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12/03/2024 | FRANCE | N°21VE02591

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 12 mars 2024, 21VE02591


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la délibération du 19 février 2020 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé à l'encontre de la délibération du 13 novembre 2019 de la commission locale d'agrément et de contrôle Ouest lui retirant sa carte professionnelle d'agent de sécurité.

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Par un jugement n° 2001100 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cett...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la délibération du 19 février 2020 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé à l'encontre de la délibération du 13 novembre 2019 de la commission locale d'agrément et de contrôle Ouest lui retirant sa carte professionnelle d'agent de sécurité.

Par un jugement n° 2001100 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 septembre 2021 à la cour administrative d'appel de Nantes et renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles, le Conseil national des activités privées de sécurité, représenté par Me Claisse, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif d'Orléans ;

3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en la forme en l'absence de signature ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en ce qu'ils ont fondé leur jugement sur les articles L. 612-6 et L. 612-7 du code de la sécurité intérieure ;

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en ce qu'ils ont considéré que les faits reprochés n'apparaissaient pas de nature à justifier le retrait de la carte professionnelle de M. D....

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 septembre 2021 et le 27 octobre 2023, M. C... D..., représenté par Me Tayoro puis par Me Le Borgne, avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le CNAPS ne sont pas fondés.

Par ordonnance du président de la chambre du 7 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 28 novembre 2023 à 12h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham,

- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,

- les observations de Me Lacoeuilhe pour le Conseil national des activités privées de sécurité et celles de M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 20 juillet 2016, la commission locale d'agrément et de contrôle Ouest a délivré à M. C... D... une carte professionnelle d'agent de sécurité privée, d'une durée de validité de cinq ans. Par délibération du 13 novembre 2019, cette même commission a procédé au retrait de cette carte professionnelle. Par une délibération du 19 février 2020, la commission nationale d'agrément et de contrôle du CNAPS a rejeté le recours administratif préalable obligatoire de M. D... dirigé à l'encontre de la délibération du 13 novembre 2019. Sur demande de ce dernier et par le jugement n° 2001100 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la délibération du 19 février 2020. Le CNAPS relève régulièrement appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu'elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent : 1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ; (...) ". L'article L. 612-20 de ce même code dispose : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : / (...) 1° S'il a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions ; / 2° S'il résulte de l'enquête administrative (...) que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées. (...) / La carte professionnelle peut être retirée lorsque son titulaire cesse de remplir l'une des conditions prévues aux 1°, 2° et 3°. (...) ". Il résulte des dispositions précitées qu'une personne ne peut être employée pour l'exercice d'une activité privée de sécurité si, en particulier, elle a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou criminelle inscrite au bulletin n° 2 de son casier judiciaire ou s'il résulte de l'enquête administrative diligentée pour instruire sa demande de délivrance de la carte professionnelle qu'elle a eu un comportement contraire à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, de la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et incompatible avec l'exercice d'une activité privée de sécurité. Il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, à l'issue d'une enquête administrative, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les actes commis par le demandeur sont compatibles avec l'exercice de la profession ou sont susceptibles de justifier le retrait de sa carte professionnelle.

3. La délibération du 19 février 2020 est motivée par la circonstance que M. D... a été mis en cause, le 18 janvier 2016, en qualité d'auteur des faits de violences sans incapacité sur son épouse, et le 22 juillet 2016, en qualité d'auteur des faits de violence aggravée par deux circonstances suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, l'intéressé ayant battu à plusieurs reprises son épouse à mains nues et avec une ceinture. Il a été condamné pour ces derniers faits à dix mois d'emprisonnement avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve d'une durée de deux ans par un jugement du tribunal correctionnel du Mans du 5 septembre 2016.

4. Si M. D... fait valoir qu'il a été suivi psychiatriquement de septembre 2016 à mai 2019, le certificat qu'il produit sur ce point est un simple certificat de présence, qui ne permet pas d'établir qu'il aurait pris conscience de la gravité de ses actes. De même, il produit des bulletins de paie permettant d'établir qu'il travaille continûment depuis 2016 en qualité d'agent de sécurité au sein de la société Carrefour, mais aucune attestation de son employeur permettant d'apprécier réellement son comportement. Si, par ordonnance n° 24/2020 du 8 avril 2020, le président de la chambre d'instruction de la cour d'appel d'Angers a interdit toute consultation de ses données à caractère personnel dans le cadre des enquêtes administratives prévues au code de la sécurité intérieure au regard du rapport de son suivi probatoire, qui est qualifié d'extrêmement positif, ce fait est postérieur à la décision attaquée. Quelle que soit la qualité de son suivi probatoire, M. D... a commis, à six mois d'intervalle, des actes de violence aggravée envers sa conjointe, qui révèlent un comportement contraire à l'honneur et à la probité, ainsi qu'une incapacité à garder son sang-froid dans des situations conflictuelles. De tels agissements sont incompatibles avec l'exercice de l'activité d'agent de sécurité et de nature à motiver un retrait de carte professionnelle.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le CNAPS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé sa délibération du 19 février 2020 pour erreur d'appréciation. Il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés par M. D... devant le tribunal administratif et devant la cour.

Sur les autres moyens :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 632-10 du code de la sécurité intérieure : " La Commission nationale d'agrément et de contrôle, présidée par son doyen d'âge, élit son président à la majorité absolue des voix de ses membres et à bulletins secrets parmi les membres de la commission désignés aux 1° et 2° de l'article R. 632-9. Si la majorité absolue n'est pas obtenue au premier tour, il est procédé à un second tour. Seuls peuvent s'y présenter les deux candidats du premier tour ayant obtenu le plus grand nombre de voix. (...) ". En l'espèce, lors de sa séance du 15 mars 2018, la Commission nationale d'agrément et de contrôle a élu M. B... A... en qualité de président. Le moyen tiré de l'incompétence doit en conséquence être écarté.

7. En deuxième lieu, la décision attaquée, qui vise les articles L. 612-20 et R. 632-9 à 632-12 du code de la sécurité intérieure, cite les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit en conséquence être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le CNAPS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la délibération en litige. Il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande présentée par M. D... ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions qu'il a présentées devant la cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu de mettre à la charge de M. D... une somme de 1 000 euros à verser au Conseil national des activités privées de sécurité sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2001100 du 8 juillet 2021 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif d'Orléans ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : M. D... versera au Conseil national des activités privées de sécurité la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Conseil national des activités privées de sécurité et à M. C... D....

Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

M. Ablard, premier conseiller,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024.

La rapporteure,

C. PHAM Le président,

S. BROTONS

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 21VE02591 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02591
Date de la décision : 12/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05 Police. - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : SELARL CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-12;21ve02591 ?
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