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09/02/2024 | FRANCE | N°23VE02579

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 09 février 2024, 23VE02579


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Intrum Corporate a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 5 juillet 2023 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Île-de-France a refusé de valider l'accord collectif portant projet de plan de sauvegarde de l'emploi de cette société.



Par un jugement n° 2310136 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rej

eté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Intrum Corporate a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 5 juillet 2023 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Île-de-France a refusé de valider l'accord collectif portant projet de plan de sauvegarde de l'emploi de cette société.

Par un jugement n° 2310136 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 novembre 2023 et le 30 janvier 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société Intrum Corporate, représentée par Me Jérôme Chomel de Varagnes, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de valider l'accord collectif portant projet de plan de sauvegarde de l'emploi de cette société ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'administration a considéré à tort qu'elle était obligée de proposer un congé de reclassement dans son plan de sauvegarde de l'emploi du fait de son appartenance à un groupe de dimension communautaire au sens de l'article L. 2341-2 du code du travail, alors que ces dernières dispositions renvoient à l'article L. 2331-1 de ce même code, qui pose la condition de la situation en France du siège social de l'entreprise dominante.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 janvier 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Intrum Corporate ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham,

- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,

- et les observations de Me Jérôme Chomel de Varagnes pour la société Intrum Corporate.

Considérant ce qui suit :

1. Le 6 avril 2023, la société Intrum Corporate a ouvert une procédure d'information consultation avec son comité social et économique en vue d'aboutir à la suppression initiale de vingt-sept postes dans l'entreprise, suppression finalement réduite à vingt-six postes. A l'issue de cette procédure, un accord collectif portant sur le projet de licenciement collectif pour motif économique et le plan de sauvegarde de l'emploi est intervenu, signé le 22 mai 2023 par l'ensemble des organisations syndicales représentatives. La société a alors saisi le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France en vue d'obtenir la validation de cet accord. Par une décision du 5 juillet 2023, l'autorité administrative a refusé cette validation. Par le jugement n° 2310136 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de la société Intrum Corporate tendant à l'annulation de cette décision. Celle-ci relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 1233-24-1 du code du travail : " Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité social et économique et de mise en œuvre des licenciements. (...). ". Aux termes de l'article L. 1233-57-2 de ce code : " L'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de :/ 1° Sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 ; (...). ". Aux termes de l'article L. 1233-24-3 du même code : " L'accord prévu à l'article L. 1233-24-1 ne peut déroger : / (...) 3° A l'obligation, pour l'employeur, de proposer aux salariés le contrat de sécurisation professionnelle prévu à l'article L. 1233-65 ou le congé de reclassement prévu à l'article L. 1233-71 (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 1233-71 du code du travail : " Dans les entreprises ou les établissements d'au moins mille salariés, ainsi que dans les entreprises mentionnées à l'article L. 2331-1 et celles répondant aux conditions mentionnées aux articles L. 2341-1 et L. 2341-2, dès lors qu'elles emploient au total au moins mille salariés, l'employeur propose à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique un congé de reclassement qui a pour objet de permettre au salarié de bénéficier d'actions de formation et des prestations d'une cellule d'accompagnement des démarches de recherche d'emploi (...). ". Aux termes de l'article L. 2341-2 de ce code : " Pour l'application du présent titre, on entend par groupe d'entreprises de dimension communautaire, le groupe, au sens de l'article L. 2331-1, satisfaisant aux conditions d'effectifs et d'activité mentionnées à l'article L. 2341-1 et comportant au moins une entreprise employant au moins cent cinquante salariés dans au moins deux des Etats mentionnés à ce même article. ". Aux termes du I de l'article L. 2331-1 de ce même code : " Un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative doit s'assurer de ce que l'accord collectif ne déroge pas à l'obligation, prévue à l'article L. 1233-71 du code du travail, de proposer un congé de reclassement, y compris dans l'hypothèse, qui est celle de l'espèce, où l'accord prévoit la proposition du contrat de sécurisation professionnelle.

4. Le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités a refusé de valider l'accord collectif présenté par la société Intrum Corporate, au motif qu'appartenant à un groupe de dimension communautaire, au sens des dispositions de l'article L. 2341-2 du code du travail, cette société était tenue d'inclure, en application des dispositions de l'article L. 1233-71 du même code, une proposition de congé de reclassement dans son plan de sauvegarde de l'emploi, et non seulement un contrat de sécurisation professionnelle. La société requérante fait valoir que le groupe dont la société Intrum AB est l'entreprise dominante ne saurait être qualifié de groupe de dimension communautaire au sens des dispositions de l'article L. 2341-2 du code du travail, dès lors que le siège de son entreprise dominante ne se situe pas sur le territoire français mais à Stockholm et ne remplit ainsi pas les conditions énoncées à l'article L. 2331-1 du code du travail. Toutefois, pour l'application des dispositions de l'article L. 1233-71 du code du travail, les entreprises répondant aux conditions mentionnées à l'article L. 2341-2 du code du travail doivent s'entendre comme les entreprises appartenant à un groupe communautaire formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle, quel que soit le lieu d'implantation du siège de l'entreprise dominante, pourvu qu'il se situe au sein de l'Union européenne. En effet, la condition d'implantation en France n'est posée que pour l'application de l'article L. 2331-1 du code du travail lui-même, qui régit la création d'un comité de groupe, mais non pour la définition d'un groupe de dimension communautaire, qui peut avoir son siège dans n'importe quel pays de l'Union européenne.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la société Intrum Corporate n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin de validation de l'accord collectif ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Intrum Corporate est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Intrum Corporate et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Copie en sera adressée au directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

M. Ablard, premier conseiller,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2024.

La rapporteure,

C. PHAM Le président,

S. BROTONS

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 23VE02579 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE02579
Date de la décision : 09/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-02 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés non protégés - Licenciement pour motif économique (avant les lois du 3 juillet et du 30 décembre 1986).


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : EQUIPAGE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-09;23ve02579 ?
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