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26/03/2024 | FRANCE | N°22VE00242

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 26 mars 2024, 22VE00242


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par deux demandes séparées, la société Espace Contrôle IV et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler les deux arrêtés du 3 janvier 2020 par lesquels le préfet des Yvelines a suspendu à titre conservatoire l'agrément n° S078T225 du centre de contrôle technique et l'agrément n° 078T0595 de contrôleur technique de M. B....



Par un jugement n°s 2001653 et 2001655 du 6 décembre 2021, le tribunal administratif de Versa

illes a joint ces deux demandes et les a rejetées.



Procédure devant la cour :



Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes séparées, la société Espace Contrôle IV et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler les deux arrêtés du 3 janvier 2020 par lesquels le préfet des Yvelines a suspendu à titre conservatoire l'agrément n° S078T225 du centre de contrôle technique et l'agrément n° 078T0595 de contrôleur technique de M. B....

Par un jugement n°s 2001653 et 2001655 du 6 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a joint ces deux demandes et les a rejetées.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2022, la société Espace Contrôle IV et M. C... B..., représentés par Me Marger, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 4 000 euros à verser à parts égales à la SAS Espace Contrôle IV et à M. C... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les arrêtés litigieux ont été pris en méconnaissance des droits de la défense ;

- ils méconnaissent l'article R. 323-14 du code de la route, dès lors qu'il n'y avait pas d'urgence à prendre ces mesures de suspension ;

- le titulaire de l'agrément des installations ne peut pas être régulièrement sanctionné pour des faits commis par un contrôleur technique ;

- les faits reprochés ne sont pas établis ;

- les mesures prises sont disproportionnées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Espace Contrôle IV et M. B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 10 octobre 2023 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire pour la société Espace Contrôle IV et M. C... B... a été enregistré le 26 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la route ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B... est le gérant du centre de contrôle technique automobile exploité par la SAS Espace Contrôle IV, qui a été agréé le 21 mai 2018, situé à Coignières (78310). Il exerce dans cet établissement les fonctions de contrôleur technique de véhicules légers en vertu d'un agrément qu'il a obtenu le 4 juillet 2002. M. B... est également le gérant d'autres centres de contrôle technique, dont l'un sous la dénomination commerciale " SAS Espace Contrôle III " situé à Elancourt (78990), également agréé. Le 17 octobre 2019, les services de l'unité départementale des Hauts-de-Seine de la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie d'Ile-de-France ont effectué une visite de surveillance des installations de la SAS Espace Contrôle IV au cours de laquelle ils ont constaté plusieurs manquements à la réglementation relative aux contrôles techniques des véhicules. Par deux arrêtés en date du 3 janvier 2020, le préfet des Yvelines a suspendu à titre conservatoire l'agrément n° S078T225 du centre de contrôle technique exploité par la société Espace Contrôle IV, ainsi que l'agrément n° 078T0595 de contrôleur technique de M. B.... Par un jugement n°s 2001653 et 2001655 du 6 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a joint les demandes de la société Espace Contrôle IV et de M. B... tendant à l'annulation de chacun de ces arrêtés et les a rejetées. La société Espace Contrôle IV et M. B... relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Aux termes de l'article R. 323-14 du code de la route : " (...) IV. - L'agrément des installations de contrôle peut être suspendu ou retiré pour tout ou partie des catégories de contrôles techniques qu'il concerne si les conditions de bon fonctionnement des installations ou si les prescriptions qui leur sont imposées par la présente section ne sont plus respectées, et après que la personne bénéficiaire de l'agrément et le représentant du réseau de contrôle auquel les installations sont éventuellement rattachées ont pu être entendus et mis à même de présenter des observations écrites ou orales. / En cas d'urgence, l'agrément des installations de contrôle peut être suspendu immédiatement pour une durée maximale de deux mois. ". L'article R. 323-18 de ce même code dispose : " IV. - L'agrément d'un contrôleur peut être suspendu ou retiré pour tout ou partie des catégories de contrôles techniques qu'il concerne si les conditions posées lors de sa délivrance ne sont plus respectées ou s'il est constaté un manquement aux règles fixant l'exercice de l'activité du contrôleur. / La décision de suspension ou de retrait n'intervient qu'après que la personne intéressée a été entendue et mise à même de présenter des observations écrites ou orales. / En cas d'urgence, l'agrément d'un contrôleur peut être suspendu immédiatement pour une durée maximale de deux mois. ".

3. En l'espèce, les arrêtés litigieux, pris sur le fondement des derniers alinéas du IV des articles R. 323-14 et R. 323-18 du code de la route, constituent des mesures conservatoires prises dans l'urgence et ayant pour but de préserver la sécurité routière pendant le temps d'instruction des sanctions. Ces mesures conservatoires ne constituant pas des sanctions, elles n'ont pas à être précédées d'une procédure contradictoire et peuvent être prises sans que leurs destinataires aient été mis à même de présenter leurs observations. Le moyen tiré de la violation des droits de la défense doit en conséquence être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

4. En premier lieu, les arrêtés litigieux ont suffisamment caractérisé la situation d'urgence en relevant, d'une part, que les faits constatés constituent de graves manquements à la réglementation du contrôle technique des véhicules, et d'autre part, qu'un contrôle technique effectué par une personne dépourvue d'agrément et utilisant des codes de manière frauduleuse pourrait avoir des conséquences majeures en termes de sécurité routière, ce qui justifie une mesure de suspension immédiate. Le moyen tiré de l'absence de qualification de l'urgence par les arrêtés litigieux doit être écarté.

5. En deuxième lieu, des manquements graves relevés à l'encontre de contrôleurs révèlent par eux-mêmes des défaillances du réseau à organiser et à mettre en œuvre le contrôle technique dans des conditions conformes à la réglementation applicable et sont, dès lors, de nature à affecter le bon fonctionnement de l'installation. Par suite, le préfet peut légalement se fonder sur de tels manquements pour suspendre provisoirement l'agrément d'une installation de contrôle, alors même que, en application du IV de l'article R. 323-18 du même code, ces manquements peuvent également justifier la suspension de l'agrément du contrôleur qui en est personnellement responsable. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les inspecteurs ont constaté que M. D..., employé de la SAS Espace Contrôle IV dépourvu d'agrément, effectuait des contrôles techniques en utilisant les codes du gérant de cet établissement, à la demande de ce dernier. Par ailleurs, les arrêtés litigieux indiquent, sans ce que cela soit contredit par les requérants, que vu la configuration des locaux, M. B... ne pouvait ignorer l'activité de M. D... vers 9 heures, le jour de l'inspection. Ainsi, le centre de contrôle technique a failli à son obligation d'assurer la sécurisation des mots de passe afférents à chaque contrôleur, permettant de s'assurer qu'eux seuls puissent effectuer des contrôles techniques. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le titulaire de l'agrément des installations a été irrégulièrement sanctionné pour des faits commis par un contrôleur technique.

6. En troisième lieu, les manquements ont été constatés lors d'une inspection effectuée le 17 octobre 2019 par les services de l'unité départementale des Hauts-de-Seine de la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie d'Ile-de-France. Le moyen tiré de l'erreur de fait doit en conséquence être écarté.

7. En quatrième lieu, les exigences liées à la sécurité routière, qui relèvent d'un intérêt général qu'il convient de protéger, imposent que les contrôles techniques soient effectués par des centres agréés respectant les normes techniques en vigueur et les moyens de contrôle définis par le code de la route et ses textes d'application. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, au cours d'une visite de surveillance des installations de la SAS Espace Contrôle IV effectuée le 17 octobre 2019, les services de l'unité départementale des Hauts-de-Seine de la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie d'Ile-de-France ont constaté que M. A... D... procédait au contrôle technique d'un véhicule en utilisant les codes de contrôleur technique de M. C... B..., gérant du centre. Interrogé, M. D... a déclaré ne pas avoir d'agrément de contrôleur technique à son nom, avoir procédé, avec les codes de M. B..., aux contrôles techniques de deux autres véhicules et que l'exécution de ces tâches avait été faite à la demande expresse de ce dernier. En outre, après vérification de la base de données de l'office technique central, il a été constaté qu'en janvier 2019, les codes de M. B... avaient été utilisés par deux personnes différentes simultanément dans deux centres différents, situés à Coignières et Elancourt. Sont sans incidence les circonstances, invoquées par les requérants, selon lesquelles M. B... aurait été contraint d'accompagner sa femme chez le médecin, et que les véhicules contrôlés par M. D... auraient fait l'objet d'un second contrôle, postérieurement à la visite du 17 octobre 2019. Les requérants ne peuvent non plus invoquer le caractère isolé des manquements qui leur sont reprochés, alors que M. D... a reconnu avoir contrôlé trois véhicules irrégulièrement. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les manquements constatés, soit la réalisation de contrôles techniques de véhicules par des personnes non agréées, ont une incidence certaine sur la sécurité des propriétaires de ces véhicules et le simple fait qu'il s'est écoulé plus de deux mois et demi entre cette visite et le prononcé des arrêtés litigieux n'est pas de nature à remettre en cause l'urgence de la situation. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation et de l'absence d'urgence justifiant la mesure de suspension doit être écarté.

8. En cinquième lieu, eu égard à la gravité des manquements aux règles en vigueur commis par les requérants et établis par l'administration, la poursuite de leurs activités est susceptible de porter une atteinte grave et immédiate aux exigences de la sécurité routière. Les mesures conservatoires prises, qui sont limitées à deux mois de suspension, ne présentent pas un caractère disproportionné nonobstant leurs conséquences financières.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Espace Contrôle IV et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Espace Contrôle IV et de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Espace Contrôle IV, à M. C... B..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au préfet des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président de chambre,

M. Ablard, premier conseiller,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

La rapporteure,

C. PHAM Le président,

S. BROTONS

La greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

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N° 22VE00242


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00242
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Étendue des pouvoirs de police.

Professions - charges et offices - Discipline professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : SCP MARGER

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;22ve00242 ?
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