Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2021 par lequel le préfet des Yvelines a procédé au retrait des deux certificats de résidence d'un an qui lui ont été délivrés pour les périodes du 24 mai 2018 au 23 mai 2019 et du 24 mai 2019 au 23 mai 2020, ainsi que du certificat de résidence de dix ans qui lui a été délivré le 23 juillet 2020.
Par un jugement n° 2111076 du 30 septembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 décembre 2022, Mme B..., représentée par Me Cheron, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines, à titre principal, de lui restituer son certificat de résidence ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer un certificat de résidence d'un an ou, à titre infiniment subsidiaire, de réexaminer sa demande ;
4°) et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant à tort que le préfet était en situation de compétence liée pour lui retirer son titre de séjour ;
- le jugement est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation de sa situation ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen de sa situation ;
- il méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants étrangers et de leurs familles ;
- il méconnaît les stipulations du h) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants étrangers et de leurs familles ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation de sa situation.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 avril 2024, le préfet des Yvelines conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants étrangers et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Aventino a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne, née le 22 mai 1979 à Bouazareah, qui est entrée en France le 14 juin 2015, s'est vue délivrer un certificat de résidence algérien, d'une durée d'un an, valable du 24 mai 2018 au 23 mai 2019, sur le fondement des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Ce certificat a été renouvelé, pour une année supplémentaire, du 24 mai 2019 au 23 mai 2020, avant que Mme B... ne soit mise en possession, le 23 juillet 2020, d'un certificat de résidence algérien d'une durée de 10 ans, délivré sur le fondement des stipulations du h) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Le préfet des Yvelines a, par un arrêté du 22 octobre 2021, procédé au retrait, pour fraude, de ces trois certificats de résidence. Mme B... fait appel du jugement du 30 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, Mme B... ne peut utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'une erreur de droit, d'une erreur de fait ou d'une erreur d'appréciation de sa situation.
Sur la légalité de l'arrêté du 22 octobre 2021 :
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la minute du jugement correctionnel du tribunal judiciaire de Versailles du 11 octobre 2021, que l'agent de la sous-préfecture de Saint-Germain-en-Laye condamné à trois ans de prison dont deux avec sursis, interdiction d'exercer une fonction publique, inéligibilité, confiscation des scellés et 10 000 euros d'amendes, pour des faits d'aide au séjour irrégulier, escroquerie, corruption passive et blanchiment, a permis la délivrance indue de titres de séjour à 160 étrangers dont la liste est mentionnée dans ce jugement, au nombre desquels figure Mme B.... Selon la description des faits constitutifs des infractions, cet agent s'est livré à des manœuvres frauduleuses, notamment, en " organisant son auto-attribution des dossiers et auto-validation des instructions lui permettant d'éviter les interférences avec ses collègues et sa hiérarchie notamment lors de la remise des titres frauduleusement délivrés, en s'assurant contrairement aux règles mises en place au sein de la sous-préfecture de Saint-Germain de l'instruction intégrale de toutes les phases d'une demande ou d'un renouvellement de titre, en s'assurant de la disparition des archives des dossiers frauduleux pour éviter tout contrôle " et en " procédant à des enregistrements volontairement erronés de dossiers de titre de séjour ", en vue de " tromper les services de l'Etat pour les déterminer à remettre des titres de séjour non conformes aux situations personnelles de leurs bénéficiaires ". Si l'instruction des dossiers des demandeurs a été gravement entachée d'irrégularité, il n'est pas établi que les décisions de délivrance de titre de séjour n'ont pas été prises, à l'issue de cette instruction, par l'autorité compétente. Dans ces conditions, en dépit de la gravité de la fraude commise par l'agent auteur des manœuvres frauduleuses commises au détriment de la préfecture des Yvelines, les titres de séjour indûment délivrés ne peuvent être regardés comme n'ayant pas matériellement existé ou comme étant juridiquement non avenus. Dès lors le préfet des Yvelines n'était pas en situation de compétence liée pour procéder au retrait des certificats de résidence délivrés à Mme B..., de telle sorte que les moyens soulevés au soutien de sa demande tendant à l'annulation de cette décision de retrait sont opérants.
4. En premier lieu, Mme B... soutient que c'est à tort que le préfet a procédé au retrait des deux certificats de résidence d'un an qui lui ont été délivrés pour les périodes du 24 mai 2018 au 23 mai 2019 et du 24 mai 2019 au 23 mai 2020 au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 lui permettant d'obtenir un certificat de résidence pour soins alors qu'elle avait sollicité la délivrance d'un certificat de séjour en tant qu'accompagnante d'une personne malade, sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que l'attestation de dépôt du dossier de demande par l'intéressée de titre de séjour pour soins du 15 octobre 2015, si elle comporte une mention manuscrite " accompagnante soins ", précise que la demande s'inscrit dans le cadre des dispositions précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et, d'autre part, que les certificats de résidence d'un an qui ont fait l'objet du retrait avaient bien été octroyés à la requérante sur ce fondement du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet des Yvelines a pris en considération, à l'issue d'une procédure contradictoire, les éléments fournis par l'intéressée pour apprécier si elle remplissait les critères fixés par les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 avant de confirmer le retrait de ses certificats de résidence. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation de la requérante doit être écartée.
5. En deuxième lieu, aux termes du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".
6. Si la requérante soutient qu'elle remplissait les conditions pour obtenir un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", en tant qu'accompagnante de son père malade, ce dernier est décédé en 2017, soit dans l'année précédant celle de la délivrance du premier certificat de résidence de Mme B.... En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante disposait d'autres liens personnels et familiaux en France tels que le refus de séjour aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il en résulte que Mme B... ne remplissait pas les conditions d'obtention d'un certificat de résidence valable un an sur le fondement des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 précitées. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commis le préfet en retirant les certificats de résidence d'un an qui ont été délivrés à la requérante pour les périodes du 24 mai 2018 au 23 mai 2019 et du 24 mai 2019 au 23 mai 2020 doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes du h) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (...) h) Au ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une validité d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", lorsqu'il remplit les conditions prévues aux alinéas précédents ou, à défaut, lorsqu'il justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France. (...) ".
8. Dès lors que le retrait des certificats de résidence d'un an que Mme B... avait obtenus pour les périodes du 24 mai 2018 au 23 mai 2019 et du 24 mai 2019 au 23 mai 2020 n'est pas entaché d'illégalité, Mme B... ne remplissait pas les conditions requises pour obtenir un certificat de résidence de dix ans en application des dispositions du h) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 précitées. Il en résulte que le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet en retirant le certificat de résidence de dix ans qui a été délivré à Mme B... le 23 juillet 2020 doit être écarté.
9. En quatrième lieu, compte tenu des éléments exposés aux points 4, 6 et 8 du présent arrêt, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation de la situation de la requérante en procédant au retrait de ses certificats de résidence.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 22 octobre 2021 par lequel le préfet des Yvelines a procédé au retrait, pour fraude, de ces trois certificats de résidence.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt n'implique pas que le préfet des Yvelines réexamine la situation de la requérante et lui délivre un titre de séjour temporaire. Les conclusions de Mme B... aux fins d'injonction ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. L'Etat n'étant pas la partie perdante, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2024.
La rapporteure,
B. AVENTINO
Le président,
B. EVEN
La greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 22VE02693