Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Levallois-Perret a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2017 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a prononcé à son encontre la carence définie par l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation au titre de la période triennale 2014-2016 et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1801229 du 9 novembre 2021 le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 janvier 2022, la commune de Levallois-Perret, représentée par Me Bodin, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté DRIHL/SHRU du préfet des Hauts-de-Seine n° 2017-100 du 8 décembre 2017 ;
3°) et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Levallois-Perret soutient que :
- la minute du jugement n'a pas été signée, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le jugement est entaché d'erreur de fait, dès lors que les premiers juges ont estimé que la commission nationale avait rendu un avis sur le fondement du III de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation, alors même que c'est sur le fondement du II que la commission s'était prononcée ;
- l'arrêté contesté est entaché de plusieurs vices de procédure ;
- l'avis de la commission régionale de l'habitat et de l'hébergement tout comme l'avis de la commission nationale prévue au II de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation n'ont pas été communiqués à la commune ;
- la commission départementale chargée de l'examen du respect des obligations de réalisation des logements sociaux n'a pas été consultée, en dépit de l'intention du préfet de la saisir pour avis ;
- le comité régional de l'habitat et de l'hébergement a émis son avis sans que la commune ait été préalablement mise à même de présenter des observations, en violation du principe du contradictoire et des droits de la défense et des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la commission nationale prévue au II de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation a émis un avis dans des conditions irrégulières, dès lors que cet avis n'a fait l'objet d'aucune publication, qu'il est insuffisamment motivé, et que le maire de la commune de Levallois-Perret n'a pas été entendu préalablement ;
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît le principe d'impartialité, dès lors que la procédure de sanction instaurée par l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation confère à une seule et même autorité le pouvoir d'instruire et de sanctionner une commune, en méconnaissance des stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 100-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, dès lors qu'il ne prévoit pas le transfert à l'Etat des droits de réservation dont dispose la commune sur des logements sociaux existants ou à livrer ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation de l'écart entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale, au regard du degré d'engagement de la commune à atteindre ces objectifs et des difficultés qu'elle a rencontrées ;
- le taux de majoration du prélèvement opéré sur les ressources fiscales de la commune, fixé à 1.6, est disproportionné.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 14 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 décembre 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cozic,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Bodin, pour la commune de Levallois-Perret.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet des Hauts-de-Seine a, par un arrêté n° 2017-100 du 8 décembre 2017, pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, prononcé la carence de la commune de Levallois-Perret au titre de la période triennale 2014-2016, et fixé à 1.6 le taux de majoration appliqué sur le montant du prélèvement prévu par les dispositions de l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation, à compter du 1er janvier 2018. La commune de Levallois-Perret demande à la cour d'annuler le jugement n° 1801229 du 9 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".
3. Il ressort de la minute du jugement attaqué que celui-ci a été signé par le président de la formation de jugement, la rapporteure ainsi que la greffière d'audience, conformément aux exigences de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré du défaut de signature du jugement manque en fait et doit être écarté.
4. En second lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de procédure ou de forme qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée, dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, la requérante ne peut utilement se prévaloir de l'existence d'une erreur de fait qu'auraient commise les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué sur le terrain de la régularité.
Sur la légalité de l'arrêté du 8 décembre 2017 :
5. Aux termes de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation : " Les dispositions de la présente section s'appliquent aux communes dont la population est au moins égale à 1 500 habitants en Ile-de-France (...) qui sont comprises, au sens du recensement de la population, dans une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente, au 1er janvier de l'année précédente, moins de 25 % des résidences principales ". Aux termes de l'article L. 302-7 du même code dans sa version applicable au présent litige : " A compter du 1er janvier 2002, il est effectué chaque année un prélèvement sur les ressources fiscales des communes visées à l'article L. 302-5 (...) ". Dans sa rédaction applicable à la période triennale 2014-2016 en litige, le I de l'article L. 302-8 du même code prévoit que, pour atteindre, dans les communes d'Ile-de-France de plus de 1 500 habitants, un nombre de logements locatifs sociaux au moins égal à 25 % du nombre de résidences principales, au plus tard à la fin de l'année 2025, " le conseil municipal définit un objectif de réalisation de logements locatifs sociaux par période triennale " et le II du même article indique que " l'objectif de réalisation de logements locatifs sociaux défini au I précise la typologie des logements à financer (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 302-9-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque, dans les communes soumises au prélèvement défini à l'article L. 302-7, au terme de la période triennale échue, les engagements figurant dans le programme local de l'habitat n'ont pas été tenus ou, à défaut de programme local de l'habitat, le nombre de logements locatifs sociaux à réaliser en application du dernier alinéa de l'article L. 302-8 n'a pas été atteint, le préfet informe le maire de la commune de son intention d'engager la procédure de constat de carence. Il lui précise les faits qui motivent l'engagement de la procédure et l'invite à présenter ses observations dans un délai au plus de deux mois. / En tenant compte de l'importance de l'écart entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale échue, du respect de l'obligation, visée à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 302-8, de mettre en chantier, pour chaque période triennale, au moins 30 % de logements locatifs sociaux rapportés au nombre total de logements commencés, du respect de la typologie prévue au II du même article L. 302-8, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, le préfet peut, par un arrêté motivé pris après avis du comité régional de l'habitat, prononcer la carence de la commune. Par le même arrêté et en fonction des mêmes critères, il fixe, pour une durée maximale de trois ans à compter du 1er janvier de l'année suivant sa signature, la majoration du prélèvement défini à l'article L. 302-7 et après avis de la commission mentionnée au I de l'article L. 302-9-1-1. Le prélèvement majoré ne peut être supérieur à cinq fois le prélèvement mentionné à l'article L. 302-7. Le prélèvement majoré ne peut excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune figurant dans le compte administratif établi au titre du pénultième exercice. (...) / L'arrêté du représentant de l'Etat dans le département peut faire l'objet d'un recours de pleine juridiction. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une commune n'a pas respecté son objectif triennal de réalisation de logements sociaux, il appartient au préfet, après avoir recueilli ses observations et les avis prévus au I de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, d'apprécier si, compte tenu de l'écart existant entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, il y a lieu de prononcer la carence de la commune, et, dans l'affirmative, s'il y a lieu de lui infliger une majoration du prélèvement annuel prévu à l'article L. 302-7 du même code, en fixant alors le montant dans la limite des plafonds fixés par l'article L. 302-9-1.
En ce qui concerne la légalité externe :
7. En premier lieu, l'arrêté en litige vise en particulier les articles L. 302-5 à L. 302-9-1 et R. 302-14 à R. 302-26 du code de la construction et de l'habitation ainsi que les principaux éléments de la procédure mise en œuvre. Le préfet des Hauts-de-Seine a également rappelé que l'objectif de réalisation de logements sociaux de la commune de Levallois-Perret était de 466 logements pour la période triennale 2014-2016 et que le nombre d'agréments ou de conventionnements de logements sociaux de la commune pour la même période devait comporter 30% au plus de l'objectif de réalisations en prêt locatif social (PLS), soit 139 logements et 30% au moins de ce même objectif en prêt locatif aidé d'insertion (PLAI) soit 139 logements. Il a en outre indiqué que le bilan triennal faisait état, d'une part, de la réalisation globale de 200 logements sociaux, soit un taux de réalisation de 42,9%, d'autre part de la réalisation de 107 logements en PLS et de 126 logements en PLAI ou assimilés. Le préfet a également souligné que les éléments avancés par le maire dans son courrier du 5 avril 2017 présentant ses observations sur le non-respect de l'objectif triennal, ne suffisaient pas à justifier du non-respect de ses obligations par la commune. Il a précisé de manière spécifique que le contentieux opposant la préfecture et l'Office public de l'habitat (OPH) de Levallois n'empêchait pas l'OPH ou tout autre opérateur agréé de déposer une demande d'agrément auprès de la préfecture, tout en explicitant le calcul du taux de majoration qu'il a décidé d'appliquer sur le montant du prélèvement par logement manquant à compter du 1er janvier 2018 pour une durée maximale de trois ans. Ainsi, et alors qu'il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que l'arrêté en litige aurait dû rappeler le sens de l'avis rendu respectivement par la commission régionale de l'habitat et de l'hébergement et par la commission nationale prévue au II de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation, l'arrêté attaqué doit être regardé comme suffisamment motivé.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction applicable : " I. - Pour les communes n'ayant pas respecté la totalité de leur objectif triennal, le représentant de l'Etat dans le département réunit une commission chargée de l'examen du respect des obligations de réalisation de logements sociaux. Cette commission, présidée par le représentant de l'Etat dans le département, est composée du maire de la commune concernée, (...) des représentants des bailleurs sociaux présents sur le territoire de la commune et des représentants des associations et organisations dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées, œuvrant dans le département. Cette commission est chargée d'examiner les difficultés rencontrées par la commune l'ayant empêchée de remplir la totalité de ses objectifs, d'analyser les possibilités et les projets de réalisation de logements sociaux sur le territoire de la commune et de définir des solutions permettant d'atteindre ces objectifs. / Si la commission parvient à déterminer des possibilités de réalisation de logements sociaux correspondant à l'objectif triennal passé sur le territoire de la commune, elle peut recommander l'élaboration, pour la prochaine période triennale, d'un échéancier de réalisations de logements sociaux permettant, sans préjudice des obligations fixées au titre de la prochaine période triennale, de rattraper le retard accumulé au cours de la période triennale échue. Si la commission parvient à la conclusion que la commune ne pouvait, pour des raisons objectives, respecter son obligation triennale, elle saisit, avec l'accord du maire concerné, une commission nationale placée auprès du ministre chargé du logement. / II. - La commission nationale (...) entend le maire de la commune concernée ainsi que le représentant de l'Etat du département dans lequel la commune est située. / Si la commission parvient à la conclusion que la commune ne pouvait, pour des raisons objectives, respecter son obligation triennale, elle peut recommander au ministre chargé du logement un aménagement des obligations prévues à l'article L. 302-8. / Si la commission parvient à déterminer des possibilités de réalisation de logements sociaux correspondant à l'objectif triennal passé, elle recommande l'élaboration, pour la prochaine période triennale, d'un échéancier de réalisations de logements sociaux permettant, sans préjudice des obligations fixées au titre de la prochaine période triennale, de rattraper le retard accumulé au cours de la période triennale échue et la mise en œuvre de l'article L. 302-9-1. / (...) Les avis de la commission sont motivés et rendus publics. / III. - Préalablement à la signature par les représentants de l'Etat dans les départements des arrêtés de carence dans les conditions définies à l'article L. 302-9-1, dans le cadre de la procédure de bilan triennal, la commission nationale peut se faire communiquer tous les documents utiles et solliciter les avis qu'elle juge nécessaires à son appréciation de la pertinence d'un projet d'arrêté de carence, de l'absence de projet d'arrêté de carence et de la bonne prise en compte des orientations nationales définies par le ministre chargé du logement. Elle peut, dans ce cadre, de sa propre initiative ou sur saisine du comité régional de l'habitat et de l'hébergement, émettre des avis et des recommandations aux représentants de l'Etat dans les départements. Elle transmet ses avis au ministre chargé du logement. / (...) ". Aux termes de l'article R. 302-26 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " (...) III. - La saisine de la commission au titre du dernier alinéa du I de l'article L. 302-9-1-1 intervient avant le 31 décembre de l'année suivant chaque période triennale définie au VII de l'article L. 302-8. Elle statue avant le 31 mars de l'année suivante. / Les avis motivés de la commission sont transmis au ministre, qui assure leur publicité. Si l'avis comporte des recommandations en matière de construction de logements locatifs sociaux, prévues aux quatrième ou cinquième alinéas du II de l'article L. 302-9-1-1, l'avis est également transmis au préfet du département, qui le notifie au maire de la commune concernée et, le cas échéant, au président de l'établissement public de coopération intercommunale dont la commune est membre (...). ".
9. D'une part, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation que la commission nationale placée auprès du ministre en charge du logement dispose d'une double compétence. D'une part, en application du II de cet article, elle est saisie par la commission départementale mentionnée au I du même article, avec l'accord du maire concerné, dans l'unique hypothèse où cette commission départementale parvient à la conclusion que la commune ne pouvait, pour des raisons objectives, respecter son obligation triennale. D'autre part, en application du III de cet article, la commission nationale peut, de sa propre initiative, le cas échéant après avoir demandé la communication de tous documents qu'elle juge utiles ou sollicité les avis qu'elle estime nécessaires, émettre, à l'intention du préfet, un avis sur la pertinence de projets d'arrêté de carence, ou au contraire de l'absence de projet d'arrêté de carence, sans qu'il soit nécessaire pour elle, dans ce cadre, de procéder à une quelconque audition ou réunion, ni de motiver, rendre public ou notifier son avis à la commune concernée. En l'espèce, en dépit d'un visa erroné de l'arrêté attaqué, il résulte de l'instruction que l'avis du 18 octobre 2017 de la commission nationale a été rendu de sa propre initiative, sur le fondement du III de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation. La commission nationale n'était donc pas tenue d'entendre le maire de la commune avant d'émettre son avis, ni de notifier celui-ci à la commune concernée ou d'en assurer la publicité, comme cela est prévu seulement par les dispositions du II de ce même article L. 302-9-1-1. Il résulte en outre de l'instruction que l'avis de la commission nationale du 18 octobre 2017 est suffisamment motivé dès lors qu'il vise expressément les dispositions du III de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation, qu'il expose les résultats du vote procédant à son approbation, et qu'il explicite ses constats et recommandations de manière particulièrement détaillée sur plusieurs pages.
10. D'autre part, il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que l'avis rendu le 3 juillet 2017 par la commission régionale de l'habitat et de l'hébergement sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation devait être communiqué à la commune de Levallois-Perret.
11. Enfin, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Il résulte de l'instruction que le préfet des Hauts-de-Seine a invité, par un courrier du 26 avril 2017, le maire de la commune de Levallois-Perret à participer à la réunion du 12 mai 2017 de la commission départementale prévue au I de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation, en vue d'examiner les difficultés rencontrées par la commune de Levallois-Perret et les raisons de la non-réalisation de son objectif triennal de logements sociaux, alors même qu'une telle consultation ne constitue pas une formalité obligatoire préalable à l'édiction de l'arrêté de carence en litige. Il résulte de l'instruction que, par des courriels du 11 mai 2017, le maire de la commune de Levallois-Perret a expressément demandé au préfet de reporter cette réunion à une date postérieure " aux prochaines élections législatives, qui seules permettront de déterminer quelle sera la politique de la Nation durant la législature qui s'annonce ", et clairement indiqué que " la ville de Levallois ne sera (...) pas représentée demain à l'occasion de la réunion de la commission spécifique SRU la concernant ". De ce fait, la commune doit être regardée comme ayant délibérément renoncé au bénéfice des garanties attachées à la tenue de cette commission. A la suite de l'expression de ce refus, il ressort des pièces du dossier que cette commission n'a pas été effectivement réunie par le préfet des Hauts-de-Seine, qui doit être regardé comme ayant renoncé à mettre en œuvre cette procédure. Mais eu égard aux circonstances précitées, la commune requérante ne saurait utilement soutenir que faute d'avoir été entendue par cette commission, l'arrêté attaqué serait entaché d'un vice de procédure. Pour les mêmes motifs, et alors qu'il résulte de l'instruction que cette commission n'a finalement pu être réunie, la commune requérante ne saurait utilement se prévaloir d'un quelconque vice de procédure résultant de l'absence de consultation de cette commission.
12. En troisième lieu, l'article R. 362-2 du code de la construction et de l'habitation dispose que : " Le comité régional de l'habitat et de l'hébergement est également consulté : / (...) Au vu des bilans triennaux prévus à l'article L. 302-9, sur les projets d'arrêtés prévus à l'article L. 302-9-1(...) ".
13. D'une part, il résulte de l'instruction que le préfet des Hauts-de-Seine a indiqué le 13 février 2017 au maire de Levallois-Perret son intention d'engager à son encontre la procédure de constat de carence et a invité celui-ci à présenter ses observations dans un délai de deux mois. Le maire de Levallois-Perret a fourni les explications requises le 26 avril 2017, ce qui a permis au préfet d'en tenir compte avant la réunion du comité régional de l'habitat qui s'est tenue le 3 juillet 2017. La procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation a ainsi été respectée.
14. D'autre part, aucune disposition légale ou règlementaire n'impose que le comité régional de l'habitat dispose des observations du maire avant d'émettre l'avis prévu à l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation sur la procédure de constat de carence engagée à l'encontre d'une commune. De même, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose la communication à la commune de l'avis rendu par le comité régional de l'habitat avant que ledit arrêté soit édicté.
15. Enfin, les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, imposant le respect d'une procédure préalable obligatoire pour certaines catégories de décisions, sont inapplicables en l'espèce, dès lors que les dispositions précitées de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation ont instauré une procédure contradictoire particulière. La commune de Levallois-Perret ne saurait ainsi utilement se prévaloir de la méconnaissance de cet article.
16. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du non-respect de la procédure contradictoire préalable à l'édiction de l'arrêté attaqué doit être écarté.
17. En quatrième lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article L. 100-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration agit dans l'intérêt général et respecte le principe de légalité. Elle est tenue à l'obligation de neutralité et au respect du principe de laïcité. Elle se conforme au principe d'égalité et garantit à chacun un traitement impartial. " La majoration du prélèvement obligatoire prévue par les dispositions de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation présente le caractère d'une sanction. Toutefois, d'une part, l'autorité préfectorale investie de ce pouvoir de sanction ne peut, eu égard à sa nature et sa composition, être regardée comme un tribunal au sens des stipulations précitées. D'autre part, les exigences d'impartialité énoncées à l'article L.100-2 du code des relations entre le public et l'administration n'impliquent nullement, par elles-mêmes, l'obligation de séparer organiquement les fonctions d'instruction et de sanction dont certains services administratifs peuvent être chargés, mais imposent seulement que ces services et leurs agents ne se détournent pas de leurs missions d'intérêt général. Par suite, la commune ne saurait utilement soutenir que la désignation du préfet comme autorité administrative compétente pour prononcer la sanction mentionnée par L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation serait de nature à porter atteinte au principe d'impartialité, au motif que les services de la direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement, placés directement sous son autorité, sont également chargés d'instruire et de constater la situation de carence, de déterminer le nombre de logements sociaux décomptés et de définir les objectifs quantitatifs et qualitatifs de rattrapage. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
18. En premier lieu, la commune reprend, en appel, le moyen qu'elle avait invoqué en première instance tiré de ce que l'arrêté en litige méconnait les dispositions de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation dès lors qu'il ne prévoit pas le transfert des droits de réservation de la commune à l'Etat. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise au point 12 de son jugement.
19. En deuxième lieu, lorsqu'une commune demande l'annulation d'un arrêté préfectoral prononçant sa carence et lui infligeant un prélèvement majoré en application de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer si le prononcé de la carence procède d'une erreur d'appréciation des circonstances de l'espèce et, dans la négative, d'apprécier si, compte tenu des circonstances de l'espèce, la sanction retenue est proportionnée à la gravité de la carence et d'en réformer, le cas échéant, le montant.
20. Il résulte de l'instruction que le nombre de logements locatifs sociaux réalisés sur le territoire de la commune de Levallois-Perret au titre du bilan triennal 2014-2016 est de 200 logements sociaux pour un objectif de réalisation de 466 logements, soit un taux de réalisation de 42,9 %. En outre, alors que les agréments ou conventionnements de logements sociaux réalisés au titre de cette période devaient comporter 30% minimum de financement en prêt locatif aidé d'insertion (PLAI) soit 139 logements, et 30 % minimum en prêt locatif social (PLS), soit 139 logements, son bilan triennal fait apparaître que seuls 126 logements agréés ou conventionnés ont été financés en PLAI ou assimilés, et 107 logements en PLS.
21. La commune de Levallois-Perret fait valoir qu'elle a fourni d'importants efforts en matière de réalisation de logements sociaux depuis plusieurs années, notamment entre 2001 et 2016, période durant laquelle 1 225 logements sociaux ont été délivrés, et que sa politique volontariste a permis de faire passer la part de logements sociaux par rapport aux résidences principales de 17,28% en 2010, soit 5 255 logements sociaux, à 19,61% en 2016, soit 5 967 logements sociaux, et même 20,06% en 2020. La commune rappelle qu'elle a réalisé, durant les quatre premières périodes triennales, de 2001 à 2013, un taux de réalisation de ses objectifs compris entre 321% et 454%. La commune requérante fait également valoir qu'elle a engagé 90 millions d'euros sur la période 2002 à 2016 dans le cadre de sa politique d'intervention et de maîtrise foncière et que huit emprises foncières avaient fait l'objet d'emplacements réservés lors de la dernière modification de son plan local d'urbanisme, destinés à accueillir des logements sociaux. La commune précise en outre que 643 logements supplémentaires devaient être réceptionnés en 2020, permettant d'atteindre un taux de 27,75% de logements sociaux sur l'ensemble du territoire. Toutefois, de tels éléments, relatifs à des périodes antérieures ou postérieures à la période triennale en litige sont sans incidence sur le constat de carence réalisé par les services de la préfecture au titre de la période triennale 2014-2016. De même, la circonstance que la commune ait entendu réaliser sur son territoire des logements de plus grande taille, de " vrais logements familiaux " ainsi qu'elle l'indique dans sa requête, est sans incidence sur la détermination du taux de réalisation de logements sociaux, calculé par rapport au nombre de résidences principales situées sur le territoire de la commune.
22. Si la commune soutient que dix opérations devaient démarrer en 2017, en vue de réaliser 333 logements, elle n'établit pas que ces opérations devaient bien être décomptées au titre de la période triennale 2014-2016. Elle ne conteste d'ailleurs pas que sur les 333 logements sociaux dont elle fait mention, 327 ont déjà été décomptés au bénéfice de la commune au titre de précédentes périodes triennales.
23. La commune de Levallois-Perret fait en outre mention de ce que, en dépit de ses efforts significatifs, elle a rencontré des difficultés l'empêchant d'atteindre ses objectifs. Notamment, la commune fait état de la particulière densité de son territoire en population et en logements. Elle souligne que les disponibilités foncières se sont raréfiées sur son territoire, que deux opérations de réalisation de 60 logements sociaux sont suspendues depuis quinze ans en raison de recours contentieux, que la préfecture a également formé un recours contentieux contre un " projet d'optimisation de la gestion du logement social levalloisien " entre les mains d'un seul opérateur, la société d'économie mixte (SEM) Levallois-Habitat, et que le refus par le préfet de délivrer à cette dernière un agrément, a empêché la réalisation de 250 logements.
24. Toutefois, la commune requérante n'établit pas que ces contraintes rendaient effectivement impossible ou trop difficile la réalisation du nombre de logements sociaux attendus sur son territoire. En particulier, il est constant que la commune n'a pas mobilisé les dispositifs existants d'intervention sur l'habitat privé, que ce soit par des dispositifs de renouvellement urbain ou par le conventionnement en place des logements existants, et qu'elle n'a pas davantage mobilisé tous les outils permettant d'accélérer la production de logements sociaux, en particulier le conventionnement avec l'établissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF) et le dispositif de veille foncière. Il est tout aussi constant que les difficultés alléguées par la commune, relatives à l'opération précitée de réalisation de 60 logements sociaux depuis quinze ans, ne sont pas de nature à expliquer le large déficit de 266 réalisations au regard des objectifs fixés au titre de la période triennale. De même, le déféré préfectoral formé à l'encontre du transfert par l'OPH de Levallois de l'ensemble de ses actifs et de ses passifs à la SEM Levallois-Habitat n'apparaît pas de nature à expliquer le déficit de réalisation, alors qu'il n'est pas même allégué que d'autres bailleurs sociaux n'auraient pas été en mesure de porter les projets conduits par la commune.
25. Par suite, eu égard au taux de réalisation des objectifs fixés et à la portée des difficultés alléguées, le constat de carence dressé par le préfet des Hauts-de-Seine n'est pas entaché d'une erreur d'appréciation.
26. En dernier lieu, eu égard aux éléments énoncés aux points 18 à 22 du présent arrêt et alors que la loi permettait au préfet des Hauts-de-Seine de fixer un taux maximal de majoration de 5, il ne résulte pas de l'instruction que le taux de majoration de 1,6 présenterait un caractère disproportionné au regard des taux précités de réalisation des objectifs tant quantitatifs que qualitatifs fixés pour la période en cause.
27. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Levallois-Perret n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Levallois-Perret est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Levallois-Perret et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2024.
Le rapporteur,
H. COZICLe président,
B. EVENLa greffière,
I.SZYMANSKILa République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22VE00072