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29/02/2024 | FRANCE | N°23VE00576

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 29 février 2024, 23VE00576


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a informé de ce qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.



Par une ordonnan

ce de renvoi n° 2300531, le président du tribunal administratif de Montreuil a transmis au tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a informé de ce qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par une ordonnance de renvoi n° 2300531, le président du tribunal administratif de Montreuil a transmis au tribunal administratif de Cergy-Pontoise le dossier de la demande de M. A....

Par un jugement n° 2300730 du 14 mars 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 16 mars 2023, sous le n° 23VE00576, M. A..., représenté par Me Piffault, avocat, demande :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui restituer son passeport ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de la première instance, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de la procédure d'appel, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a retenu à tort sa compétence ;

- la première juge n'a pas statué dans un délai raisonnable ;

- le jugement omet de répondre au moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué ne mentionne pas le pays à destination duquel il sera renvoyé en cas d'exécution d'office ;

- l'arrêté contesté ne comporte pas la date de sa notification ;

- il a été pris en méconnaissance des dispositions du 2° de l'article L. 812-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il ne mentionne pas le pays à destination duquel il sera renvoyé en cas d'exécution d'office, en méconnaissance de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée le 4 juillet 2023, sous le n° 23VE01504, M. A..., représenté par Me Piffault, avocat, demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 2300730 du 14 mars 2023 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'exécution de ce jugement entrainerait des conséquences irréparables ;

- cela méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Even,

- et les observations de Me Piffault pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes susvisées n° 23VE00576 et n° 23VE01504, qui tendent respectivement à l'annulation et au prononcé du sursis à exécution du même jugement, présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

2. M. A..., ressortissant camerounais, né le 12 novembre 1985 à Yaoundé, a déclaré être entré en France le 4 novembre 2005. Il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français valable jusqu'au 27 octobre 2020. M. A... a sollicité le renouvellement de ce titre, et s'est vu remettre un récépissé valable jusqu'au 27 août 2021. L'intéressé a été placé en garde à vue le 10 janvier 2023 dans le cadre d'une procédure ouverte à son encontre pour des faits d'escroquerie. Par un arrêté du 11 janvier 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... fait appel du jugement du 14 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions de la requête n° 23VE00576 :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

3. Il ressort des termes de la demande de première instance que M. A... a invoqué le moyen tiré de ce que la décision de fixation du pays de destination contenue dans l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis méconnaitrait les dispositions de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En omettant de répondre à ce moyen qui n'était pas inopérant, la première juge a entaché son jugement d'une irrégularité.

4. Il y a lieu d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté la demande du requérant tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination, de statuer sur cette demande par la voie de l'évocation et par l'effet d'évolutif de l'appel sur les autres demandes.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 11 janvier 2023 :

S'agissant des moyens dirigés contre l'arrêté dans son ensemble :

5. Les conditions de notification d'une décision administrative n'affectent pas sa légalité et n'ont d'incidence que sur les voies et délais de recours contentieux. Par suite, le moyen tiré de l'absence de mention de la date de notification de la décision contestée doit être écarté.

S'agissant des moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, M. A... ne peut utilement invoquer l'irrégularité du contrôle d'identité qui a conduit les services de police à constater l'irrégularité de son séjour en France en se prévalant des dispositions des articles L. 812-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'irrégularité de la procédure de contrôle étant sans incidence sur la légalité de la décision préfectorale d'éloignement.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 5° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ". L'article 371-2 du code civil dispose que : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est le père de deux enfants de nationalité française, âgés de 8 et 3 ans à la date de la décision contestée. Toutefois, en se bornant à produire un relevé mentionnant huit transferts d'argent qu'il a réalisés au bénéfice de la mère de ses enfants entre octobre 2020 et mai 2022, de manière irrégulière et de montants variables, entre 80 et 150 euros, et la preuve d'un transfert unique d'un montant de 50 euros réalisé postérieurement à l'arrêté attaqué, ainsi que deux photographies non datées, avec chacun de ses deux enfants, M. A... ne justifie pas qu'à la date de la décision attaquée il a contribué effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants depuis au moins deux ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions énoncées au 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui déclare être entré sur le territoire en 2005 sans produire de pièce pour corroborer ces allégations, est père de deux enfants français dont il n'établit pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation. S'il produit en outre une attestation de sa mère indiquant qu'il serait venu en France pour l'aider lorsqu'elle avait des problèmes de santé et qu'il demeure disponible pour l'assister, il n'est pas établi qu'à la date de l'arrêté contesté son état de santé nécessitait sa présence à ses côtés, alors qu'elle vit dans une autre région que celle où il a établi sa résidence. Enfin, s'il produit un contrat de travail à durée indéterminée conclu en juin 2020, alors que son titre de séjour était en cours de validité, cette seule pièce ne suffit pas à démontrer une intégration particulière dans la société française. Dès lors, le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste dont l'arrêté contesté serait entaché dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A..., qui pourra continuer à venir régulièrement en France pour rencontrer s'il le souhaite ses enfants, doit être écarté.

S'agissant du moyen dirigé contre la décision fixant le pays de destination :

10. Aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays (...) à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. ".

11. En précisant que M. A... est ressortissant camerounais et qu'il sera éloigné, hors espace Schengen, à destination du pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ou encore à destination de tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible, le préfet de la Seine-Saint-Denis a indiqué, dans l'arrêté litigieux, le pays à destination duquel il sera éloigné. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à obtenir l'annulation de l'arrêté du 11 janvier 2023 ni l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions autres que celle portant fixation du pays de destination contenues dans cet arrêté. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les conclusions de la requête n° 23VE01504 à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :

13. Le présent arrêt statuant sur l'appel de M. A... dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 2300730 du 14 mars 2023, les conclusions de la requête n° 23VE01504 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution ont perdu leur objet. Il n'y a dès lors plus lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... les sommes que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23VE01504.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 2300730 du 14 mars 2023 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de fixation du pays de destination contenue dans l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 11 janvier 2023.

Article 3 : La requête de M. A... tendant à l'annulation du jugement attaqué et des décisions contenues dans l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 11 janvier 2023 autres que celles fixant le pays de destination est rejetée.

Article 4 : La demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision de fixation du pays de destination est rejetée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Aventino, première conseillère,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.

Le président-rapporteur,

M. EVEN

L'assesseure la plus ancienne,

B. AVENTINO

La greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

3

N° 23VE00576... 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00576
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.

Procédure - Voies de recours - Appel - Effet dévolutif et évocation - Évocation.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : PIFFAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;23ve00576 ?
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