La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/03/2024 | FRANCE | N°23VE00213

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 26 mars 2024, 23VE00213


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an, d'enjoindre au préfet, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une a

utorisation provisoire de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notificati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an, d'enjoindre au préfet, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2208392 du 28 décembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Bulajic, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 7 octobre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) d'enjoindre au préfet de prendre toute mesure de nature à mettre fin à son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français attaquée a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision de refus de délai de départ volontaire méconnaît les dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de motivation ;

- cette mesure est disproportionnée.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2023 le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête d'appel et fait valoir que les moyens invoqués par M. B... sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Troalen a été entendu au cours de l'audience publique.

Une note en délibéré présentée par Me Bulajic a été enregistrée le 13 mars 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né le 22 juillet 1993, relève appel du jugement du 28 décembre 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est marié le 26 juillet 2018, à Tunis, avec une ressortissante algérienne désormais titulaire d'un certificat de résidence valable du 15 octobre 2019 au 14 octobre 2029, et qu'à l'arrivée en France de M. B... en juillet 2018, les intéressés ont tout d'abord été hébergés au domicile de la mère de l'épouse jusqu'en mai 2019, puis dans un logement au nom de l'épouse. En outre, une enfant est née en France le 13 décembre 2019 de cette union, à l'éducation et à l'entretien de laquelle le requérant justifie participer, notamment en allant régulièrement la chercher à la crèche du mois de septembre 2020 au mois d'août 2022. Ainsi, eu égard à la durée de la présence en France de M. B..., et à l'intensité et à la durée de ses liens familiaux en France, en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet des Hauts-de-Seine a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les décisions refusant à l'intéressé un délai de départ volontaire et lui interdisant de retourner sur le territoire français sont, par voie de conséquence, également illégales.

4. M. B... est donc fondé à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Hauts-de-Seine réexamine la situation au regard du séjour de M. B... et fasse procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance exposés par M. B....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2208392 du 28 décembre 2022 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 7 octobre 2022 est annulé.

Article 3 : Le préfet des Hauts-de-Seine réexaminera la situation de M. B... et fera procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2014.

La rapporteure,

E. TROALENLa présidente,

F. VERSOLLa greffière,

S. LOUISERE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 23VE00213 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00213
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : BULAJIC

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;23ve00213 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award