Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2021 par lequel le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2116053 du 23 septembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 octobre 2022, Mme B... A..., représentée par Me Kwemo, avocate, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler cet arrêté ;
4°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision juridictionnelle à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le même délai et sous la même astreinte et enfin, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Kwemo, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile portant sur la délivrance d'une carte de séjour temporaire ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente, faute de délégation de signature régulièrement publiée ;
- elle révèle l'absence d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme B... A... a été rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 10 janvier 2023.
Le préfet du Val-d'Oise a communiqué un mémoire enregistré le 8 mars 2024, se bornant à se référer à ses écritures de première instance, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Even a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante malienne, née le 13 avril 1993 à Bamako, qui est entrée en France le 28 août 2018 munie d'un visa délivré par les autorités espagnoles, valable du 22 août au 18 septembre 2018, a sollicité son admission au séjour en invoquant le bénéfice des dispositions énoncées par l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 30 novembre 2021. Par un arrêté du 13 décembre 2021, le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... A... fait appel du jugement du 23 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. La demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme B... A... le 4 novembre 2022 a été rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle intervenue au cours de la présente instance d'appel le 10 janvier 2023. Dans ces conditions, ses conclusions tendant à ce que la cour lui accorde provisoirement le bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.
Sur la légalité des décisions contestées :
En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions :
3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. Si Mme A... soutient que la motivation de l'arrêté dont elle demande l'annulation est constituée de formules stéréotypées et qu'il est totalement dépourvu de la mention des éléments de fait, le préfet indique avoir notamment fondé sa décision sur la durée et les conditions du séjour de Mme A... sur le territoire français, ainsi que les attaches familiales dont elle dispose dans son pays d'origine. Dans ces conditions et alors que l'exigence de motivation des actes administratifs n'implique pas qu'il soit fait mention de l'ensemble des circonstances relatives à la situation de l'intéressée, l'arrêté attaqué énonce suffisamment les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'une insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
6. Il ressort des pièces du dossier que la requérante est, depuis le 27 juillet 2018, l'épouse d'un compatriote titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle, en situation régulière sur le territoire français depuis plus de dix-huit mois. Elle entre par conséquent dans une catégorie qui ouvre droit au regroupement familial et ne peut donc utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
7. En second lieu, le préfet, qui a relevé à juste titre que Mme A... entrait dans une catégorie ouvrant droit au regroupement familial et n'était dès lors pas dépourvue de toute voie d'accès au séjour, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation concernant les conséquences sa décision sur la situation personnelle de Mme A....
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, par un arrêté n° 21-038 du 21 octobre 2021, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du même jour, le préfet du Val-d'Oise a donné à Mme C... D..., adjointe au directeur des migrations et de l'intégration, signataire de l'arrêté attaqué, délégation à effet de signer, notamment, les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision d'éloignement aurait été signée par une autorité incompétente doit être écarté.
9. En second lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet a, avant de prendre la décision contestée, procédé à un examen particulier de la situation de Mme A....
10. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. La circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé. Cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure.
12. L'arrêté litigieux indique que Mme A... n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents ainsi que sa fratrie et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans, et que rien ne s'oppose à ce qu'elle emmène avec elle son enfant en bas âge. Il ressort des pièces du dossier que la requérante est entrée en France le 28 août 2018 munie d'un visa délivré par les autorités espagnoles, valable du 22 août au 18 septembre 2018, peu après s'être mariée, le 27 juillet 2018, avec le père de son enfant, qui est un compatriote en situation régulière, titulaire, à la date de la décision contestée, d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " salarié " et travaillant comme chauffeur de poids lourds. L'intéressée n'ayant pas respecté la procédure de regroupement familial pour s'installer en France, la décision du 13 décembre 2021 par laquelle le préfet du Val-d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ne peut être regardée comme ayant porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en l'obligeant à quitter le territoire français.
13. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles fondées sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par Mme B... A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2024.
Le président-rapporteur,
B. EVEN
L'assesseure la plus ancienne,
B. AVENTINOLa greffière,
I. SZYMANSKI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22VE02433