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12/03/2024 | FRANCE | N°22VE01510

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 12 mars 2024, 22VE01510


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 12 février 2020 par lequel le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".



Par un jugement n° 2007024 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 23 juin 2022

et un mémoire enregistré le 31 janvier 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, Mme B... E..., représentée par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 12 février 2020 par lequel le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 2007024 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juin 2022 et un mémoire enregistré le 31 janvier 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, Mme B... E..., représentée par Me Dujoncquoy, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'incompétence négative ;

- elle est fondée sur un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui est irrégulier, dès lors qu'aucun des médecins de ce collège ne l'a examinée, ni vérifié son identité ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa vie privée et familiale et porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 2 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le 10ème alinéa du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958, l'article L. 512-2 du code de justice administrative, l'article 9 du code civil et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle avait droit, à la date de sa demande, à un titre de résident en qualité d'ascendant de français à charge.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2024, le préfet du Val d'Oise conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de New-York relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Pham a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... E..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo) née en 1950, indique être entrée en France le 5 juin 2016. Le 2 août 2019, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité d'étrangère malade. Par arrêté du 12 février 2020, le préfet du Val-d'Oise a refusé ce renouvellement. Mme B... E... relève régulièrement appel du jugement n° 2007024 du 24 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". L'article R. 313-23 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. (...). Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...). Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. (...). ".

3. Il résulte de ces dispositions que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) se prononce au vu d'un rapport établi par un médecin de cet office à partir d'un certificat médical du médecin qui suit habituellement le demandeur. Si le médecin de l'office peut éventuellement convoquer le demandeur, il n'en a aucunement l'obligation et ce n'est qu'à l'occasion d'une telle convocation que le demandeur doit présenter des documents justifiant de son identité. Par suite, Mme B... E... n'est pas fondée à soutenir que l'avis du 10 janvier 2021 rendu sur son état de santé par le collège des médecins de l'OFII serait irrégulier du seul fait qu'aucun des médecins de ce collège ne l'aurait examinée, ni vérifié son identité.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué, qui indique que les pièces versées au dossier par l'intéressée ne permettent pas de remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII et qui examine la situation de Mme B... E... au regard des articles L. 314-11-2 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet se serait cru à tort lié par l'avis de ce collège ou qu'il n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...). ".

6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII allant dans le sens de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de destination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

7. En l'espèce, l'arrêté attaqué a été pris au visa de l'avis du 10 janvier 2020, par lequel le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme B... E... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. Cet avis est confirmé par le certificat médical du Dr C... D... du 10 octobre 2019 indiquant que l'intéressée n'est plus sous traitement depuis 2018 et les certificats du Dr F... du 23 juin 2022 et du 25 janvier 2014 indiquant qu'elle est surveillée tous les six mois avec un bilan biologique, une imagerie et une consultation spécialisée, ces deux certificats étant produits par la requérante. Si celle-ci soutient que le système de soins dans son pays d'origine ne permet pas d'assurer un tel suivi, elle n'établit pas la réalité de cette allégation en produisant le certificat médical du Dr F... qui est laconique sur ce point, et des articles de presse revêtant un caractère général alors qu'en outre elle ne fait état d'aucune circonstance l'empêchant de revenir régulièrement en France pour assurer ce suivi. Elle ne peut se prévaloir qu'un traitement au Sofosbuvir est trop coûteux dans son pays d'origine, alors qu'elle ne suit pas un tel traitement, ni que le système de soins en République démocratique du Congo est dans l'incapacité de traiter les cas de Covid 19, alors qu'elle n'est pas atteinte de cette maladie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. En quatrième lieu, Mme B... E... soutient que l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa vie privée et familiale et porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée familiale tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le 10ème alinéa du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958, l'article L. 512-2 du code de justice administrative, l'article 9 du code civil et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle soutient avoir établi le centre de ses intérêts privés et familiaux en France où résident son unique fille et son gendre, qui sont titulaires d'une carte de séjour pluriannuelle et qui la prennent en charge matériellement, ainsi que ses quatre petits-enfants, nés sur le territoire français. Elle fait également valoir qu'elle est impliquée dans la vie de sa paroisse et que certains de ses neveux et nièces sont ressortissants français. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la requérante, qui est célibataire, n'est pas dénuée d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 66 ans et où réside encore une partie de sa fratrie. Elle ne démontre pas que sa présence auprès de sa fille serait indispensable, et n'invoque aucune circonstance qui l'empêcherait de rendre visite à sa fille ou sa fille de lui rendre visite. Par suite, le préfet du Val-d'Oise n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Pour les mêmes motifs, ces décisions ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation. Ces moyens doivent donc être écartés.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant est âgé de dix-huit à vingt et un ans ou dans les conditions prévues à l'article L. 311-3 ou s'il est à la charge de ses parents ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois (...). ". Mme B... E... ne peut invoquer la méconnaissance de ces dispositions alors qu'il est constant qu'elle n'est pas titulaire d'un visa d'une durée supérieure à trois mois.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions de Mme B... E... tendant au paiement des dépens :

11. Mme B... E... ne justifiant pas avoir, au cours de l'instance, exposé de dépens, au sens et pour l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions qu'elle présente à ce titre doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... E..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

M. Ablard, premier conseiller,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024.

La rapporteure,

C. PHAM Le président,

S. BROTONS

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE01510 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01510
Date de la décision : 12/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : DUJONCQUOY

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-12;22ve01510 ?
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