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29/02/2024 | FRANCE | N°21VE00807

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 29 février 2024, 21VE00807


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune de Louveciennes a demandé au tribunal administratif de Versailles la condamnation de la société anonyme (SA) Deschamps à lui verser la somme de 619 666,58 euros toutes taxes comprises au titre des désordres affectant la toiture du groupe scolaire " Les Soudanes ", la condamnation de la société par actions simplifiée (SAS) BTP Consultants à lui verser la somme de 288 699,51 euros toutes taxes comprises, ou subsidiairement celle de 262 707,64 euros toutes taxes compri

ses, au titre des désordres affectant le local de conditionnement et de traitement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Louveciennes a demandé au tribunal administratif de Versailles la condamnation de la société anonyme (SA) Deschamps à lui verser la somme de 619 666,58 euros toutes taxes comprises au titre des désordres affectant la toiture du groupe scolaire " Les Soudanes ", la condamnation de la société par actions simplifiée (SAS) BTP Consultants à lui verser la somme de 288 699,51 euros toutes taxes comprises, ou subsidiairement celle de 262 707,64 euros toutes taxes comprises, au titre des désordres affectant le local de conditionnement et de traitement de l'air, le système de détection incendie et la charpente de ce groupe scolaire et de mettre à la charge solidaire de ces sociétés les frais d'expertise.

Par un jugement n° 1807907 du 21 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande et mis à la charge de la commune les frais d'expertise.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mars et 25 avril 2021, un mémoire enregistré le 8 janvier 2024, ainsi qu'un mémoire enregistré le 23 janvier 2024, qu'il n'a pas été jugé utile de communiquer, la commune de Louveciennes, représentée par Me Blard, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes de réparation au titre des écoulements d'eau et du défaut de renforcement et d'isolation au feu de la structure du local incendie ainsi que ses demandes accessoires ;

2°) s'agissant des écoulements d'eaux, de condamner solidairement la société Deschamps et la SAS BTP Consultants à lui verser la somme de 619 666,58 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts au titre de la garantie décennale, subsidiairement, au titre de la responsabilité contractuelle ;

3°) s'agissant des autres désordres, de condamner la SAS BTP Consultants à lui verser la somme de 8 916 euros toutes taxes comprises au titre du renforcement isolation au feu de la structure du local CTA assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts au titre de la garantie décennale, subsidiairement, au titre de la responsabilité contractuelle ;

4°) de mettre à la charge solidaire de ces sociétés les frais d'expertise taxés à la somme de 15 789,20 euros ;

5°) de mettre à la charge solidaire de ces mêmes sociétés la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis des erreurs de droit, des erreurs de fait et n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

- s'agissant des écoulements d'eau, c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande fondée sur la garantie décennale dès lors que, s'il est constant qu'une partie des écoulements d'eau avaient déjà été signalés lors de la réception des travaux en 2006, ces écoulements se sont manifestés ultérieurement dans une ampleur et une gravité sans commune mesure que celles relevées dans le procès-verbal de réception ; la commune n'a ainsi sollicité une expertise qu'en 2011 ; en outre, le procès-verbal de réception des travaux de 2006 ne fait état que du constat d'infiltrations en provenance des pièces costières des lanterneaux et la simple mention par la commune de l'hypothèse que ce défaut puisse se produire sur 70 % des lanterneaux ne signifie pas qu'elle a entendu émettre des réserves sur l'ensemble de ces derniers ou qu'elle ait pu mesurer l'ampleur des écoulements qui se sont produits ultérieurement, au sein de toutes les classes du bâtiment ; la commune ne pouvait ainsi prévoir qu'il lui faudrait reprendre intégralement la toiture lorsque les premiers écoulements ont été constatés lors de la réception ; en outre, la levée des réserves a implicitement mais nécessairement eu lieu par la demande d'intervention de la SARL Arch'Philippe Vincent et de la SA Deschamps afin de remédier à ces écoulements ; enfin, l'absence de faitage ventilé ne pouvait être détectée par la commune, profane en matière de construction, à la réception ;

- à supposer même que les désordres doivent être jugés comme ayant été apparents, la commune de Louveciennes est bien fondée à engager la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre et partant, de Me Philippe Samzun, mandataire judiciaire, au titre de son devoir de conseil lors des opérations de réception ; de la même manière, la responsabilité contractuelle de la société Deschamps est engagée du fait de l'absence d'exécution de ses missions dans les règles de l'art ;

- s'agissant des désordres affectant le local CTA, c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande fondée sur la garantie décennale dès lors que la société BTP Consultants, contrôleur technique chargé d'une mission " SEI " relative à la sécurité incendie des personnes dans les établissements recevant du public, était bien en mesure de déceler l'absence de mise en place de clapets coupe-feu par la société Climarex ; la détection de défaillances du système de ventilation ne nécessitait pas par ailleurs des investigations excédant les contrôles normalement attribués au contrôleur technique ; il en va de même s'agissant du circuit de ventilation et de l'isolation thermique du local CTA ;

- à titre subsidiaire, la commune est fondée à rechercher la responsabilité contractuelle des sociétés Deschamps et BTP Consultants.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 octobre 2021, 9 novembre et 8 décembre 2023, la société Deschamps, représentée par Me Couderc, avocate, demande à la cour :

1°) de la mettre hors de cause et de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à de limiter sa responsabilité à hauteur de 80 % ;

3°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les conséquences des défauts apparents étaient prévisibles le jour de la réception et ne peuvent engager sa responsabilité décennale ;

- la responsabilité contractuelle ne pourra être engagée, la commune ne faisant pas état de réserves émises lors de la réception ; les réserves en tout état de cause ne portaient pas sur le vice de conception à l'origine des désordres mais seulement sur la manifestation de ces désordres ;

- à titre subsidiaire, la part de sa responsabilité devra être limitée à 80 % ;

- s'agissant du quantum des travaux de réfection, la demande de la commune ne saurait excéder la somme de 3 53 858,12 hors taxes, montant retenu par l'expert.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2023, la SAS BTP Consultants, représentée par Me Malardé, avocate, demande à la cour :

1°) de la mettre hors de cause et de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la société Deschamps à la garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre au titre du renforcement de la charpente existante ;

3°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande de condamnation du contrôleur technique au titre des désordres affectant la toiture est nouvelle en appel et par suite irrecevable ;

- sa responsabilité décennale ne saurait être engagée dès lors qu'il n'est nullement démontré quel aléa technique BTP Consultants n'aurait pas contribué à prévenir au regard de tel ou tel référentiel normatif dans le cadre et les limites des missions visées et compte tenu des documents qui lui ont été transmis dans l'exercice de sa mission ;

- à titre subsidiaire, le devis Edelweiss traite d'un ensemble de sujets dont certains sont sans lien avec les opérations d'expertise et les désordres retenus ; en outre, il appartient à la commune d'apporter la preuve qu'elle relève d'un régime fiscal lui permettant de solliciter l'application de la TVA ;

- le contrôleur technique ne peut faire l'objet d'une condamnation solidaire en application de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation ;

- la société Deschamps, responsable des travaux exécutés, devra être condamnée à la garantir en totalité des condamnations qui pourraient intervenir au titre du renforcement de la charpente ;

- la cour jugera que les désordres affectant le local CTA sont de la responsabilité exclusive de la société Climarex.

Par une ordonnance du 9 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 99-443 du 28 mai 1999 relatif au cahier des clauses techniques générales applicables aux marchés publics de contrôle technique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florent,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gallo, pour la commune de Louveciennes.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Louveciennes (Yvelines) a confié le 26 août 2004 à la SARL Arch'Philippe Vincent une mission de maîtrise d'œuvre des travaux d'étanchéité et de réfection des couvertures, bardages et façades du groupe scolaire " Les Soudanes ". Ces travaux étaient soumis au contrôle technique de la SAS BTP Consultants. Le lot n° 1 " couverture-bardage-lanterneaux " a été confié à la SA Deschamps et le lot n° 5 " ventilation double flux " à la société Climarex. La réception des travaux est intervenue le 19 mai 2006 avec des réserves portant notamment sur deux écoulements d'eau constatés dans le bâtiment. Entre 2007 et 2008, la commune de Louveciennes a sollicité, à plusieurs reprises, l'intervention de la SARL Arch'Philippe Vincent et de la SA Deschamps afin de remédier à ces désordres. Ces écoulements ayant persisté et s'étant généralisés, la commune de Louveciennes a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles que soit désigné un expert aux fins notamment de décrire ces désordres et de déterminer leur origine. M. A..., désigné en qualité d'expert par ordonnance du 30 mai 2011, a remis son rapport le 22 janvier 2014. De nouveaux désordres affectant la toiture et la charpente du groupe scolaire, la capacité portant bois, la structure du local de conditionnement et traitement d'air (CTA) et la sécurité incendie ayant été identifiés postérieurement au dépôt de ce rapport, une seconde expertise portant sur ces derniers désordres a été ordonnée le 6 juin 2016 par le juge des référés. M. A..., de nouveau désigné en qualité d'expert, a déposé son rapport le 2 juillet 2018. Les sociétés Arch'Philippe Vincent et Climarex ayant fait l'objet de procédures de liquidation judiciaire, la commune de Louveciennes a demandé au tribunal administratif de Versailles la condamnation des seules sociétés Deschamps et BTP Consultants à l'indemniser de la totalité des préjudices résultant des désordres susmentionnés, sur le fondement de leur responsabilité décennale. Par la présente requête, la commune de Louveciennes relève appel du jugement du 21 janvier 2021 par lequel le tribunal a rejeté cette demande et sollicite, à titre subsidiaire, la condamnation des sociétés Deschamps et BTP Consultants sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Par la voie de l'appel provoqué, la société Deschamps demande que sa responsabilité soit limitée à 80 % et la société BTP Consultants demande pour sa part à être entièrement garantie des condamnations qui seraient prononcées à son encontre par la société Deschamps.

Sur la recevabilité des conclusions fondées sur la responsabilité contractuelle :

2. La commune de Louveciennes n'avait, devant les premiers juges, présenté de conclusions que sur le fondement de la responsabilité décennale. Elle n'est dès lors pas recevable à se prévaloir, pour la première fois en appel, de la responsabilité contractuelle des sociétés intimées, ce fondement relevant d'une cause juridique nouvelle par rapport à celle qui avait été invoquée devant le tribunal. Ses conclusions présentées à ce titre ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur la recevabilité des conclusions de la requête dirigées contre la société BTP Consultants s'agissant des désordres liés aux écoulements d'eau :

3. Il résulte de l'instruction qu'en première instance, la commune de Louveciennes n'avait présenté des conclusions indemnitaires dirigées contre la société BTP Consultants que s'agissant de la réparation des désordres autres que ceux liés aux écoulements d'eau. Par suite les conclusions qu'elle présente contre la société BTP Consultants en appel tendant à la réparation de tels désordres solidairement avec la société Deschamps constituent une demande nouvelle et ne sont dès lors pas recevables.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

5. En revanche, la garantie décennale ne s'applique pas à des désordres qui étaient apparents lors de la réception de l'ouvrage.

En ce qui concerne les écoulements d'eau :

6. Il résulte de l'instruction qu'au moment de la réception des travaux, des écoulements avaient déjà été constatés au droit du lanterneau de la salle 25 et au droit de la souche de ventilation dans les sanitaires, le maître d'œuvre précisant dans le procès-verbal de réception que les " infiltrations proviennent des pièces costières des lanterneaux ; la résine polyester se craquelle et se casse ; après constat il semblerait que ce défaut se produise sur 70 % des lanterneaux ; une visite d'urgence avec le fabriquant s'impose dans les plus bref délais. ".

7. Postérieurement à la réception, les désordres liés aux écoulements d'eau se sont généralisés dans tout le bâtiment conduisant la commune de Louveciennes à saisir le tribunal pour obtenir la désignation d'un expert judiciaire.

8. Selon le rapport d'expertise judiciaire de M. A... déposé le 22 janvier 2014, les écoulements d'eau apparus dans les diverses salles de classe, les salles des professeurs et les locaux du personnel " sont dus à une mauvaise ventilation de la sous-face de la couverture et à une condensation ". Selon l'expert, les essais d'arrosage ont en effet démontré que la couverture était bien étanche mais que l'ancienne étanchéité du bâtiment, restée en place, jouait le rôle de " pare-vapeur " et provoquait de la condensation en raison du dysfonctionnement du réseau de ventilation et d'extraction d'air. L'expert judiciaire attribuait alors la responsabilité de ces désordres à la commune de Louveciennes, sans davantage d'explication.

9. A la suite de ce rapport judiciaire, la commune a fait réaliser une expertise toiture par la société Bat'Expert dont le rapport, daté du 15 octobre 2015, fait état d'une erreur majeure de conception de la toiture dont le faitage ne permet pas une ventilation suffisante sous la couverture, à l'origine des désordres constatés. Elle constate également que les costières des lanterneaux ne sont pas isolées, contrairement aux exigences figurant au point 2.4 du CCTP de février 2005, ce qui augmente les ponts thermiques et favorise également les apparitions de gouttelettes de condensation. Sa visite des combles permet en outre de mettre à jour " une anarchie constructive ", la société relevant " des ponts thermiques importants, des cheminements techniques aléatoires, un plancher sous les caissons VMC à reprendre intégralement " ainsi qu'un " cheminement de l'air impossible au droit des appuis sur pannes Z ". La société Bat'Expert a par ailleurs également relevé des " infiltrations en façade au droit des chêneaux provoquant des dégradations et des infiltrations dans les locaux " dues à l'absence de larmier sur le rebord du toit et à des remontées par capillarité derrière la bande d'égout de l'eau captée par le traitement régulateur de condensation, alors que " les bas de bac doivent être dépourvus du revêtement régulateur de condensation en bas de versant et aux zones de recouvrement ". La société conclut qu'" il est surprenant que les travaux aient été réalisés avec aussi peu de professionnalisme et que des paramètres essentiels aient échappés aux experts, bureaux de contrôle et maître d'œuvre " et que " seule une reprise générale résoudra les problèmes de façon pérenne ".

10. Dans son second rapport d'expertise judiciaire du 2 juillet 2018, M. A... reprend à son compte les conclusions de l'expertise de la société Bat'Expert et attribue la responsabilité de ces désordres à la société Deschamps à hauteur de 95 % et à la société Arch'Philippe Vincent à hauteur de 5 %.

11. Les différentes expertises menées ont ainsi démontré que les écoulements d'eau apparus sur l'ensemble du bâtiment étaient dus de façon principale à un phénomène de condensation généralisé imputable à un vice majeur de conception de la couverture (faitage non ventilé) ainsi qu'à une mauvaise exécution des travaux et que l'absence d'isolation des pièces costières des lanterneaux, réservée lors de la réception, était uniquement de nature à aggraver les ponts thermiques générés par l'insuffisante ventilation sous toiture mais ne pouvait à elle seule conduire à des désordres d'une telle ampleur. Les expertises menées ont également permis de déceler que les désordres d'infiltrations constatés en façades étaient dus à une mauvaise exécution des travaux au droit de la bande d'égout (absence de closoir et de larmier notamment) qui n'avaient été nullement réservés à la réception. Ainsi, tant l'ensemble des causes des désordres que l'ampleur de leurs conséquences dommageables n'étaient pas décelables par le maître d'ouvrage à la réception des travaux. Par suite, la commune de Louveciennes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a écarté la responsabilité décennale des constructeurs en considérant que les vices à l'origine des désordres étaient apparents au moment de la réception du chantier.

12. Il s'ensuit que la commune de Louveciennes est fondée à demander la condamnation de la société Deschamps, responsable de l'exécution des travaux, à l'indemniser des travaux de réfection chiffrés par l'expert à 353 858,12 euros hors taxes, soit 424 629,74 euros toutes taxes comprises, correspondant au devis produit par la société Deschamps elle-même pour le changement de la sur-toiture en bac acier, somme à laquelle il y a lieu d'ajouter les travaux de réfection des peintures pour un montant non contesté de 101 110 euros hors taxes, soit 121 332 euros toutes taxes comprises. Si la commune de Louveciennes est en droit de solliciter par ailleurs une majoration du coût des travaux afin de couvrir les frais annexes de maîtrise d'œuvre, du bureau de contrôle et de l'OPC dont la présence sera nécessaire compte tenu de l'importance des travaux de réfection de la toiture, il n'est pas établi que les travaux de réfection de la toiture nécessitent l'intervention de plusieurs entreprises. Par suite, il y a lieu de soustraire des frais annexes la majoration (1 %) résultant de l'intervention d'une coordination en matière de sécurité et de santé des travailleurs (SPS) et de fixer à 12,5% la majoration applicable. Il n'y a pas lieu par ailleurs d'appliquer cette majoration aux travaux de reprise des peintures qui ne présentent aucune complexité particulière. Par suite, la commune de Louveciennes est uniquement fondée à solliciter la somme de 498 943,46 euros hors taxes HT, soit 598 732,15 euros toutes taxes comprises au titre du coût des travaux nécessaires à la reprise des désordres liés aux écoulements d'eau.

13. Enfin, il n'appartient pas à la cour, en l'absence de conclusions d'appel en garantie, de faire des déclarations de droit et de fixer le partage de responsabilité entre la société Deschamps et le cabinet de maîtrise d'œuvre. Par suite, cette demande de la société Deschamps doit être rejetée.

En ce qui concerne les désordres affectant le local CTA :

14. Il résulte de l'audit de sécurité du groupe scolaire réalisé le 28 mai 2015 par la société SECSI et de l'étude menée par la société Eribois et structures du 17 février 2016, confirmés par le second rapport d'expertise du 2 juillet 2018, que l'isolation au feu et la stabilité du plancher bas dans le local de conditionnement et de traitement d'air (CTA) sont insuffisants et non conformes aux prescriptions de l'arrêté du 25 juin 1980 portant application du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public, que la stabilité des caissons de la VMC double flux installée est incertaine et qu'il n'existait dans ce local à risque aucune détection incendie, ayant conduit l'expert à demander l'installation en urgence de détecteurs à incendie provisoires dans le local. Ces insuffisances sont de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination.

15. Alors toutefois qu'elle demandait en première instance la condamnation de la société BTP Consultants à titre principal à payer les sommes " de 220 000 euros toutes taxes comprises au titre de la détection incendie, de 8 916 euros toutes taxes comprises au titre du renforcement isolation au feu de la structure du local CTA ainsi que 25 444,80 euros au titre du renforcement de la charpente existante ", augmentées des frais annexes, la commune de Louveciennes a réduit ses prétentions en appel et ne demande plus à la cour que la condamnation de la société BTP Consultants à l'indemniser d'une somme de 8 916 euros toutes taxes comprises, somme correspondant selon l'expert au chiffrage par la société SCM des travaux de renforcement et d'isolation au feu de la structure du local CTA. La demande de la commune doit donc être regardée comme limitée à ces derniers travaux.

16. S'il est constant que le plancher et l'isolation au feu de ce local technique ne faisaient pas partie des travaux prévus au marché, des travaux confortatifs étaient toutefois induits par l'installation d'une VMC double flux dans les combles du bâtiment au regard des normes de sécurité applicables et du poids de cette installation. Ils relevaient donc des travaux confiés à la société BTP Consultants et étaient de nature à engager sa responsabilité décennale au titre de ses missions de contrôle technique de type L, portant sur la solidité des ouvrages et des éléments d'équipement indissociables, de type SEI, portant sur les conditions de sécurité des personnes dans les constructions ainsi que de type LE, relative à la solidité des existants. Il ne résulte pas par ailleurs de l'instruction que ces insuffisances étaient connues du maître d'ouvrage ou auraient pu être aisément relevées par celui-ci au moment de la réception.

17. Néanmoins, le coût des travaux nécessaires pour réaliser un ouvrage propre à sa destination sont à la charge du maître de l'ouvrage. Or en l'espèce, il résulte de l'instruction que le coût des travaux nécessaires à la mise en conformité de ce local avec la règlementation sur la sécurité incendie n'est pas supérieur à celui qu'aurait dû en tout état de cause prendre en charge la commune si ces travaux avaient été prévus dès l'origine au contrat.

18. Il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin d'examiner les conclusions d'appel en garantie présentées par le contrôleur technique, les conclusions de la commune de Louveciennes tendant à obtenir la condamnation de la société BTP Consultants à l'indemniser du coût des travaux de renforcement et d'isolation au feu de la structure du local CTA doivent être rejetées.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Louveciennes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté entièrement sa demande et à demander la condamnation de la société Deschamps à l'indemniser d'une somme de 598 732,15 euros toutes taxes comprises au titre des travaux nécessaires à la reprise des désordres liés aux écoulements d'eau affectant son établissement, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2018, date de saisine par la commune du tribunal administratif, et de leur capitalisation à compter du 14 novembre 2019.

Sur les dépens :

20. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".

21. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais des deux expertises ordonnées par le tribunal administratif de Versailles et taxés à la somme de 11 180,68 euros toutes taxes comprises et 15 789,20 euros toutes taxes comprises par ordonnances du président du tribunal des 5 février 2014 et 18 septembre 2018, à la charge définitive de la société Deschamps.

Sur les frais relatifs à l'instance d'appel :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Louveciennes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que la société Deschamps et la société BTP Consultants demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu également, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions de la société BTP Consultants présentées sur le fondement de ces dispositions à l'égard de " tout succombant ". Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Deschamps la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Louveciennes et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La société Deschamps est condamnée à verser à la commune de Louveciennes la somme de 598 732,15 euros toutes taxes comprises au titre des travaux nécessaires à la reprise des désordres liés aux écoulements d'eau, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2018 et de leur capitalisation à compter du 14 novembre 2019.

Article 2 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme totale de 26 969,88 euros toutes taxes comprises, sont mis à la charge définitive de la société Deschamps.

Article 3 : Le jugement n° 1807907 du 21 janvier 2021 du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire aux article 1er et 2 du présent arrêt.

Article 4 : La société Deschamps versera à la commune de Louveciennes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Louveciennes est rejeté.

Article 6 : Les conclusions d'appel provoqué de la société Deschamps ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Les conclusions d'appel provoqué de la société BTP Consultants ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Louveciennes, à la société Deschamps, à la société BTP Consultants, à Me Philippe Samzun, mandataire judiciaire, liquidateur de la SARL Arch'Philippe Vincent et à la société JSA, mandataire ad hoc de la société Climarex.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.

La rapporteure,

J. FLORENTLe président,

P-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE00807


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00807
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Julie FLORENT
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : LARRIEU & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;21ve00807 ?
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