvrir leurs fenêtres et de profiter de leur courette ; ces préjudices ne sont pas seulement esthétiques et portent atteinte à la structure et la solidité du mur ;

- des traces d'humidité sont également apparues dans leur salon et sont imputables au défaut d'étanchéité à la jonction entre le mur et la verrière ;

- ces désordres sont imputables à la mauvaise couverture du mur mitoyen appartenant à la commune de Neuilly-sur-Seine ;

- ils subissent un trouble de jouissance réel et important depuis plusieurs années ; les désordres ont un impact sur la valeur de leur propriété ; ils sont susceptibles de créer un risque sanitaire et des maladies respiratoires ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a mis à leur charge la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Neuilly-sur-Seine, cette dernière n'ayant réclamé qu'un montant de 1 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 octobre 2021 et 22 mars 2023, la commune de Neuilly-sur-Seine, représentée par Me Pierson, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la société SLR à la relever et garantir de toute condamnation ou injonction prononcée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 1 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- les préjudices allégués ne revêtent pas un caractère anormal ou spécial ;

- elle n'a commis aucune faute puisque les désordres résultent d'une faute de la société SLR ;

- la demande de dommages-intérêts n'est pas fondée ;

- la demande d'injonction des requérants n'est pas recevable en l'absence de précision sur son fondement juridique ; le juge administratif ne saurait émettre d'injonction en dehors des hypothèses prévues par l'article L. 911-1 du code de justice administrative ; aucune faute ne peut lui être reprochée ;

- à titre subsidiaire, elle devrait être garantie par la société SLR de toute condamnation prononcée à son encontre ; l'article 9.6.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché conclu avec la société SLR prévoit que le titulaire garantit le maître d'ouvrage de tout défaut d'étanchéité pendant une durée de dix ans à compter de la réception des travaux ; par suite, la réception des travaux ne fait pas obstacle à ce que la société SLR la garantisse à ce titre.

Par des mémoires en défense, enregistrés respectivement les 1er décembre 2021, 27 mars 2023 et 6 avril 2023, la société de Lavage et de Ravalement (SLR), représentée par Me Bartoli, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter l'appel en garantie formé par la commune de Neuilly-sur-Seine ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Neuilly-sur-Seine à la garantir de toute condamnation ou injonction prononcée à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 5 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- les conclusions des requérants tendant à la condamnation à verser la somme de 7 064 euros au titre des infiltrations provenant du " skydome " sont nouvelles en appel et sont, par suite, irrecevables ;

- les requérants ne démontrent pas l'existence d'un préjudice anormal et spécial dès lors qu'il s'agit d'un préjudice purement esthétique ; aucune atteinte à la solidité du mur n'est démontrée ; aucun risque pour la santé n'est établi ; aucune trace d'infiltration à l'intérieur des logements n'est avérée ;

- il n'existe pas de lien de causalité entre la réalisation du mur mitoyen et les infiltrations constatées dans le salon des requérants ; la seule humidité constatée résulte d'un défaut d'étanchéité de la verrière leur appartenant ;

- l'appel en garantie de la commune de Neuilly-sur-Seine doit être rejeté dès lors que la réception sans réserve des travaux met fin aux rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur ; les désordres constatés ne revêtent pas un caractère décennal.

Par courrier du 7 mars 2024, les parties ont été informées que la cour était susceptible de se fonder sur la circonstance que le dommage à l'origine des préjudices allégués revêt un caractère accidentel dispensant la victime de démontrer le caractère grave et spécial desdits préjudices (Conseil d'Etat, 8 février 2022, n° 453105).

Par courrier du 28 mars 2024, les parties ont été informées que la cour était susceptible, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de ce que les conclusions tendant à la condamnation de la commune de Neuilly-sur-Seine à payer la somme de 7 064 euros TTC au titre des infiltrations provenant du "skydome" présentées plus de deux mois après l'expiration du délai d'appel sont tardives et, par suite, irrecevables.

Par un mémoire du 2 avril 2024, F... et M. et Mme C... ont présenté des observations en réponse à ce courrier.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Houllier,

- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Loubeyre, substituant Me Rebut Delanoe, pour les requérants, et de Me Dupuy, substituant Me Pierson, pour la commune de Neuilly-sur-Seine.

Considérant ce qui suit :

1. F... et M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 1er avril 2021 en tant que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a refusé de faire droit à leur demande tendant à la condamnation in solidum de la commune de Neuilly-sur-Seine et de la société SLR à réaliser les travaux nécessaires à la réparation des désordres provenant des travaux réalisés sur le mur mitoyen de leur parcelle et à réparer les préjudices en résultant. Ils demandent à la cour de condamner in solidum la commune de Neuilly-sur-Seine et la société SLR à leur verser la somme de 7 064 euros TTC au titre des travaux de réparation des dommages résultant des infiltrations provenant du " skydome " et la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice de jouissance et des risques sanitaires subis et d'enjoindre à la commune de Neuilly-sur-Seine et à la société SLR de réaliser les travaux nécessaires pour mettre fin aux infiltrations constatées sur le mur litigieux.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société SLR aux conclusions des requérants tendant à l'octroi de la somme de 7 064 euros TTC au titre des infiltrations provenant de la verrière de leur habitation :

2. Les requérants demandent, dans le dernier état de leurs écritures, la condamnation in solidum de la commune de Neuilly-sur-Seine et de la société SLR à leur verser la somme de 7 064 euros TTC au titre des infiltrations provenant de la verrière de leur habitation. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de l'expert mandaté par leur assureur que les requérants n'ont constaté ces dommages qu'au début du second semestre de l'année 2021, soit postérieurement au jugement attaqué du 1er avril 2021. Par suite, la société SLR n'est pas fondée à soutenir que ces conclusions sont, faute d'avoir été présentées en première instance, irrecevables pour constituer une demande nouvelle en appel. La fin de non-recevoir qu'elle oppose doit, en conséquence, être écartée.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Lorsqu'un requérant a introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n'avait présenté aucune demande en ce sens devant l'administration et qu'il forme, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, cette décision lie le contentieux. La demande indemnitaire est recevable, que le requérant ait ou non présenté des conclusions additionnelles explicites contre cette décision, et alors même que le mémoire en défense de l'administration aurait opposé à titre principal l'irrecevabilité faute de décision préalable, cette dernière circonstance faisant seulement obstacle à ce que la décision liant le contentieux naisse de ce mémoire lui-même.

4. En l'espèce, si la commune de Neuilly-sur-Seine a soutenu, en première instance, que la demande des requérants tendant à sa condamnation à verser la somme de 3 000 euros était irrecevable en l'absence de toute demande indemnitaire préalable susceptible de lier le contentieux, il résulte de l'instruction que les intéressés ont formé, en cours d'instance devant le tribunal administratif, une demande indemnitaire préalable adressée le 24 janvier 2020 qui a fait naître une décision implicite de rejet avant que les juges de première instance ne statuent. Par suite, cette fin de non-recevoir doit être rejetée.

5. En second lieu, si la société SLR a soutenu, en première instance, que les conclusions des requérants ne visaient pas de fondement juridique précis, il ressort des écritures de première instance que ces conclusions étaient suffisamment motivées en droit, comme en fait. Par suite, cette fin de non-recevoir doit également être écartée.

Sur la responsabilité de la commune de Neuilly-sur-Seine et de la société SLR :

6. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.

7. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la parcelle des requérants est séparée de la parcelle adjacente par un mur, appartenant à la commune de Neuilly-sur-Seine, donnant sur une courette intérieure sur laquelle s'ouvrent les fenêtres de leur habitation. Il résulte également de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise établi à la demande de l'assureur des requérants que ce mur est affecté par de nombreuses traces vertes, coulures et marques d'humidité et que ces désordres trouvent leur origine dans les travaux de ravalement dudit mur réalisés par la commune de Neuilly-sur-Seine fin 2013, du fait, en particulier, d'une mauvaise conception et exécution de la tête du mur qui provoque des ruissellements sur la face extérieure donnant sur la courette des requérants. Les dommages subis par les requérants, qui ont la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage litigieux, ne sont, dès lors, pas liés à l'existence même, ni au fonctionnement ou à l'entretien normal de cet ouvrage et revêtent un caractère accidentel. Par suite, les requérants n'étaient pas tenus, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent. Ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté leur demande en se fondant sur l'absence de caractère grave et spécial de leur préjudice.

8. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les requérants devant le tribunal administratif.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

9. Lorsqu'un dommage est causé par le fait de l'entrepreneur à l'occasion de l'exécution d'un travail public, le tiers victime de ce dommage est en droit d'en réclamer la réparation soit à l'entrepreneur, soit à la collectivité maître de l'ouvrage, soit à l'un et à l'autre solidairement.

10. En premier lieu, il résulte de l'instruction, ainsi que cela vient d'être dit au point 7, que les fenêtres des pièces à vivre des requérants s'ouvrent sur une courette délimitée, en fond de parcelle, par le mur appartenant à la commune de Neuilly-sur-Seine et que ce mur, par suite des travaux réalisés sur cette parcelle, comporte des marques vertes et noires d'humidité et de moisissure, des coulures ainsi que des traces d'algues. Ces désordres, établis par les différents rapports et constats, résultent directement de la conception du mur et de l'exécution, par la société SLR, des travaux sur ce dernier, en particulier " un défaut de couvertines dont les larmiers sont trop proches de la partie verticale du mur " selon les termes du rapport d'expertise établi à la demande de l'assureur des requérants. Par suite, les requérants sont fondés à demander la condamnation in solidum de la commune de Neuilly-sur-Seine et de la société SLR à réparer les préjudices qu'ils ont subis du fait des désordres affectant le mur appartenant à la commune de Neuilly-sur-Seine.

11. Les requérants sollicitent la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi du fait de ces traces et coulures à quelques mètres de leurs fenêtres et du risque sanitaire que cela leur fait courir. Si le risque sanitaire allégué n'est pas établi, il résulte de l'instruction que ces traces et coulures sont apparues en 2013 et n'ont fait l'objet d'aucun traitement malgré les demandes répétées des requérants en ce sens. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de leur préjudice de jouissance en le fixant à la somme globale de 2 000 euros.

12. En second lieu, il résulte également de l'instruction, en particulier des rapports des experts missionnés par l'assureur de la commune et l'assureur de requérants, que, lors des travaux de ravalement du mur, un ouvrier de la société SLR a cassé un verre du puits de lumière de la maison des requérants et que, l'étanchéité ayant été imparfaitement refaite par la société, des infiltrations d'eau de pluie sous la verrière ont été constatées sur le plafond du séjour. Par suite, les requérants sont fondés à demander la condamnation in solidum de la commune de Neuilly-sur-Seine et de la société SLR à réparer les préjudices qu'ils ont subis de ce fait.

13. Il résulte de l'instruction que le montant des travaux de réparation a été estimé à la somme de 5 000 euros TTC par l'expert missionné par l'assureur de la commune. Ce montant n'est pas sérieusement contesté par les défendeurs. En outre, les requérants sont fondés à solliciter la somme de 2 064 euros TTC qu'ils ont déboursée pour la recherche de fuite. Il suit de là que les requérants sont fondés à demander la condamnation in solidum de la commune de Neuilly-sur-Seine et de la société SLR à leur verser la somme de 7 064 euros au titre de ce chef de préjudice.

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction :

14. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution.

15. En l'espèce, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit aux points 10 et 11, que les dommages subis par les requérants, qui trouvent leur origine dans l'exécution défectueuse des travaux par la société SLR, perdurent à la date du présent arrêt en raison de l'abstention fautive de la commune de Neuilly-sur-Seine à prendre les mesures de nature à y mettre fin. A cet égard, si la commune conteste toute abstention fautive et se prévaut de ce qu'elle a demandé à la société SLR d'intervenir, il résulte de l'instruction qu'elle n'a pas assuré un suivi rigoureux de la reprise effective des désordres au-delà de quelques échanges d'emails entre les mois de mai et septembre 2017. En outre, si la commune soutient que le coût de ces travaux excèderait manifestement le préjudice à réparer, elle ne le démontre aucunement alors qu'il résulte des différents constats réalisés que la remise en état nécessite uniquement une reprise de la couverture du mur avec pose d'un chéneau permettant de renvoyer l'eau vers l'extrémité du bâtiment. Par suite, il y a lieu, conformément aux conclusions des requérants en ce sens, d'enjoindre à la commune de Neuilly-sur-Seine de procéder aux travaux de remise en état du mur en litige en vue de mettre fin à ces désordres. En revanche, il résulte de ce qui a été dit au point 14 qu'une telle injonction ne peut être adressée qu'à une personne publique. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction dirigées par les requérants à l'encontre de la société SLR doivent être rejetées.

Sur les appels en garantie :

16. La fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents ni connus à la date de la réception. Il n'en irait autrement - réserve étant faite par ailleurs de l'hypothèse où le dommage subi par le tiers trouverait directement son origine dans des désordres affectant l'ouvrage objet du marché et qui seraient de nature à entraîner la mise en jeu de la responsabilité des constructeurs envers le maître d'ouvrage sur le fondement des principes régissant la garantie décennale des constructeurs - que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part.

17. En l'espèce, selon l'article 9.6.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché conclu entre la commune de Neuilly-sur-Seine et la société SLR : " Le titulaire garantit le maître de l'ouvrage contre tout défaut d'étanchéité pendant un délai de 10 ans à partir de la date d'effet de la réception des travaux correspondants. Cette garantie engage le titulaire pendant le délai fixé, à effectuer à ses frais, sur simple demande du maître d'ouvrage, toutes les recherches sur l'origine des fuites et les réparations ou réfections nécessaires pour remédier aux défauts d'étanchéité qui seraient constatés, que ceux-ci proviennent d'une défectuosité des produits ou matériaux employés ou des conditions d'exécution ".

18. D'une part, il résulte de ces stipulations que les parties ont entendu faire obstacle à l'effet extinctif de la réception prononcée le 12 décembre 2013 s'agissant des défauts d'étanchéité. Ainsi, la commune de Neuilly-sur-Seine est recevable à appeler en garantie la société SLR, contrairement à ce que soutient l'intéressée.

19. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment des différents constats et rapports d'expertise, que si la société SLR est entièrement responsable des défauts de conception et d'exécution du mur à l'origine des désordres, la commune a, par son inertie et son abstention à prendre les mesures nécessaires pour assurer la remise en état du mur, contribué à la persistance des préjudices subis par les requérants. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner la société SLR à garantir la commune de Neuilly-sur-Seine à hauteur de 50 % du montant de la condamnation in solidum et à hauteur de 50 % du coût des travaux de remise en état du mur, et de condamner la commune de Neuilly-sur-Seine à garantir la société SLR à hauteur de 50% de la condamnation in solidum.

20. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.

Sur les frais de justice :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des requérants, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Neuilly-sur-Seine et la société SLR demandent à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Neuilly-sur-Seine et de la société SLR la somme de 1 000 euros chacune à leur verser sur le fondement des mêmes dispositions

22. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative par la commune de Neuilly-sur-Seine et la société SLR doivent, en tout état de cause, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1801337 du 1er avril 2021 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions présentées par F... et M. et Mme C... et qu'il met à leur charge une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : La commune de Neuilly-sur-Seine et la société SLR sont condamnées in solidum à verser aux requérants la somme de 9 064 euros.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Neuilly-sur-Seine de procéder aux travaux de remise en état du mur lui appartenant de nature à mettre fin aux préjudices subis par les requérants.

Article 4 : La société SLR est condamnée à garantir la commune de Neuilly-sur-Seine à hauteur de 50 % de la condamnation prononcée par l'article 2 du présent arrêt et de 50 % du coût des travaux mis à la charge de la commune de Neuilly-sur-Seine par l'article 3 de cet arrêt.

Article 5 : La commune de Neuilly-sur-Seine est condamnée à garantir la société SLR à hauteur de 50 % de la condamnation prononcée par l'article 2 du présent arrêt.

Article 6 : La commune de Neuilly-sur-Seine et la société SLR verseront aux requérants la somme de 1 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme E... C..., à F..., à la commune de Neuilly-sur-Seine et à la société de Lavage et de Ravalement (SLR).

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Houllier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mai 2024.

La rapporteure,

S. HoullierLa présidente,

C. Signerin-Icre

La greffière,

C. Fourteau

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE01543


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE01543
Date de la décision : 02/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Régime de la responsabilité - Qualité de tiers.

Travaux publics - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Sarah HOULLIER
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : PIERSON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-02;21ve01543 ?
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