Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Meudon au paiement des sommes de 20 568,93 euros au titre des heures supplémentaires et de 2 056,89 euros au titre des congés payés y afférents, de 508,50 euros au titre du rattrapage des salaires, outre 50,85 euros au titre des congés payés s'y rapportant, de condamner cette commune au versement de la somme de 6 000 euros au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, d'enjoindre à la commune de Meudon de communiquer les relevés horaires de M. A... B... et l'ensemble de ses bulletins de paie, et de mettre à la charge de la commune de Meudon une somme de 2 000 euros au titre de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1706665 du 22 avril 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande ainsi que les conclusions présentées par la commune de Meudon sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juin 2021, M. D..., représenté par Me Savignat, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la commune de Meudon au paiement des sommes de 20 558,93 euros au titre des heures supplémentaires et de 2 056,89 euros au titre des congés payés y afférents ainsi que de 508,50 euros au titre du rattrapage des salaires, outre 50,85 euros au titre des congés payés s'y rapportant ;
3°) de condamner cette commune au versement de la somme de 6 000 euros au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Meudon la somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les heures mentionnées par ses contrats de travail ne correspondent pas à la réalité ; il a réalisé un total de six-cent-quarante-cinq heures de travail entre 2010 et 2014 et a droit, à ce titre, au paiement de la somme de 20 568,93 euros brut, outre 2 056,89 euros brut au titre des congés afférents ; les plannings demandés pour établir la réalité de ces heures n'ont jamais été produits par la commune, seule en capacité de les fournir ; le temps de travail de M. B..., régisseur général, correspond exactement à son propre temps de travail ;
- la commune de Meudon ne lui a payé aucune heure supplémentaire, diminuant son taux horaire de base pour le faire correspondre avec le contrat de travail s'y rapportant ; il est ainsi fondé à solliciter le rattrapage de salaire au titre des heures majorées pour un montant de 508,50 euros, outre 50,85 euros au titre des congés payés afférents ;
- la commune de Meudon a eu recours, de manière abusive, à des contrats précaires en méconnaissance des dispositions de la directive 1999/70/CE du Conseil de l'Union européenne du 28 juin 1999 ;
- l'emploi qu'il occupait doit être regardé comme répondant à un besoin permanent de la commune de Meudon ;
- cette dernière eu une attitude déloyale dans l'exécution de la relation de travail ;
- elle a commis une discrimination à son égard ;
- il a donc droit au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 6 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré 12 octobre 2021, la commune de Meudon, représentée par Me Devaux et Me Fontaine, avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. D... le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Houllier,
- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Trub, substituant Me Savignat, pour M. D..., et de Me Fontaine, pour la commune de Meudon.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., qui a été engagé par plusieurs contrats à durée déterminée entre 2002 et 2014 par la commune de Meudon en qualité de régisseur de spectacles à l'occasion d'évènements organisés par le centre municipal d'art et de culture, fait appel du jugement du 22 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Meudon à lui payer les heures supplémentaires qu'il soutient avoir réalisées, les salaires non-perçus et les congés afférents pour un montant total de 23 185,17 euros, ainsi que des dommages et intérêts d'un montant de 6 000 euros en réparation des fautes que cette collectivité aurait commises à son égard.
Sur le paiement des heures supplémentaires :
2. En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient, d'abord, à l'agent d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires qu'il estime avoir réalisés. Sur la base de ces éléments, l'employeur doit répondre en fournissant les informations dont il dispose de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, le juge forme sa conviction.
3. M. D... soutient qu'il a réalisé, au cours de la période 2010-2014, un total de 645 heures supplémentaires de travail au profit de la commune de Meudon, soit 132 heures au titre de l'année 2010, 144 heures au titre de l'année 2011, 185,30 heures au titre de l'année 2012, 132 heures au titre de l'année 2013 et 52 heures au titre de l'année 2014 et que ces heures n'ont pas été rémunérées par la commune.
4. Toutefois, pour étayer ses allégations, il ne produit qu'un document manuscrit, établi par ses soins, qui présente un décompte des heures effectuées sur la période en litige sans distinguer au sein de ce relevé entre les heures déjà payées par la commune et celles dont l'intéressé réclame le paiement, ni fournir plus d'indications sur les conditions de réalisation de ces heures supplémentaires. S'il est constant qu'il n'a pas systématiquement reçu un planning individualisé qui lui permettrait d'étayer davantage ses allégations, ce seul document manuscrit ne permet pas, compte tenu de son caractère insuffisamment circonstancié, de faire présumer l'existence d'heures supplémentaires alors, au demeurant, que les bulletins de salaire de l'intéressé font apparaître, le cas échéant, les heures supplémentaires qu'il a accomplies. Par ailleurs, la seule présence de M. B..., régisseur général au centre d'art et de culture et supérieur hiérarchique de M. D..., ne permet pas, contrairement aux dires de ce dernier, de démontrer que le requérant était également présent durant les mêmes heures et qu'il accomplissait, au-delà des prévisions contractuelles, des heures supplémentaires dès lors que M. B... occupait un emploi permanent au sein de la commune. En outre, le courriel adressé par M. B... le 27 février 2014, qui se borne à rappeler le planning de travail général sans détailler celui de chacun des intervenants, ne permet pas de présumer que M. D... aurait travaillé sur toute la période indiquée au-delà des huit heures journalières prévues par son contrat de travail. Enfin, la circonstance que M. D... ait pu, en 2010, réaliser des heures supplémentaires, ainsi que cela ressort des plannings produits pour cette période par la commune de Meudon, ne suffit pas à faire présumer qu'il n'aurait pas été rémunéré pour ces heures dès lors qu'il ressort des bulletins de salaire correspondants que des heures supplémentaires lui ont été payées pour les périodes concernées. Dans ces conditions, alors que le requérant ne fournit dans ses écritures aucune indication sur les conditions dans lesquelles les heures supplémentaires en litige ont été réalisées et les obligations de service qui les auraient motivées, M. D... n'apporte pas suffisamment d'éléments de nature à faire présumer la réalité des heures supplémentaires dont il réclame le paiement. Par suite, ses conclusions tendant au versement d'une somme de 20 558,93 euros au titre des heures supplémentaires et d'une somme de 2 056,89 euros au titre des congés payés afférents, doivent être rejetées.
Sur les rattrapages de salaires :
5. M. D... reprend en appel le moyen invoqué en première instance tiré de ce qu'il a droit au versement de la somme de 508,50 euros au titre d'un rattrapage de salaire, ainsi que la somme de 50,85 euros au titre des congés payés afférents, dès lors que, selon lui, l'ensemble de ses contrats de travail fixe une rémunération horaire de 25,50 euros mais que, lorsque des heures supplémentaires lui ont été payées, la commune a réduit le taux horaire normal ainsi que cela ressortirait des bulletins de paie des 30 avril 2010, 31 mars 2011, 31 décembre 2011, 18 mars 2012, 30 septembre 2012, 23 novembre 2012, 30 juin 2013, 30 novembre 2013. Toutefois, il y a lieu d'écarter ce moyen par les mêmes motifs que ceux retenus, à bon droit, par le tribunal administratif aux points 9 à 11 du jugement attaqué.
Sur les autres préjudices :
6. M. D... soutient qu'il a subi un préjudice, évalué à 6 000 euros, résultant de l'exécution déloyale de la relation de travail dès lors que la commune de Meudon a eu recours de manière abusive à des contrats précaires alors qu'il répondait à un besoin permanent de la collectivité, qu'elle a, par ailleurs, refusé de le recruter sur l'un des postes vacants de régisseur général et régisseur lumière créés en 2013 en dépit de son ancienneté et de sa formation, ce qui révélerait une discrimination, et qu'enfin, elle l'a privé, à compter du 25 juin 2014, d'un emploi permanent après l'avoir maintenu dans la précarité pendant plusieurs années.
7. D'une part, les dispositions des articles 1er et 2 de la directive 1999/70/CE du Conseil de l'Union Européenne du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée et de la clause 5 de l'accord-cadre annexé à la directive, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, imposent aux Etats membres d'introduire de façon effective et contraignante dans leur ordre juridique interne, s'il ne le prévoit pas déjà, l'une au moins des mesures énoncées aux a) à c) du paragraphe 1 de la clause 5, afin d'éviter qu'un employeur ne recoure de façon abusive au renouvellement de contrats à durée déterminée. Lorsque l'Etat membre décide de prévenir les renouvellements abusifs en recourant uniquement aux raisons objectives prévues au a), ces raisons doivent tenir à des circonstances précises et concrètes de nature à justifier l'utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs. Par ailleurs, si l'existence d'une raison objective exclut en principe que le renouvellement des contrats à durée déterminée soit regardé comme abusif, c'est sous réserve qu'un examen global des circonstances dans lesquelles les contrats ont été renouvelés ne révèle pas, eu égard notamment à la nature des fonctions exercées par l'agent, au type d'organisme qui l'emploie, ainsi qu'au nombre et à la durée cumulée des contrats en cause, un abus. Il incombe au juge, pour apprécier si le recours à des contrats à durée déterminée successifs présente un caractère abusif, de prendre en compte l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment la nature des fonctions exercées, le type d'organisme employeur ainsi que le nombre et la durée cumulée des contrats en cause.
8. D'autre part, la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction issue de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, fixe aux articles 3-1 à 3-3 les cas dans lesquels les emplois permanents des collectivités territoriales peuvent par exception être pourvus par des agents non titulaires. L'article 136 de cette loi fixe les règles d'emploi de ces agents et précise qu'un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions d'application de cet article. Aux termes de l'article 1er du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les dispositions du présent décret s'appliquent aux agents non titulaires de droit public des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 (...). Les dispositions du présent décret ne sont toutefois pas applicables aux agents engagés pour un acte déterminé ". En outre, aux termes de l'article 55 du décret du 24 mai 1994 : " Les fonctions qui, correspondant à un besoin permanent, impliquent un service à temps non complet sont assurées par des agents non titulaires ".
9. Un agent de droit public employé par une collectivité ou un établissement mentionné au premier alinéa de l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 doit être regardé comme ayant été engagé pour exécuter un acte déterminé lorsqu'il a été recruté pour répondre ponctuellement à un besoin de l'administration. La circonstance que cet agent a été recruté plusieurs fois pour exécuter des actes déterminés n'a pas pour effet, à elle seule, de lui conférer la qualité d'agent contractuel. En revanche, lorsque l'exécution d'actes déterminés multiples répond à un besoin permanent de l'administration, l'agent doit être regardé comme ayant la qualité d'agent non titulaire de l'administration.
10. En l'espèce, il est constant que M. D... a été recruté par 499 contrats entre 2002 et juin 2014 pour assurer des fonctions de régisseur en lien avec des spectacles accueillis par le théâtre de la commune de Meudon ou, plus rarement, d'évènements ponctuels en lien avec les missions de la commune tels que les rencontres du personnel. Chacun de ces contrats détaillait avec précision la durée du recrutement de M. D..., strictement limitée à la durée et aux besoins de l'évènement, le plus souvent pour une durée de quelques jours. Ainsi, s'il n'est pas contesté que la commune de Meudon employait par ailleurs des régisseurs permanents, cette seule circonstance n'est pas de nature à établir que les missions confiées à M. D... répondaient à un besoin permanent de la commune dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il n'était recruté que pour appuyer, de manière strictement limitée dans le temps et dans son objet, les agents permanents de la commune à l'occasion des évènements spécifiquement identifiés et circonscrits dans le temps, ne présentant pas, au demeurant, de caractère récurrent sur l'année ou d'une année à l'autre. Dans ces conditions, M. D... doit être regardé comme ayant été engagé pour un acte déterminé et ne peut donc se prévaloir des dispositions relatives aux agents non titulaires susmentionnées. Il s'ensuit qu'il n'est pas fondé à soutenir que la commune de Meudon l'aurait illégalement maintenu dans la précarité, privé d'un emploi permanent et fait un recours abusif aux contrats à durée déterminée en méconnaissance de la directive 1999/79/CE précitée.
11. En outre, si M. D... soutient que la commune de Meudon aurait dû lui proposer l'un des postes permanents créés en 2013 à l'occasion de l'ouverture du second théâtre municipal, il n'est pas contesté que l'intéressé n'a pas candidaté à ces postes. Dans ces conditions, aucune faute ne saurait être reprochée à la commune de Meudon, M. D... n'apportant aucun autre élément de nature à faire présumer une discrimination à cet égard.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur les frais de justice :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Meudon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. D... demande à ce titre. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... le versement de la somme que la commune de Meudon demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Meudon présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et à la commune de Meudon.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente,
M. Camenen, président-assesseur,
Mme Houllier, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.
La rapporteure,
S. HOULLIERLa présidente,
C. SIGNERIN-ICRELa greffière,
T. RENÉ-LOUIS-ARTHUR
La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 21VE01816