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29/02/2024 | FRANCE | N°22VE00585

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 29 février 2024, 22VE00585


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 27 décembre 2018 par laquelle la ministre des armées a prononcé la sanction de résiliation de son contrat de gendarme, ensemble, la décision du 3 juillet 2019 par laquelle le directeur général de la gendarmerie nationale a rejeté son recours gracieux.



Par un jugement n° 1911394 du 11 janvier 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fai

t droit à sa demande et a annulé les deux décisions des 27 décembre 2018 et 3 juillet 2019.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 27 décembre 2018 par laquelle la ministre des armées a prononcé la sanction de résiliation de son contrat de gendarme, ensemble, la décision du 3 juillet 2019 par laquelle le directeur général de la gendarmerie nationale a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 1911394 du 11 janvier 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à sa demande et a annulé les deux décisions des 27 décembre 2018 et 3 juillet 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 mars 2022, la ministre des armées demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.

Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré du vice de procédure dès lors que le fait, pour le président du conseil d'enquête, de ne pas avoir soumis aux votes l'intégralité des sanctions susceptibles d'être prononcées jusqu'à ce que ce que l'une d'elles recueille un accord ne constitue pas un vice de procédure ; en tout état de cause, et à supposer même ce vice constitué, il n'a aucunement privé l'intéressé d'une garantie et n'a exercé aucune influence sur le sens de la décision.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 avril 2023, M. A..., représenté par Me Desert, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le moyen soulevé par la ministre n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Danielian,

- les conclusions de M. Illouz, rapporteur public,

- et les observations de Me Desert pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté dans la gendarmerie nationale pour une durée de six ans par acte d'engagement du 28 novembre 2016. A l'issue de sa formation à l'école de gendarmerie de Dijon, il a été affecté, à compter du 31 juillet 2017, au premier régiment d'infanterie de la garde républicaine à Nanterre en qualité de gendarme stagiaire, puis nommé au grade de gendarme à compter du 1er décembre 2017. Le 28 février 2018, alors qu'il était en faction au poste de sécurité de la caserne Rathelot à Nanterre, il a procédé, au moment de sa prise de service, à l'inventaire des objets trouvés en présence du chef de poste. Au cours de la journée, la disparition d'une des montres inventoriées plus tôt a été constatée. M. A... a alors fouillé ses poches et y a trouvé la montre manquante, fait ayant conduit à l'ouverture d'une procédure disciplinaire. Après avoir recueilli l'avis du conseil d'enquête, lequel s'est prononcé, le 15 novembre 2018, à la majorité des voix contre l'infliction d'une sanction disciplinaire du troisième groupe, la ministre des armées a, par décision du 27 décembre 2018, prononcé la résiliation du contrat de M. A.... L'intéressé a formé contre cette décision un recours administratif qui a été rejeté le 3 juillet 2019 par le directeur général de la gendarmerie nationale. Par un jugement du 11 janvier 2022, dont la ministre des armées fait appel, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à la demande de M. A... tendant à l'annulation de ces deux décisions des 27 décembre 2018 et 3 juillet 2019.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 4137-2 du code de la défense : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : / 1° Les sanctions du premier groupe sont : / a) L'avertissement ; / b) La consigne ; / c) La réprimande ; / d) Le blâme ; / e) Les arrêts ; / f) Le blâme du ministre ; / 2° Les sanctions du deuxième groupe sont : / a) L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de cinq jours privative de toute rémunération ; / b) L'abaissement temporaire d'échelon ; / c) La radiation du tableau d'avancement ; / 3° Les sanctions du troisième groupe sont : / a) Le retrait d'emploi (...) ; / b) La radiation des cadres ou la résiliation du contrat. (...) ". Aux termes de l'article L. 4137-3 de ce code : " Doivent être consultés :/ (...) 2° Un conseil de discipline avant toute sanction disciplinaire du deuxième groupe ; 3° Un conseil d'enquête avant toute sanction disciplinaire du troisième groupe. (...) " et aux termes de l'article L. 4137-4 du même code : " Le ministre de la défense ou les autorités habilitées à cet effet prononcent les sanctions disciplinaires et professionnelles prévues aux articles L.4137-1 et L.4137-2, après consultation, s'il y a lieu, de l'un des conseils prévus à l'article L.4137-3 ". Aux termes de l'article R. 4137-66 du même code : " L'envoi devant le conseil d'enquête est ordonné par le ministre de la défense ou par les autorités militaires dont la liste est fixée par arrêté du ministre de la défense. / L'ordre d'envoi devant le conseil d'enquête mentionne les faits à l'origine de la saisine du conseil et précise les circonstances dans lesquelles ils se sont produits. / L'avis du conseil d'enquête doit être remis à l'autorité habilitée à prononcer la sanction dans les trois mois qui suivent la date d'émission de l'ordre d'envoi. / Si aucun avis n'est rendu à l'issue de ce délai, le ministre de la défense met le conseil en demeure de se prononcer dans un délai déterminé qui ne peut être supérieur à un mois. S'il n'est pas fait droit à cette demande et sauf impossibilité matérielle pour le conseil de se réunir, l'autorité habilitée constate la carence du conseil et prononce la sanction, sans l'avis de ce conseil, après avoir invité le militaire à présenter sa défense. / Si la sanction prononcée par cette autorité est une sanction du deuxième groupe, la consultation du conseil d'enquête tient lieu de consultation du conseil de discipline ". Aux termes de l'article R. 4137-82 du code de la défense : " Au vu des observations écrites produites devant le conseil d'enquête et compte tenu, le cas échéant, des déclarations orales du comparant et des personnes entendues, le président met l'affaire en délibéré. Il pose les questions permettant au conseil de donner son avis sur les suites qui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. Le cas échéant, le président du conseil peut décider de suspendre les délibérations et d'entendre à nouveau le comparant et son défenseur. / Le président peut également ordonner un complément d'enquête, dont il fixe le délai qui ne peut être supérieur à un mois, s'il estime que le conseil n'est pas suffisamment éclairé sur les circonstances dans lesquelles les faits se sont produits. / Le président du conseil d'enquête soumet au vote la proposition de sanction la plus sévère parmi celles qui ont été exprimées lors du délibéré. Si cette proposition ne recueille pas l'accord de la majorité des membres, le président met aux voix les autres sanctions figurant dans l'échelle des sanctions disciplinaires en commençant par la plus sévère, jusqu'à ce que l'une d'elles recueille un accord. / Dans l'hypothèse où la délibération ne permet pas de recueillir l'accord de la majorité des membres sur une proposition de sanction, le conseil est considéré comme ayant été consulté et ne s'étant prononcé en faveur d'aucune sanction ".

3. Pour contester l'annulation prononcée par le tribunal, la ministre des armées fait valoir que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré du vice de procédure résultant de la méconnaissance des règles de la procédure de vote devant le conseil d'enquête prévue par les dispositions précitées de l'article R. 4137-82 du code de la défense, faute pour le président du conseil d'enquête d'avoir, en l'absence de majorité en faveur de l'une des deux sanctions du troisième groupe, mis aux voix les autres sanctions figurant aux deuxième et premier groupes dans l'échelle des sanctions disciplinaires jusqu'à ce que ce que l'une d'elles recueille un accord. Elle fait valoir, en outre, qu'un tel vice n'a, en tout état de cause, aucunement privé l'intéressé d'une garantie et n'a exercé aucune influence sur le sens de la décision.

4. Toutefois, il résulte des dispositions de l'article R. 4137-82 du code de la défense, combinées à celles de l'article R. 4137-66 du même code, qu'en l'absence de majorité des membres du conseil d'enquête en faveur d'une sanction du troisième groupe, son président est tenu de mettre aux voix les autres sanctions figurant aux deuxième et premier groupes dans l'échelle des sanctions disciplinaires, la consultation du conseil d'enquête tenant lieu de consultation du conseil de discipline si la sanction prononcée est une sanction du deuxième groupe. En outre, contrairement à ce que soutient la ministre, il ne ressort pas de ces mêmes dispositions que le conseil d'enquête serait, dans un tel cas, incompétent pour se prononcer sur l'opportunité de l'infliction d'une sanction des deuxième et premier groupes. Dans ces conditions et ainsi que l'a relevé le tribunal, dès lors qu'il est constant que seules les sanctions du troisième groupe de résiliation du contrat, puis de retrait d'emploi, ont été successivement mises aux voix et rejetées à la majorité lors de la réunion du conseil d'enquête le 15 novembre 2018, sans que le président de ce conseil ne mette aux voix les autres sanctions figurant dans l'échelle des sanctions disciplinaires en commençant par la plus sévère après la sanction proposée jusqu'à ce que l'une d'elles recueille un accord, la décision du 27 décembre 2018 de sanction de résiliation de contrat de M. A... a été prise au terme d'une procédure irrégulière. Un tel vice, qui a pu avoir une influence sur le sens de la décision attaquée et qui a privé M. A... d'une garantie, est de nature à entacher la légalité de la sanction infligée. Par suite, la ministre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, pour annuler sa décision, accueilli le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article R. 4137-82 du code de la défense.

5. Il résulte de ce qui précède, alors au surplus que la sanction de résiliation du contrat de gendarme de M. A... est manifestement disproportionnée par rapport aux manquements, à les supposer fautifs, qui lui sont reprochés, que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 27 décembre 2018, ainsi que la décision du 3 juillet 2019 du directeur général de la gendarmerie nationale de rejet du recours administratif de l'intéressé.

Sur les frais de l'instance :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, partie perdante, le versement de la somme de 1 500 euros à M. A..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée.

Article 2 : L'État versera à M. A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Besson-Ledey, présidente de chambre,

Mme Danielian, présidente-assesseure,

Mme Liogier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 février 2024.

I. La rapporteure,

I. DanielianLa présidente,

L. Besson-LedeyLa présidente,

II. I. DanielianLa greffière,

T. Tollim

La greffière,

A. Audrain FoulonLa République mande et ordonne à le ministre des armées, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE00585


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00585
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-05 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Procédure.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: Mme Isabelle DANIELIAN
Rapporteur public ?: M. ILLOUZ
Avocat(s) : CABINET HSDP

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;22ve00585 ?
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