Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 avril et 27 octobre 2022, la société Espace loisirs, représentée par Me Coronat, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler la décision du 2 février 2022 par laquelle la Commission nationale d'aménagement cinématographique a rejeté son recours et accordé à la société Grigny cinéma l'autorisation d'aménagement d'un établissement cinématographique de 8 salles et 1 289 places, à l'enseigne " Mégarama " à Grigny ;
2°) de mettre à la charge de la Commission nationale d'aménagement cinématographique une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société soutient que :
- sa requête est recevable dès lors qu'elle dispose d'un intérêt à agir ;
- il n'est pas établi que les membres de la Commission nationale d'aménagement cinématographique ont été régulièrement convoqués conformément aux dispositions de l'article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l'image animée ;
- il n'est pas établi que les avis prévus à l'article R. 212-7-29 de ce code ont été recueillis ;
- le dossier de demande est incomplet en ce qui concerne l'environnement existant et le parti pris architectural du projet ;
- la décision est entachée d'erreurs d'appréciation des effets du projet sur la diversité de l'offre cinématographique mentionnée à l'article L. 212-6 du code du cinéma et de l'image animée au regard des critères fixés par l'article L. 212-9 de ce code compte tenu :
o de l'absence de prise en compte de son établissement situé à moins de 10 minutes de trajet du projet ;
o de l'absence d'amélioration de la diversité de l'offre cinématographique ;
o des données de fréquentation postérieures à 2019 non prises en compte ;
o de l'absence d'élément sur la baisse de fréquentation engendrée cinéma par cinéma ;
- elle est entachée d'erreurs d'appréciation des effets du projet sur l'aménagement culturel mentionné à l'article L. 212-6 de ce code au regard des critères fixés par l'article L. 212-9 de ce code compte tenu du défaut d'élément d'insertion du projet au regard de l'urbanisme, de l'insuffisance du volet environnemental du projet, de l'atteinte à la protection environnementale au regard des articles UG 13, 11.2 et 12.4 du règlement du plan local d'urbanisme, de la situation des places de stationnement réservées aux personnes à mobilité réduite et de l'absence de piste cyclable et de cheminements sécurisés.
Par des mémoires enregistrés le 12 août 2022 et le 9 janvier 2023, la société Grigny cinéma, représentée par Me Bouyssou, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société Espace loisirs en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par des mémoires enregistrés les 25 août 2022 et 4 janvier 2023, la commune de Grigny, représentée par Me Creach, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Espace loisirs en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la société Espace loisirs ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 7 octobre et 30 décembre 2022, la Commission nationale d'aménagement cinématographique, représentée par Me Leraisnable, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Espace loisirs la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser au Centre national du cinéma et de l'image animée, agissant en qualité d'établissement public support de la Commission nationale d'aménagement cinématographique.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la société Kinepolis prospection et à l'association Cinessonne qui n'ont pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 10 janvier 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 25 janvier 2023 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du cinéma et de l'image animée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aventino,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- les observations de Me Meraud, substituant Me Coronat pour la société Espace Loisirs, de Me Bouyssou pour la société Grigny Cinéma, de Me Creach pour la commune de Grigny.
Considérant ce qui suit :
1. La commission départementale d'aménagement cinématographique de l'Essonne a, le 24 septembre 2021, délivré à la société Grigny cinéma l'autorisation de créer un établissement de spectacles cinématographiques à l'enseigne " Mégarama " situé à Grigny. La société Espace loisirs, qui exploite l'établissement à l'enseigne " Méga-CGR " situé à Evry, a formé un recours préalable obligatoire devant la Commission nationale d'aménagement cinématographique. Par une décision du 2 février 2022, cette dernière a rejeté ce recours et autorisé le projet porté par la société Grigny cinéma. La société Espace loisirs demande à la cour d'annuler la décision de la commission nationale du 2 février 2022.
Sur la légalité de la décision du 2 février 2022 :
En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie devant la Commission nationale d'aménagement cinématographique :
2. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance, il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées.
3. D'une part, aux termes de l'article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l'image animée : " La Commission nationale d'aménagement cinématographique se réunit sur convocation de son président. / Les membres de la commission reçoivent l'ordre du jour, accompagné des procès-verbaux des réunions des commissions départementales d'aménagement cinématographique, des décisions de ces commissions, des recours et des rapports des services instructeurs. / La commission ne peut valablement délibérer qu'en présence de cinq membres au moins. ".
4. La Commission nationale d'aménagement cinématographique a versé aux débats le courrier électronique de convocation du 25 janvier 2022 adressé aux sept de ses membres ayant siégé, auprès de son président, lors de la réunion du 2 février 2022. Etaient annexés à ce courrier électronique l'ordre du jour de la séance, ainsi que la liste des pièces transmises, lesquelles étaient accessibles sous forme de lien dans le corps du message. La société requérante n'apporte pas d'éléments suffisamment sérieux au soutien de ses allégations, en se bornant à réitérer, postérieurement à la transmission de ces preuves, ses affirmations initiales selon lesquelles il n'est pas établi que les membres de la commission n'auraient pas disposé en temps utile des éléments d'information mentionnés au deuxième alinéa de l'article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l'image animée. De même, en soutenant que " Il appartiendra à la CNAC de démontrer que les dispositions réglementaires applicables à sa composition (...) et au quorum lors de la séance du 2 février 2022 ont bien été respectées ", la société requérante n'apporte pas les précisions de nature à permettre à la cour d'apprécier la teneur du moyen. Au demeurant, il ressort du procès-verbal de la réunion qui s'est tenue le 2 février 2022, que la commission était composée de sept membres outre son président et qu'elle a ainsi siégé conformément à la règle de quorum prévue par le dernier alinéa de l'article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l'image animée. Ce moyen ne peut dès lors qu'être écarté.
5. D'autre part, aux termes de l'article R. 212-7-29 du code du cinéma et de l'image animée : " Le commissaire du Gouvernement recueille l'avis du ministre chargé de la culture, qu'il présente à la Commission nationale d'aménagement cinématographique. Il donne son avis sur les demandes examinées par la commission au regard des auditions effectuées. ".
6. Le procès-verbal de la réunion du 2 février 2022 énonce " Le Commissaire du gouvernement fait part à la Commission de l'avis favorable de la ministre de la culture. Le Commissaire du gouvernement, à la suite des auditions, partage cet avis. ". La société Grigny cinéma a en outre produit cet avis favorable de la ministre de la culture transmis au commissaire du Gouvernement auprès de la Commission en vue de sa réunion du 2 février 2022. Dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées de l'article R. 212-7-9 du code du cinéma et de l'image animée auraient été méconnues manque en fait.
En ce qui concerne la composition du dossier de demande :
7. Aux termes de l'article A. 212-7-3-1 du code du cinéma et de l'image animée : " La demande portant sur les projets d'aménagement cinématographique est accompagnée des renseignements et documents suivants : / (...) Les éléments permettant d'apprécier l'effet potentiel du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme en indiquant :-l'intérêt du projet par rapport à la répartition géographique des établissements de spectacles cinématographiques implantés dans la zone d'influence cinématographique et à la répartition de la population concernée ; -l'animation culturelle cinématographique constatée dans la zone d'influence cinématographique et celle envisagée dans le cadre du projet ; -l'effet potentiel du projet sur l'équilibre entre les différentes formes d'offre de spectacles cinématographiques en salles dans la zone d'influence cinématographique ; l'accessibilité de l'établissement, les différents modes de transports publics présents ou futurs, les accès pédestres et cyclistes, la desserte routière et les flux de circulation dans la zone d'influence cinématographique, les différents parcs de stationnement présents ou futurs à proximité de l'établissement de spectacles cinématographiques ainsi que le nombre de places existantes ou envisagées dans ces parcs ; -les caractéristiques architecturales du projet au regard de son environnement ; -la pertinence de la localisation du projet au regard du schéma de cohérence territoriale et du plan local d'urbanisme ".
8. Il ressort des pièces du dossier et notamment du dossier de demande d'autorisation produit par la société Grigny cinémas, que la demande était accompagnée, s'agissant de l'environnement existant et de l'insertion du parti architectural pris, d'une notice descriptive des caractéristiques architecturales du projet et de son environnement ainsi que de deux documents graphiques d'insertion, d'un plan de situation, d'un plan de masse, d'une notice environnementale et de développements sur l'accessibilité du projet. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la Commission nationale se serait prononcée au vu d'un dossier incomplet.
En ce qui concerne l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement cinématographique :
9. Aux termes de l'article L. 212-6 du code du cinéma et de l'image animée : " Les créations, extensions et réouvertures au public d'établissements de spectacles cinématographiques doivent répondre aux exigences de diversité de l'offre cinématographique, d'aménagement culturel du territoire, de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme, en tenant compte de la nature spécifique des œuvres cinématographiques. Elles doivent contribuer à la modernisation des établissements de spectacles cinématographiques et à la satisfaction des intérêts du spectateur tant en ce qui concerne la programmation d'une offre diversifiée, le maintien et la protection du pluralisme dans le secteur de l'exploitation cinématographique que la qualité des services offerts ". Aux termes de l'article L. 212-9 du même code : " Dans le cadre des principes définis à l'article L. 212-6, la commission départementale d'aménagement cinématographique se prononce sur les deux critères suivants : / 1° L'effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique concernée, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) Le projet de programmation envisagé pour l'établissement de spectacles cinématographiques objet de la demande d'autorisation et, le cas échéant, le respect des engagements de programmation éventuellement souscrits en application des articles L. 212-19 et L. 212-20 ; / b) La nature et la diversité culturelle de l'offre cinématographique proposée dans la zone concernée, compte tenu de la fréquentation cinématographique ; / c) La situation de l'accès des œuvres cinématographiques aux salles et des salles aux œuvres cinématographiques pour les établissements de spectacles cinématographiques existants ; / 2° L'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) L'implantation géographique des établissements de spectacles cinématographiques dans la zone d'influence cinématographique et la qualité de leurs équipements ; / b) La préservation d'une animation culturelle et le respect de l'équilibre des agglomérations ; /c) La qualité environnementale appréciée en tenant compte des différents modes de transports publics, de la qualité de la desserte routière, des parcs de stationnement ; / d) L'insertion du projet dans son environnement ; /e) La localisation du projet, notamment au regard des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme./ Lorsqu'une autorisation s'appuie notamment sur le projet de programmation cinématographique, ce projet fait l'objet d'un engagement de programmation cinématographique souscrit en application du 3° de l'article L. 212-23. /(...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement cinématographique ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet d'équipement cinématographique contesté compromet la réalisation des objectifs et principes énoncés par la loi. A ce titre, il appartient à la Commission nationale, lorsqu'elle se prononce sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs et principes, au vu des critères d'évaluation et indicateurs mentionnés à l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée.
S'agissant des effets du projet sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique :
10. Le projet présenté par la société Grigny cinéma consiste en la création, au sein d'une zone d'aménagement concertée pour la réalisation d'un cœur de ville à Grigny, d'un établissement cinématographique de 8 salles comprenant 1 289 places à l'enseigne " Mégarama ".
11. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du dossier de demande, du rapport d'instruction et de la décision attaquée, que d'une part la population de la zone d'influence cinématographique (ZIC), telle qu'ajustée au cours de l'instruction auprès de la Commission nationale, représente un peu moins de 536 000 habitants. La croissance de la population des communes appartenant à cette ZIC représente 6% entre 2007 et 2017, alors que le taux de l'évolution de la population nationale sur la même période n'était que de 4,6%. Sur cette même période, la population de la commune d'implantation du projet a également augmenté de 7,9% et celle de la sous-zone secondaire de la ZIC, qui concentre les deux-tiers de la population, de 6,6%. Ce projet s'inscrit, ainsi qu'il a été dit, au sein d'un nouveau quartier " cœur de ville " en cours de réalisation à la date de la décision attaquée, qui a vocation à accueillir plusieurs centaines de nouveaux logements. D'autre part, l'offre d'établissements cinématographiques de la ZIC, y compris les établissements projetés des communes de Sainte-Geneviève-des-Bois et Arpajon, comprend 12 établissements fixes : 8 cinémas exploités sous statut public ou associatif dotés de 1 à 3 écrans, deux établissements de centre-ville dotés de 5 et 7 écrans et 2 établissements de type multiplexe, dotés de 10 écrans, dont celui de la société requérante à Evry-Courcouronnes. Avec 2,28 entrées par habitant en 2019, la zone du projet bénéficie d'un niveau de fréquentation cinématographique inférieur à la fois à la moyenne nationale de 3,31 et de l'unité urbaine parisienne de 4,98, permettant une large marge de progression.
12. Si la société requérante soutient que les chiffres de fréquentation cinématographique, datant de 2019, ne pouvaient fonder la décision en litige du 2 février 2022 dès lors qu'il ressort des statistiques de la fréquentation pour les années 2020 et 2021, que celle-ci s'est effondrée, elle n'établit pas que la tendance de fond résultant d'une comparaison des statistiques pour les années 2010 à 2019 n'était pas la plus pertinente à cette date, alors que les seules années 2020 et 2021 offrent peu de recul et ne sont pas représentatives d'une tendance compte tenu des fermetures et mesures imposées par la crise sanitaire. Elles ont ainsi été écartées par le rapporteur dans son rapport d'instruction. En outre, compte tenu des données disponibles au début de l'année 2022, à la date à laquelle la commission nationale s'est prononcée, il n'y avait pas davantage de raison d'estimer que la dynamique précitée n'était pas pertinente. Enfin, quand bien même la fréquentation a diminué en 2020 et 2021, la société requérante ne conteste pas que la ZIC présente en données relatives une marge de progression de la fréquentation cinématographique par rapport à des zones comparables. Elle ne conteste pas davantage le dynamisme en termes de population de cette ZIC.
13. En second lieu, il ressort du projet de programmation que le futur établissement proposera 230 nouveaux films par an et 14 500 séances, avec une programmation diversifiée axée aux deux-tiers sur des films " grand public " alors que l'offre cinématographique de la sous-zone primaire est assurée exclusivement par des petits établissements classés " art et essai ". Il prévoit également 2 à 4 films par semaine en sortie nationale, renforçant l'accès des spectateurs de la zone d'influence cinématographique aux films inédits dès leur sortie. S'il a été relevé qu'à l'échelle de la zone, l'apport du projet de programmation sur la diversité de l'offre de films programmé sera plus limité compte tenu de l'offre déjà présente, le projet repose en outre sur l'organisation régulière d'évènements et d'actions d'animation culturelle, d'éducation à la citoyenneté et à la mixité sociale et d'éducation à l'image en lien avec l'association Cinessonne et la commune, dans le cadre notamment du programme " cités éducatives ". Le projet prévoit également une exposition importante des films (60 séances par film en moyenne) plus élevée que la moyenne nationale pour des établissements comparables et alors que cette exposition est particulièrement faible dans la sous zone primaire (11 séances par film).
14. D'une part, sans qu'il ne soit nécessaire pour la commission nationale de détailler dans sa décision les impacts du projet établissement par établissement, il ressort des pièces du dossier que les établissements de Sainte-Geneviève-des-Bois et d'Arpajon ont pris en compte les effets du projet dans le cadre de leur création et que les autres établissements développant également une offre culturelle " Art et Essai " et situés dans la zone primaire de la ZIC bénéficieront d'engagements de programmation souscrits par la société pétitionnaire leur conférant une priorité ou une exclusivité pour l'accès à certains films. D'autre part, l'impact du projet sur le multiplexe de Bretigny-sur-Orge a été évalué comme marginal compte tenu de sa distance à l'extrémité de la ZIC. Enfin, il ressort des pièces du dossier que la Commission nationale a également pris en compte les impacts du projet sur l'établissement à l'enseigne " Méga-CGR " exploité par la société requérante. Sa décision s'est notamment fondée sur l'analyse figurant dans le dossier du pétitionnaire qui détaille sur une page les raisons pour lesquelles cet impact est estimé comme marginal. Cette analyse a été validée par le rapporteur conduisant l'instruction du projet et la Commission nationale compte tenu des travaux de rénovation de l'environnement de cet établissement et de la modernisation de celui-ci. La société requérante, qui ne fait état que de la proximité des deux établissements en voiture et de ce que son établissement offre déjà un accès aux films inédits, n'apporte pas d'élément permettant de remettre sérieusement en cause cette analyse. La société requérante n'établit donc pas les effets négatifs allégués notamment au regard de l'offre culturelle des établissements de la ZIC.
15. Enfin, l'atteinte portée à la fréquentation des établissements de la zone ne peut être prise en compte que si elle est de nature à avoir des effets négatifs sur la diversité cinématographique, conformément aux dispositions précitées des articles L. 212-6 et L. 212-9 du code du cinéma. La société requérante ne saurait dès lors utilement soutenir que, dans un contexte de baisse de la fréquentation cinématographique après la crise sanitaire, la commission nationale aurait dû différer l'autorisation de nouveaux projets, afin de ne pas augmenter la pression concurrentielle.
16. Il en résulte que, compte tenu de l'augmentation de la population, de la situation du projet et de la programmation envisagée, le projet contribuera à améliorer l'exposition de l'offre cinématographique sur la zone. Il résulte de ce qui précède que le projet ne peut être regardé comme compromettant la réalisation de l'objectif de diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans cette zone.
S'agissant de l'impact du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme :
17. En premier lieu, la décision d'autorisation d'aménagement cinématographique et les autorisations délivrées en application du code de l'urbanisme relèvent de législations distinctes et sont régies par des procédures indépendantes. Dès lors, les moyens tirés de ce que l'autorisation attaquée aurait été prise en méconnaissance des dispositions du plan local d'urbanisme ne peuvent qu'être écartés.
18. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet s'implante au sein de la zone d'aménagement concertée " cœur de ville " de Grigny, en cours de réalisation dans le cadre d'une opération d'intérêt nationale. Il s'inscrit ainsi dans un quartier en cours de requalification et soumis au respect du cahier des charges de la zone d'aménagement concertée. Il prend également place à proximité d'un pôle culturel constitué notamment par un équipement culturel pluridisciplinaire regroupant un conservatoire, une médiathèque, un espace scénique et des ateliers d'art plastique. Son volet environnemental prévoit que le futur bâtiment répondra à la norme de construction HQE. Il prévoit la plantation de nombreux arbres. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il prévoit des places de stationnement pour les personnes à mobilité réduite à proximité de son accès. Enfin, la Commission nationale a pu relever, au regard des pièces du dossier, que le projet était desservi en modes de transport doux. Dans ces conditions, la Commission nationale d'aménagement cinématographique a pu estimer, sans erreur d'appréciation, que le projet en litige ne compromet pas les objectifs d'aménagement culturel du territoire, de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme.
19. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société requérante tendant à l'annulation de la décision de la Commission nationale d'aménagement cinématographique du 2 février 2022 autorisant la société Grigny cinémas à créer un établissement de spectacles cinématographiques à l'enseigne " Megarama " à Grigny doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Espace loisirs demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Espace loisirs le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés d'une part, par la société Grigny cinéma, d'autre part, par la commune de Grigny et enfin la même somme au titre des frais exposés par le Centre national du cinéma et de l'image animée, agissant en qualité d'établissement public support de la Commission nationale d'aménagement cinématographique.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Espace loisirs est rejetée.
Article 2 : La société Espace loisirs versera la somme de 1 500 euros au Centre national du cinéma et de l'image animée, agissant en qualité d'établissement public support de la Commission nationale d'aménagement cinématographique en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle versera également à la société Grigny cinéma la somme de 1 500 euros en application de ces mêmes dispositions. Elle versera enfin à la commune de Grigny la somme de 1 500 euros en application de ces mêmes dispositions.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Espace loisirs, à la société Grigny cinéma, à la commune de Grigny, à la société Kinepolis prospection, à l'association Cinessonne et au président de la Commission nationale d'aménagement cinématographique.
Copie en sera adressée à la ministre de la culture et au Centre national du cinéma.
Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.
La rapporteure,
B. AVENTINO
Le président,
B. EVEN
La greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 22VE00988