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07/03/2024 | FRANCE | N°20VE02106

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 07 mars 2024, 20VE02106


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une requête enregistrée sous le n° 1600395, la SA Axa France Iard a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, de reconnaître qu'elle ne saurait être tenue au versement d'une somme à la commune de Galluis en application du contrat d'assurance souscrit par cette dernière, à titre subsidiaire, de condamner M. D... et la SAS Eiffage Energie Centre Loire, venant aux droits de la SAS Forclum, à lui rembourser les sommes versées à la commune de Gall

uis à titre de provision et de les condamner solidairement à la garantir des sommes qu'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 1600395, la SA Axa France Iard a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, de reconnaître qu'elle ne saurait être tenue au versement d'une somme à la commune de Galluis en application du contrat d'assurance souscrit par cette dernière, à titre subsidiaire, de condamner M. D... et la SAS Eiffage Energie Centre Loire, venant aux droits de la SAS Forclum, à lui rembourser les sommes versées à la commune de Galluis à titre de provision et de les condamner solidairement à la garantir des sommes qu'elle pourrait être amenée à régler amiablement et des condamnations prononcées à son encontre au profit de la commune de Galluis, avec capitalisation des intérêts au 5 mai 2019 et à chaque échéance annuelle.

Par une requête enregistrée sous le n° 1901239, la commune de Galluis a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la SA Axa France Iard à lui verser la somme de 341 983,26 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au double du taux légal à compter du 25 octobre 2013, au titre des travaux de reprise des désordres affectant le groupe scolaire, ainsi que la somme de 6 384 euros toutes taxes comprises au titre des frais d'investigation, et à titre subsidiaire de condamner M. D... et la SAS Eiffage Energie Centre Loire à lui payer les mêmes sommes et de déclarer la SARL AICP Ingénierie solidairement responsable avec M. D... et la SAS Eiffage Energie Centre Loire.

Après jonction des requêtes, le tribunal administratif de Versailles, par un jugement n° 1600395-1901239 du 30 mars 2020, a condamné la SA Axa France Iard à verser à la commune de Galluis la somme de 305 559,52 euros toutes taxes comprises, dont 299 175,52 euros toutes taxes comprises assortis des intérêts au double du taux légal à compter de la date de réception par la SA Axa France Iard de la lettre du 19 mai 2015 par laquelle la commune de Galluis lui a demandé le paiement des sommes en litige.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 août 2020, 10 novembre 2021 et 9 décembre 2021, la SA Axa France Iard, représentée par Me Gache-Genet, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de la commune de Galluis ;

3°) à titre subsidiaire de ne pas assortir la condamnation au titre des travaux réparatoires des intérêts au taux légal, et de limiter les sommes mises à sa charge, à la somme de 49 231,90 euros toutes taxes comprises au titre de la reprise des seuls désordres déclarés affectant l'isolation et à la somme de 15 450 euros toutes taxes comprises au titre de la reprise de la ventilation mécanique contrôlée et de rejeter les autres demandes ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Galluis la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SA Axa France Iard soutient que :

- la requête n'est pas tardive en raison des délais supplémentaires prévus pendant la crise sanitaire ;

- elle ne pouvait faire l'objet de condamnation dès lors que les articles 5.4 et 5.5 des conditions générales de la garantie " dommages ouvrage " n'étaient pas applicables et que l'on ne se situait pas dans le cas d'une garantie obligatoire et que la commune n'a pas déclaré un sinistre entrant dans le champ de la garantie obligatoire ;

- à supposer que la garantie obligatoire s'applique pour les dommages mentionnés, elle n'était tenue d'indemniser que les désordres matériels et pas les non-conformités ; or le jugement a retenu des désordres qui n'ont pas fait l'objet de déclaration de sinistre, et la matérialité des désordres déclarés n'a pas été constatée dans tous les cas ;

- s'agissant de l'isolation des parois, il a été retenu que les deux couches d'isolant n'ont pas été posées conformément au cahier des clauses techniques particulières (CCTP), que l'isolation entre les vélux n'avait pas été faite avec soin et que certaines parties n'étaient pas isolées correctement ou encore que l'isolation avait été arrachée pour le passage des gaines techniques ; or, au vu du rapport d'expertise et des constats faits par la société Jyvama, des défauts d'isolation sont ponctuels et localisés ce qui exclut une reprise complète de l'isolation ; ainsi, les désordres relatifs aux défauts d'isolation ne peuvent excéder la somme de 49 231,90 euros toutes taxes comprises ;

- les anomalies relevées sur le chauffage n'ont pour conséquences qu'une seule température inférieure à 19° dans la salle de motricité, consécutive à l'absence d'isolation sur le mur extérieur ; le bruit occasionné par la VMC ne concerne que le local technique motricité alors que les autres dysfonctionnements liés à la ventilation n'ont pas été déclarés et ne peuvent être indemnisés ;

- le doublement des intérêts légaux ne pouvait être appliqué dès lors que la commune n'a pas notifié à Axa son intention de réaliser les travaux.

Par des mémoires enregistrés les 11 octobre 2021 et 25 janvier 2022, M. E... D..., architecte, représenté par Me Puybaret, avocate, conclut :

1°) à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Versailles le mettant hors de cause ;

2°) au rejet de la requête d'Axa France Iard, de la commune de Galluis et de toute demande à son encontre ;

3°) de fixer à titre subsidiaire sa part de responsabilité au regard du rapport d'expertise ;

4°) de mettre à la charge de la SA Axa France Iard la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- il n'est pas mis en cause dans le cadre de cet appel ;

- la commune de Galluis n'a pas saisi avant l'introduction de sa requête en première instance le conseil régional des architectes d'Ile-de-France, et est ainsi irrecevable ;

- Axa France Iard n'a aucune relation contractuelle avec lui.

Par deux mémoires, enregistrés les 14 octobre et 26 novembre 2021, la société Eiffage Energie Centre Loire, représentée par Me Veauvy, avocat, conclut au caractère irrecevable et mal fondé de la requête de la société Axa France Iard et demande à la cour de mettre à sa charge une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête de la société Axa France Iard est tardive ;

- l'expert judiciaire n'a pas constaté que les désordres étaient de nature à porter atteinte à la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination ;

- l'expert judiciaire n'a pas relevé que les travaux effectués ne seraient pas conformes au CCTP, concernant le chauffage ; pour la ventilation, ce désordre était apparent à la réception de sorte que la garantie décennale ne peut être recherchée.

Par un mémoire enregistré le 5 novembre 2021, la commune de Galluis, représentée par Me Malnoy, avocat, conclut :

1°) au rejet de la requête de la société Axa France Iard et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à sa charge en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre subsidiaire, à la condamnation solidaire de M. D... et de la société Eiffage Energie Centre Loire à lui payer une somme de 341 983,26 euros toutes taxes comprises au titre des réparations et une autre de 6 384 euros toutes taxes comprises au titre des frais d'investigation et de déclarer la société AICP, M. D... et la société Eiffage Energie Centre Loire solidairement responsables des désordres invoqués ;

3°) à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. D... et de la société Eiffage Energie Centre Loire sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'absence de respect du délai de 60 jours par l'assureur pour lui notifier sa décision a pour effet que ce dernier doit payer les dépenses nécessaires à la réparation après notification au maitre de l'ouvrage de son intention d'engager les travaux ;

- les parties ont volontairement entendu se soumettre aux dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances ;

- le montant des travaux de reprise des désordres repose sur le rapport de l'expert judiciaire ; la reprise totale d'un élément affecté de désordres est nécessaire pour éviter une dégradation à brève échéance et aussi pour assurer une bonne exécution des travaux ; en ce qui concerne le chauffage, les désordres ont été signalés à l'assureur avec la difficulté de faire classe avec une température anormalement basse malgré le chauffage central ; en ce qui concerne la VMC, l'expert judiciaire a relevé que les désordres ne concernent pas uniquement le local technique ;

- le doublement des taux d'intérêt est applicable au vu de l'article 5.5 des conditions générales dès lors que la commune a notifié son intention de réaliser les travaux ;

- à titre subsidiaire, M. D... et la société Eiffage Centre Loire doivent être condamnés solidairement à réparer les désordres, et les fins de non-recevoir opposées par M. D... doivent être écartées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- et les observations de Me Jacquet-Lemahieu pour la société Axa France Iard.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre d'un marché de travaux ayant pour objet l'extension de son groupe scolaire, la commune de Galluis dans les Yvelines a confié l'exécution des lots " Chauffage " et " VMC " à la SAS Forclum, aux droits de laquelle vient la SAS Eiffage Energie Centre Loire, et celle du lot " Isolation " à la SARL AICP ingénierie, M. D... ayant été chargé de la maîtrise d'œuvre de l'opération. La commune a souscrit le 8 juillet 2008 un contrat d'assurance dommages ouvrage au titre de cette opération auprès de la SA Axa France Iard. Les travaux ont été réceptionnés en février 2009. Des désordres thermiques et sonores ayant été constatés dans les bâtiments, le maire de la commune a adressé, le 24 août 2013, une déclaration de sinistre à la SA Axa France Iard, qui a désigné un expert, lequel a établi un rapport le 24 octobre 2013. La SA Axa France Iard n'ayant pas pris position sur ses garanties, la commune de Galluis lui a demandé, par courrier du 22 mai 2014, le versement d'une indemnité provisoire au titre des travaux de reprise des désordres. Faute de réponse, la commune de Galluis a, par un courrier en date du 19 mai 2015, mis la SA Axa France Iard en demeure de lui régler la somme totale de 225 036,30 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de réparation et des frais d'investigation. Par une ordonnance du 31 mai 2016, le juge des référés de la Cour administrative d'appel de Versailles a condamné la SA Axa France Iard au versement d'une provision d'un montant de 40 000 euros au titre de ce litige. Par une ordonnance du 7 septembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a désigné M. C... en qualité d'expert à l'effet de déterminer l'origine et les responsabilités pour les désordres susmentionnés, lequel a remis son rapport le 30 juin 2019. Par une première requête, enregistrée sous le n° 1600395, la SA Axa France Iard a demandé au tribunal, sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, de dire qu'elle ne saurait être tenue au versement d'une quelconque somme à la commune de Galluis en application du contrat d'assurance souscrit par cette dernière, et, à titre subsidiaire, de condamner M. D... et la SAS Eiffage Energie Centre Loire à lui rembourser les sommes versées à la commune de Galluis à titre de provision, et sur preuve de son paiement, de les condamner solidairement à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de la commune. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 1901239, la commune de Galluis a demandé au tribunal la condamnation de la SA Axa France Iard à lui verser la somme de 341 983,26 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres affectant le groupe scolaire, ainsi que la somme de 6 384 euros toutes taxes comprises au titre des frais d'investigation qu'elle a dû exposer, et, à titre subsidiaire, la condamnation solidaire de M. D... et de la SAS Eiffage Energie Centre Loire à lui payer ces mêmes sommes. Par jugement n° 1600395, 1901239 du 30 mars 2020 dont la société Axa France Iard relève appel, le tribunal administratif de Versailles a condamné la société Axa France Iard à verser à la commune de Galluis en réparation des désordres subis, la somme de 305 559,52 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au double du taux légal, à compter de la date de réception par cette société de la lettre du 19 mai 2015 par laquelle la commune de Galluis lui a demandé le paiement de ces sommes, sous déduction de la somme de 40 000 euros accordée par l'ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel de Versailles du 31 mai 2016, et a mis à la charge de la société Axa France Iard les frais et honoraires de l'expertise judiciaire taxés et liquidés à la somme de 33 270,35 euros toutes taxes comprises. La société Axa France Iard demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Versailles du 30 mars 2020, le rejet des demandes de la commune de Galluis à son encontre et à titre subsidiaire que les sommes mises à sa charge soient ramenées à la somme de 49 231,90 euros toutes taxes comprises au titre des désordres relatifs à l'isolation et de 15 450 euros toutes taxes comprises au titre des désordres relatifs à la VMC.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de la SA Axa France Iard :

2. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des assurances : " Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil. / Toutefois, l'obligation prévue au premier alinéa ci-dessus ne s'applique ni aux personnes morales de droit public ni aux personnes morales exerçant une activité dont l'importance dépasse les seuils mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 111-6, lorsque ces personnes font réaliser pour leur compte des travaux de construction pour un usage autre que l'habitation. / L'assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l'assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat. / Lorsqu'il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l'assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d'indemnité, revêtant le cas échéant un caractère provisionnel et destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. En cas d'acceptation, par l'assuré, de l'offre qui lui a été faite, le règlement de l'indemnité par l'assureur intervient dans un délai de quinze jours. / Lorsque l'assureur ne respecte pas l'un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d'indemnité manifestement insuffisante, l'assuré peut, après l'avoir notifié à l'assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L'indemnité versée par l'assureur est alors majorée de plein droit d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal. (...) ".

3. La commune de Galluis a souscrit le 8 juillet 2008 auprès de la SA Axa France Iard une garantie de dommages à l'ouvrage, alors même que les dispositions précitées de l'article L. 242-1 du code des assurances la dispensaient d'une telle obligation. L'article 3.2 des conditions générales de ce contrat, régi par le code des assurances, précise que cette garantie de dommages dite " obligatoire " la garantit " en dehors de toute recherche des responsabilités " du " paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages (...) de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1 du code civil, les fabricants et personnes assimilées ainsi que le contrôleur technique, aux termes de l'article 1792 du code civil (...) ". L'article 5.4 de ces conditions générales, relatif à la procédure en cas de sinistre mettant en jeu la garantie obligatoire, stipule que : " Dans un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration de sinistre (...), l'assureur, sauf s'il a décidé de ne pas recourir à l'expertise, sur le vu du rapport préliminaire établi par l'expert et préalablement communiqué à l'assuré, notifie à celui-ci sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties du contrat (...) ". Enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article 5.5 des mêmes conditions, relatif au règlement du sinistre mettant en jeu la garantie obligatoire : " Lorsque l'assureur ne respecte pas l'un des délais prévus à l'article 5.4 ou propose une offre d'indemnité manifestement insuffisante, l'assuré peut, après l'avoir notifié à l'assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L'indemnité versée par l'assureur est alors majorée de plein droit d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal ".

4. La société Axa France Iard soutient qu'elle ne saurait être tenue à indemniser la commune de Galluis sur le fondement du contrat signé le 8 juillet 2008 d'assurance dommages ouvrage, au titre de cette opération d'extension de son groupe scolaire, dès lors que les articles 5.4 et 5.5 des conditions générales du contrat ne prévoient d'obligations à la charge de l'assureur et de sanctions à son égard, lorsqu'il n'a pas respecté ces obligations, que dans le cas d'un sinistre garanti par une assurance dite obligatoire alors qu'il n'est pas établi que les désordres en litige relevaient de cette garantie. Toutefois, il ressort du contrat d'assurance souscrit le 8 juillet 2008 que la commune de Galluis a entendu souscrire une assurance dite obligatoire, alors même qu'elle n'y était pas tenue et se placer, comme la SA Axa France Iard, sous le régime des dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances, tel que cela ressort notamment de la page 5 de ce contrat mentionnant une garantie pour " dommages ouvrage obligatoire " pour un montant de 2 190 733 euros.

5. Par ailleurs, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, il résulte des stipulations des articles 5.4 et 5.5 des conditions générales du contrat, qui reproduisent les dispositions précitées de l'article L. 242-1 du code des assurances, que l'assureur a l'obligation de prendre position sur le principe de l'indemnisation de l'assuré dans un délai maximal de soixante jours à compter de la déclaration de sinistre, et qu'à défaut, il ne peut plus refuser sa garantie, notamment en contestant la nature des désordres déclarés par l'assuré.

6. Or, il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas contesté, que si, à la suite de la déclaration de sinistre établie le 24 août 2013 par le maire de la commune de Galluis, la SA Axa France Iard a missionné un expert qui a rédigé un rapport préliminaire d'expertise le 24 octobre 2013, elle n'a pas notifié à la commune sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties du contrat dans le délai de soixante jours qui a couru à compter de la réception de la déclaration du sinistre, ni même, au demeurant, ultérieurement. Par suite, la SA Axa France Iard, en application des stipulations des articles 5.4 et 5.5 des conditions générales du contrat, n'était pas fondée à refuser sa garantie, notamment en contestant le caractère décennal des désordres déclarés par l'assuré.

En ce qui concerne les sommes dues par la SA Axa France Iard :

7. La société Axa France Iard soutient que l'indemnisation retenue à son encontre est excessive en ce qu'elle recouvre d'une part des désordres qui ne figuraient pas dans la déclaration de sinistre faite par la commune de Galluis et d'autre part des désordres qui n'auraient pas été constatés par l'expert judiciaire ou ne seraient constitutifs que de non-conformités.

8. S'agissant de l'isolation des parois, la société requérante se fonde sur la note n° 2 du 4 avril 2017 que l'expert judiciaire a adressée aux parties, où il mentionnait, s'agissant de la salle de réunion du 1er étage, s'être fondé sur seulement deux sondages pour relever que la laine de verre n'avait pas été posée en deux couches mais en une seule couche et que les intervalles entre les velux n'avaient pas été respectés, et s'agissant de la classe primaire n° 2, sur l'existence de ponts thermiques à l'endroit des fourreaux de câbles électriques. La société requérante relève enfin que l'étude réalisée par la société Jyvama en octobre 2014 indique que seuls 20 % des rampants ne sont pas isolés correctement. Elle en déduit, en l'absence de mention des superficies concernées, que ces défauts d'isolation sont ponctuels et localisés, et que la pose d'un isolant dans la salle de réunion du 1er étage en une seule couche au lieu de deux n'est pas constitutive d'un désordre dès lors que l'épaisseur de 20 cm a été respectée. Toutefois, dans son rapport final, l'expert judiciaire a relevé, s'agissant de la salle de réunion du 1er étage, que les deux couches d'isolant en laine de verre n'avaient pas été posées croisées comme le prévoyait le CCTP, que l'isolation entre les velux avait été réalisée sans soin, que de nombreux endroits n'étaient pas isolés correctement, créant de nombreux ponts thermiques et que dans les deux salles de classe du bâtiment sur cour, l'isolation avait été arrachée pour permettre le passage des gaines électriques. Ces désordres ne peuvent toutefois donner lieu à des réparations partielles dès lors que si dans la salle de réunion du 1er étage, seuls deux sondages ont été effectués, ils laissent supposer que les désordres relatifs à l'absence de pose en deux couches croisées de l'isolant portent sur l'ensemble de la superficie concernée. Par ailleurs, en l'absence de précision sur la localisation exacte de certains désordres, tels que l'isolation insuffisante entre les velux et l'existence de nombreux ponts thermiques, il convient de retenir pour des raisons tenant à la bonne exécution des travaux, la nécessité d'une réfection sur l'ensemble de la surface comme cela a été préconisé par l'expert judiciaire, malgré le constat fait par la société Jyvama en octobre 2014, de sorte que l'évaluation faite par l'expert judiciaire, reprise par le tribunal administratif, après prise en compte des travaux de réfection de l'isolation et des frais de maîtrise d'œuvre se monte à un total de 236 492,62 euros toutes taxes comprises. Ces travaux ne comprennent pas la somme de 42 801,74 euros toutes taxes comprises, correspondant aux travaux d'isolation de la salle de motricité qui n'avaient pas été prévus lors de la construction, en raison de la prévision de l'ajout d'un nouveau bâtiment et que la commune de Galluis devra financer.

9. S'agissant des désordres relatifs au chauffage, la société requérante se fonde sur la circonstance que l'expert judiciaire ne fait état dans sa note aux parties du 4 avril 2017, que de deux températures inférieures à 19° C dans la salle de la classe primaire 2 et dans la salle de motricité, en raison de l'absence d'isolation du mur extérieur pour cette dernière salle, qu'aucune température anormalement élevée n'a été relevée dans le cadre des opérations d'expertise et que les anomalies de fonctionnement concernant le chauffage n'ont pas fait l'objet de déclarations de sinistre. Toutefois, dans sa déclaration faite à l'assureur, la commune de Galluis a mentionné des températures anormalement basses l'hiver empêchant d'utiliser les salles de douche et des difficultés de faire la classe malgré le chauffage central " réglé au maximum ". Par ailleurs, le rapport d'expertise a relevé les nombreux désordres affectant l'ensemble du système de chauffage, qu'il s'agisse des départs en chaufferie dépourvus de vannes de réglages rendant impossible l'équilibrage des circuits, d'un défaut d'échange thermique conduisant à ne pas pouvoir chauffer correctement le bâtiment, d'une nourrice insuffisante avec un circulateur ayant une pression insuffisante, d'un rétrécissement des tuyauteries, de l'absence dans le local ventilation de la pose d'un moteur de la vanne trois voies ainsi que d'une absence d'alimentation électrique du régulateur. Enfin la réunion d'expertise contradictoire ayant conduit à la mesure des températures a été effectuée le 25 janvier 2017 de sorte que l'absence de température anormalement élevée ne pouvait être relevée à cette date. Il résulte de l'ensemble de ces constats, correspondant aux désordres déclarés à l'assureur, que les travaux de chauffage ont donné lieu à des malfaçons contraires aux prescriptions attendues pour ce marché.

10. Enfin, il résulte du rapport de l'expert judiciaire que de nombreuses anomalies de fonctionnement ont été relevées s'agissant de la VMC, notamment des débits d'air de 30 à 50 % inférieurs aux débits indiqués sur les documents d'ouvrage exécutés, l'absence de registre de réglage sur les antennes secondaires provoquant un déséquilibrage aéraulique, des piquages montés à l'envers dans le local technique ayant pour effet une absence de débit sur certaines bouches, des nuisances sonores dues à un rejet d'air mal positionné et à des flexibles trop longs, et des travaux de gaines réalisés sans plans précis ainsi que l'absence de contrat de maintenance entre 2009 et 2013, début de l'expertise. La SA Axa France Iard soutient que la commune de Galluis n'ayant déclaré comme sinistre que le bruit important de l'extracteur de la VMC, sans mentionner des dommages relatifs aux anomalies de fonctionnement de la VMC, autres que ceux ayant pour origine ce bruit, ces dommages ne peuvent donner lieu à indemnisation et qu'il n'y a lieu de prendre en compte que les désordres constatés dans la VMC du local technique de la salle de motricité. Elle fait ainsi valoir que l'ensemble des désordres relatifs au chauffage et à la VMC, prenant en compte les frais de maîtrise d'œuvre, se limitent à la somme de 38 772,80 euros toutes taxes comprises. Toutefois, l'étendue et la nature exacte des sinistres ne pouvaient en l'espèce être constatées qu'à l'issue de l'expertise judiciaire, qui a relevé de nombreuses défaillances de la société Forclum de sorte que la déclaration faite à la société Axa France Iard, au demeurant d'un caractère sommaire, ne pouvait porter sur l'ensemble de ces anomalies et désordres. En tout état de cause, la déclaration de sinistre de la commune était accompagnée du courrier de la directrice de l'école, recensant l'ensemble des difficultés auxquelles elle était confrontée, notamment les difficultés de soufflerie, de sorte qu'il convient de prendre en compte l'ensemble des désordres relatifs à la VMC et non uniquement ceux portant sur le bruit.

11. Par suite, il y a lieu de retenir au titre des désordres affectant le chauffage et la VMC la somme totale de 62 682,90 euros toutes taxes comprises et au titre de l'ensemble des désordres constatés la somme totale de 299 175,52 euros toutes taxes comprises. Il y a lieu d'ajouter à ce montant les sommes supportées par la commune au titre des frais d'investigation, correspondant à la réalisation de sondages, à une inspection par caméra thermique et à l'établissement d'un diagnostic par l'architecte pour un montant de 6 384 euros TTC.

12. La société Axa France Iard n'est ainsi pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser à la commune de Galluis la somme totale de 305 559,52 euros toutes taxes comprises en application du contrat dommages ouvrage souscrit le 8 juillet 2008 sous déduction de la provision de 40 000 euros accordée par l'ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel de Versailles du 31 mai 2016. Il y a ainsi lieu, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la société Eiffage Energie Centre Loire, de rejeter la requête de la SA Axa France Iard.

Sur l'appel provoqué de la commune de Galluis à l'encontre la société AICP, de M. D... et de la société Eiffage Energie Centre Loire :

13. La situation de la commune de Galluis n'étant pas aggravée par le présent arrêt, ses conclusions tendant à être garantie par M. D..., la société AICP et la société Eiffage Energie Centre Loire doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur les intérêts :

14. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Versailles, de rejeter les conclusions de la société requérante tendant à ce que le doublement du taux d'intérêt prévu par les dispositions de l'article 5.5 des conditions générales du contrat ne soit pas appliqué.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la société Axa France Iard. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Axa France Iard la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Galluis au titre des mêmes dispositions. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. D... et la société Eiffage Energie Centre Loire sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Axa France Iard est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel provoqué présentées par la commune de Galluis dans l'instance n° 20VE02106 sont rejetées.

Article 3 : La société Axa France Iard versera la somme de 2 000 euros à la commune de Galluis en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. D... et la société Eiffage Energie Centre Loire sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Axa France Iard, à la commune de Galluis, à la SAS Eiffage énergie Centre Loire, à Mme A... B..., mandataire ad litem de la SARL AICP ingénierie et à M. E... D....

Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2024.

Le rapporteur,

J-E. PILVENLe président,

P-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 20VE02106 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02106
Date de la décision : 07/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Notion de contrat administratif.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : GACHE-GENET

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-07;20ve02106 ?
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