Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI 14 boulevard de la Paix et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Saint-Germain-en-Laye à verser à la SCI 14 boulevard de la Paix la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la présence d'une halle de tennis implantée à proximité immédiate de sa maison d'habitation, de condamner la commune de Saint-Germain-en-Laye à verser à Mme A... la somme de 35 400 euros au titre du trouble de jouissance lié à la présence de cette halle de tennis et de mettre à la charge de la commune de Saint-Germain-en-Laye le versement de la somme de 2 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2000789 du 4 février 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, un mémoire complémentaire et des pièces enregistrés le 1er avril 2022, le 3 octobre 2022 et le 20 octobre 2023, la SCI 14 boulevard de la Paix et Mme A..., représentées par Me Mayet, avocat, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la commune de Saint-Germain-en-Laye à verser à la SCI 14 boulevard de la Paix la somme de 208 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'implantation d'une halle de tennis à proximité immédiate de leur bien ;
3°) de condamner la commune de Saint-Germain-en-Laye à verser à Mme A... la somme de 54 000 euros arrêtée au 1er avril 2022 en réparation de son trouble de jouissance lié à la présence de cette halle de tennis à proximité de leur bien ;
4°) ou à titre subsidiaire, de prescrire avant dire droit une expertise évaluant la perte de la valeur vénale du bien situé 14 boulevard de la Paix, ainsi que le trouble de jouissance liés à l'implantation et au fonctionnement de cette halle de tennis ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Germain-en-Laye la somme de 3 000 euros à verser à la SCI 14 boulevard de la Paix et la même somme à Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la responsabilité pour faute de la commune est engagée dès lors que le permis de construire de la halle de tennis a été partiellement annulé par le tribunal administratif de Versailles, sans que la commune ait modifié le bâtiment en conséquence ;
- la responsabilité sans faute de la commune est engagée eu égard aux nuisances visuelles et sonores de cette halle de tennis, qui engendrent un préjudice anormal et spécial ;
- la présence et les caractéristiques de cette halle de tennis entraîne une diminution de la valeur vénale du bien immobilier appartenant à la SCI du 14 boulevard de la Paix à hauteur de 208 000 euros ;
- Mme A... subit, en raison de ces nuisances sonores et visuelles, des troubles de jouissance qui peuvent être évalués au 1er avril 2022 à la somme de 54 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 mars 2023, la commune de Saint-Germain-en-Laye, représentée par la SELARL Coudray, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge solidaire de la SCI 14 boulevard de la Paix et de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune soutient que les conclusions nouvelles en appel sont irrecevables et que les moyens des requérantes ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 20 octobre 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aventino,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Feignez pour les requérantes et de Me Lapprand pour la commune de Saint-Germain-en-Laye.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI du 14 boulevard de la Paix est propriétaire d'un terrain comprenant une maison d'habitation située 14 boulevard de la Paix à Saint-Germain-en-Laye. Mme A... est associée de cette SCI et occupante de la maison d'habitation. Sur le terrain mitoyen situé à l'ouest de la propriété de la SCI du 14 boulevard de la Paix, sont installés un mini-tennis et cinq courts de tennis, qui font partie d'un ensemble comprenant également deux gymnases et un groupe scolaire. Le maire de Saint-Germain-en-Laye a, les 26 janvier 2015, 26 octobre 2016 et 12 juillet 2019, délivré à la commune un permis de construire, puis deux permis de construire modificatifs pour la construction d'une halle légère et démontable sur les deux courts de tennis les plus proches du bien de la SCI et de Mme A.... La SCI du 14 Boulevard de la Paix et Mme A... ont adressé à la commune de Saint-Germain-en-Laye une demande tendant à l'indemnisation des préjudices résultant selon elles de la présence de cette halle le 19 novembre 2019. Le tribunal administratif de Versailles a, par un jugement du 4 février 2022, rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Germain-en-Laye à leur verser, respectivement, les sommes de 100 000 et 35 400 euros en réparation des préjudices financier et de jouissance qu'elles estiment avoir subis. La SCI du 14 boulevard de la Paix et Mme A... font appel de ce jugement et portent à 208 000 et 54 000 euros les sommes qu'elles demandent au titre de leurs préjudices.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la commune :
2. Il résulte de l'instruction que, sur demande de Mme A..., le tribunal administratif de Versailles a, par un jugement n°1501245, 1700667 du 15 mars 2019, annulé partiellement l'arrêté de permis de construire du 26 janvier 2015 en tant qu'il autorisait la mise en œuvre d'un matériau d'aspect plastique pour la réalisation de la toiture de la construction. Il est constant que cette construction a été régularisée par un permis de construire modificatif accordé le 12 juillet 2019 sur le fondement du plan local d'urbanisme modifié qui n'interdit plus les revêtements de toiture d'aspect plastique. Il suit de là que l'illégalité fautive invoquée a cessé à compter du 12 juillet 2019.
3. Les tiers à un permis de construire illégal peuvent rechercher la responsabilité de la personne publique au nom de laquelle a été délivré le permis, si le projet de construction est réalisé. Ils ont droit, sous réserve du cas dans lequel le permis a été régularisé, à obtenir réparation de tous les préjudices qui trouvent directement leur cause dans les illégalités entachant la décision.
4. En se bornant à faire état de ce qu'un mur en matière plastique a été implanté illégalement, la SCI du 14 boulevard de la Paix et Mme A... n'établissent pas en quoi l'illégalité initiale liée à la présence de ce revêtement sur la toiture serait à l'origine du trouble de jouissance visuel et sonore allégué. Elles n'apportent donc pas la preuve qui leur incombe d'un lien de causalité direct et certain entre l'illégalité de la toiture de la halle sur la période précitée et les préjudices invoqués liés à la perte de valeur vénale et au trouble de jouissance. Elles ne sont donc pas fondées à demander la condamnation de la commune de Saint-Germain-en-Laye au titre de la responsabilité pour faute.
5. En outre, la perte de valeur vénale du bien alléguée par les demanderesses, compte tenu de la régularisation intervenue le 12 juillet 2019, ne constitue pas, à la date à laquelle la cour statue, un préjudice actuel susceptible d'être indemnisé dès lors que le bien n'a pas été vendu entre la période du 26 janvier 2015 et du 12 juillet 2019.
En ce qui concerne la responsabilité sans faute de la commune :
6. Le maître d'ouvrage est responsable même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Pour retenir la responsabilité sans faute du propriétaire d'un ouvrage public à l'égard des tiers par rapport à cet ouvrage, le juge administratif apprécie si le préjudice allégué revêt un caractère anormal. Il lui revient d'apprécier si les troubles permanents qu'entraîne la présence de l'ouvrage public sont supérieurs à ceux qui affectent tout résident d'une habitation située dans une zone urbanisée, et qui se trouve normalement exposé au risque de voir des constructions édifiées sur les parcelles voisines.
7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le terrain d'assiette du bien immobilier des requérantes est situé dans une zone urbanisée de la commune de Saint-Germain-en-Laye. Il jouxte, sur sa limite ouest, un terrain appartenant à la commune de Saint-Germain-en-Laye, sur lequel a été édifié la halle litigieuse couvrant les deux terrains de tennis les plus proches et qui comportait déjà cinq terrains de tennis. Si la SCI 14 boulevard de la Paix et Mme A... font état de la perte de la valeur vénale de leur bien, de la présence à proximité de la maison d'habitation d'un mur visuel de dix mètres de haut d'aspect plastique, d'une perte d'ensoleillement et du fait que la construction obstruerait la vue sur le coucher de soleil, il ne résulte pas de l'instruction que de tels inconvénients excéderaient les sujétions normales inhérentes au voisinage d'un ouvrage public en zone urbanisée.
8. En second, lieu, les requérantes produisent en appel, au titre des nuisances sonores auxquelles Mme A... serait exposée, un diagnostic acoustique établi par un ingénieur-conseil en acoustique agrée le 19 octobre 2023. Toutefois ni ce diagnostic établi sur la base d'échantillon audio transmis par l'intéressée, sans que son auteur ait procédé à des mesures sur site, ni les autres éléments produits ne permettent d'établir, d'une part, que ces nuisances auraient été aggravées par la construction de la halle destinée à couvrir deux des cinq terrains de tennis ouverts préexistants et, d'autre part, que les nuisances sonores invoquées excéderaient ce que les propriétaires d'immeubles proches d'un ouvrage public doivent supporter sans indemnité.
9. Faute pour les préjudices invoqués d'excéder les sujétions que les riverains d'équipements sportifs doivent normalement supporter et d'occasionner ainsi pour les requérantes un préjudice grave et spécial, la responsabilité sans faute de la commune de Saint-Germain-en-Laye ne peut être retenue.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-Germain-en-Laye, que la SCI du 14 boulevard de la Paix et Mme A... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leurs conclusions à fin d'indemnisation.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Germain-en-Laye, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme sollicitée par la SCI du 14 boulevard de la Paix et Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Et il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI du 14 boulevard de la Paix et de Mme A... le versement de la somme demandée par la commune de Saint-Germain-en-Laye sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI du 14 boulevard de la Paix et de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Germain-en-Laye sur le fondement de l'article L. 731-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du 14 boulevard de la Paix, à Mme B... A... et à la commune de Saint-Germain-en-Laye.
Délibéré après l'audience du 29 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.
La rapporteure,
B. AVENTINOLe président,
B. EVEN
La greffière,
I. SZYMANSKI
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 22VE00764