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09/04/2024 | FRANCE | N°23VE02376

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 09 avril 2024, 23VE02376


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.



Par un jugement n° 2307024 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions à fin d'annulati

on et rejeté le surplus de sa demande.



Procédures devant la cour :



I. Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2307024 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions à fin d'annulation et rejeté le surplus de sa demande.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête et des pièces enregistrées les 27 octobre 2023, 9 février et 22 mars 2024, sous le n° 23VE02376, Mme B..., représentée par Me Veillat, avocate, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler l'arrêté contesté ;

4°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés en première instance et la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés en appel, à verser à son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a jugé que ses conclusions à fin d'annulation étaient devenues sans objet ;

- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation et d'une erreur de droit ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé en ce qui concerne la possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Sénégal ; l'avis du collège de médecins de l'OFII n'était pas joint à la décision ; il ne prend en compte le fait qu'il s'agit d'un renouvellement de titre ; il omet de préciser la présence en France de ses trois sœurs, dont l'une de nationalité française et les deux autres en situation régulière ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ; il n'a pas examiné la demande de carte de résident qu'elle avait formulée le 4 juillet 2018 ;

- la commission du titre de séjour aurait dû être consultée dès lors qu'elle sollicite la délivrance d'un titre de plein droit et qu'elle réside en France depuis plus de dix ans ;

- l'authenticité des signatures électroniques des trois médecins de l'OFII n'est pas établie ;

- la preuve de la collégialité de l'avis n'est pas rapportée ;

- aucune pièce de la procédure ne mentionne expressément qu'un rapport a été établi par un médecin de l'OFII, ni que ce rapport a été transmis au collège de médecins, ni le nom du médecin signataire, ni la date de transmission du rapport ne sont connus ; ni l'avis produit, ni aucune autre pièce du dossier, ne permettent de s'assurer que le médecin rapporteur qui aurait établi le certificat remis au collège de médecins de l'OFII n'a pas siégé au sein du collège ; la décision contestée ne permet pas de s'assurer que les trois médecins signataires de l'avis du collège de médecins ont été régulièrement nommés par le directeur général de l'OFII ;

- le préfet s'est cru lié par l'avis consultatif du collège de médecins de l'OFII ;

- en omettant de statuer sur sa demande du 4 juillet 2018, de délivrance d'une carte de résident, le prévu a méconnu les stipulations de l'article 11 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 ;

- il a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle ne pourra pas bénéficier de l'appareil de ventilation non invasive dont elle aura besoin à vie, ni d'un suivi approprié, au Sénégal ;

- le refus de séjour porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale par exception d'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît la protection contre l'éloignement prévue à l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 novembre 2023, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Le préfet fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une décision du 7 février 2024, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

II. Par une requête enregistrée le 9 février 2024, sous le n° 24VE00375, Mme B..., représentée par Me Veillat, avocate, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 7 octobre 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine ou au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, dans un délai de sept jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est remplie ;

- il existe un doute sur la légalité de l'arrêté contesté.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 mars 2024, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention franco-sénégalaise du 1er octobre 1995 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion,

- et les observations de Me Veillat pour Mme B....

Des notes en délibéré ont été présentées le 26 mars 2024 pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante sénégalaise née le 16 août 1987, entrée en France le 3 octobre 2008 munie d'un visa de court séjour, a bénéficié de titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", du 13 septembre 2013 au 16 mai 2021, en raison de son état de santé. Par l'arrêté contesté du l'arrêté du 7 octobre 2021 le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de renouvellement de ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Le préfet des Hauts-de-Seine ayant pris un nouvel arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire le 12 octobre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande d'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2021. Par deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, Mme B... relève appel de ce jugement et demande au juge des référés d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 7 octobre 2021.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision n° 2023/3581 du 7 février 2024, la requérante a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans l'instance 23VE02376. La demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire est dès lors dépourvue d'objet. Par ailleurs, il n'a pas encore été statué sur la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme B... dans sa requête n° 24VE000375. Par suite, il y a lieu de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle dans cette instance.

Sur la régularité du jugement :

4. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande d'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2021 au motif qu'en édictant un nouvel arrêté ayant le même objet, le préfet des Hauts-de-Seine a implicitement, mais nécessairement, retiré l'arrêté du 7 octobre 2021, lequel n'a reçu aucun commencement d'exécution. Toutefois, l'arrêté du 12 octobre 2022, qui confirme l'arrêté du 7 octobre 2021, n'a pas pour effet de retirer ce premier arrêté et ne s'y est pas davantage substitué. En outre, l'arrêté du 7 octobre 2021 a reçu exécution dès lors qu'il a privé Mme B... de titre de séjour à compter de son édiction. La requérante est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa demande d'annulation de cet arrêté.

5. Il appartient à la cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande d'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2021 présentée par Mme B....

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour :

6. En premier lieu, si Mme B... fait valoir que l'arrêté contesté est insuffisamment motivé en ce qu'il se borne à reprendre l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration(OFII), par une formule stéréotypée, sans démontrer qu'elle pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Sénégal, le préfet a néanmoins suffisamment motivé sa décision de refus de séjour dès lors que, l'instruction du volet médical de la demande étant couverte par le secret médical, il n'avait pas connaissance de la pathologie dont souffre l'intéressée. La circonstance qu'il s'agisse d'une demande de renouvellement de titre de séjour n'impose aucune motivation supplémentaire. Par ailleurs, aucune disposition législative ou règlementaire, non plus qu'aucun principe, n'impose au préfet de joindre à sa décision l'avis du collège de médecins de l'OFII. L'arrêté contesté, qui reprend les éléments de fait propres à la situation personnelle de Mme B... au vu desquels le préfet a fondé sa décision est suffisamment motivé, alors même qu'il ne fait pas mention de la présence en France des sœurs de Mme B.... Enfin, à supposer que Mme B... ait présenté une demande de délivrance de carte de résident en 2018, sur le fondement de l'article 11 de la convention franco-sénégalaise, le préfet n'avait pas à motiver sa décision au regard de ces stipulations, ni à statuer à nouveau sur cette demande rejetée implicitement. Il s'ensuit que le moyen d'insuffisance de motivation manque en fait. Il ne ressort pas de ces motifs que le préfet des Hauts-de-Seine n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de Mme B....

7. En deuxième lieu, la commission du titre de séjour ne devait être consultée que si Mme B... remplissait effectivement les conditions de délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La requérante ne se prévaut pas utilement des dispositions du second alinéa de l'article L. 435-1 du même code, selon lesquelles " lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ", dès lors que sa demande de titre n'a pas été présentée, ni examinée d'office par le préfet, sur ce fondement.

8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII le 8 septembre 2021 et du bordereau de transmission de cet avis, que le rapport médical établi le 7 juillet 2021 par le Dr C... a été transmis au collège le 8 juillet 2021 et que ce médecin rapporteur n'était pas au nombre des médecins membres du collège. L'avis du collège de médecins de l'OFII n'étant pas au nombre des actes relevant du champ d'application de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives, la méconnaissance des dispositions de l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques, ne peut être utilement invoquée. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les médecins qui ont émis cet avis n'ont pas été désignés à cet effet par le directeur général de l'OFII et la circonstance que l'avis n'aurait pas fait l'objet d'échanges collégiaux est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis. Enfin le délai de trois mois prévu par l'article R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas prescrit à peine de nullité. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'instruction de la demande de Mme B... doit être écarté dans toutes ses branches.

9. En quatrième lieu, si le préfet de Hauts-de-Seine s'est approprié les conclusions de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, il a également examiné la situation personnelle de Mme B.... Le moyen tiré de ce que le préfet se serait cru lié par cet avis ne peut qu'être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 11 de la convention franco-sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes du 1er août 1995 : " Après trois années de résidence régulière et non interrompue, les ressortissants de chacune des Parties contractantes établis sur le territoire de l'autre Partie peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. / Ce titre de séjour est renouvelable de plein droit dans les conditions prévues par l'État d'accueil. Les droits et taxes exigibles lors de sa délivrance ou de son renouvellement doivent être fixés selon un taux raisonnable ". L'article 13 de la même convention stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ". Aux termes des dispositions de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui justifie d'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident, de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins et d'une assurance maladie se voit délivrer, sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 426-18, une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " d'une durée de dix ans. / (...) ".

11. Mme B... fait valoir qu'en lui refusant le bénéfice de ces stipulations, le préfet des Hauts-de-Seine a entaché sa décision d'une erreur de droit. Toutefois, Mme B... n'établit pas avoir présenté une demande de délivrance d'une carte de résident le 4 juillet 2018. A supposer qu'elle ait présenté une telle demande, celle-ci a été rejetée, en application de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, par une décision implicite de rejet qui n'a pas été contestée. Mme B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions et stipulations rappelées au point précédent, dès lors que la délivrance de la carte de résident qu'elle mentionne n'est pas de plein droit, mais qu'elle est soumise à une demande de l'intéressée.

12. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".

13. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre des séquelles d'une grave brûlure subie durant l'enfance, d'une pathologie neuromusculaire et d'une neuropathie optique d'étiologie inconnue. Si son état de santé nécessite un suivi médical et une prise en charge en kinésithérapie, elle ne suit pas d'autre traitement qu'un antidouleur au besoin et un appareil de ventilation non invasive à utiliser la nuit. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ainsi qu'il ressort de l'avis du collège de médecins de l'OFII, ce suivi et cet appareil ne sont pas disponibles au Sénégal. Dans ces circonstances, alors même qu'il est constant que Mme B... est lourdement handicapée, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /(...) ".

15. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., célibataire sans enfant, n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Sénégal où résident ses parents, l'une de ses sœurs et ses deux frères, et où elle-même a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans. Elle ne se prévaut d'aucune insertion professionnelle, bénéficie de l'allocation adulte handicapée, de la majoration pour la vie autonome et d'un logement social. Dans ces conditions, en dépit de l'ancienneté de son séjour en France et de la présence en France de trois de ses sœurs, dont l'une est de nationalité française, le refus de séjour qui lui a été opposé n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

16. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de séjour étant écartés, le moyen d'exception d'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.

17. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

18. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

19. Il résulte de ce qui précède que la demande de Mme B... doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions tenant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les conclusions à fin de suspension de l'exécution de l'arrêté contesté :

20. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. "

21. Le présent arrêt statuant au fond, les conclusions de la requête n° 24VE00375, tendant à la suspension de l'exécution des décisions contestées, sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

DÉCIDE :

Article 1er : Mme B... est admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire dans l'instance n° 24VE00375.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire dans l'instance n° 23VE02376 et sur les conclusions de la requête n° 24VE00375 de Mme B... tendant à ce que soit ordonnée la suspension de l'exécution de l'arrêté du 7 octobre 2021.

Article 3 : Le jugement n° 2307024 du 12 octobre 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes n° 23VE02376 et n° 24VE00375 de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié et à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

M. Tar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.

La rapporteure,

O. DORION La présidente,

F. VERSOLLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour exécution conforme

La greffière,

2

Nos 23VE02376...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23VE02376
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : VEILLAT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-09;23ve02376 ?
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