Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... E... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la délibération du 14 juin 2018 par laquelle le conseil national de l'ordre des médecins a décidé de ne pas déférer le docteur A... D... devant le conseil de discipline de l'ordre des médecins.
Par un jugement n° 1805529 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 17 mai 2021 et le 17 décembre 2021, Mme E... épouse B..., représentée par Me Bordessoule de Bellefeuille, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette délibération ;
3°) d'enjoindre au conseil national de l'ordre des médecins de saisir la chambre disciplinaire de première instance de la région d'Île-de-France d'une plainte contre le docteur A...
D... ou, à défaut, de réexaminer l'affaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son avocat, Me Bordessoule de Bellefeuille, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- la décision attaquée est entachée d'un vice d'incompétence ;
- il n'est pas démontré que le conseil national de l'ordre des médecins était régulièrement composé lors de sa séance du 14 juin 2018 ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2021, le conseil national de l'ordre des médecins conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... épouse B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 27 novembre 2023 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pham, première conseillère,
- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lesaint, pour le conseil national de l'ordre des médecins.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... E... épouse B... a été heurtée, en tant que piéton, par une voiture le 7 octobre 2014. Elle a saisi le tribunal de grande instance de Paris pour être indemnisée du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de cet accident. Dans le cadre de cette procédure, elle a été examinée médicalement le 27 juin 2016 par le docteur A... D..., nommé en qualité d'expert par ordonnance du 19 avril 2016 du tribunal de grande instance de Paris. Estimant que le docteur D... s'était mal comporté à son égard, elle a demandé au conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins, puis au conseil national de l'ordre des médecins d'introduire une action disciplinaire à l'encontre de ce médecin. Ces deux instances ont refusé de faire droit à cette sollicitation. Par le jugement n° 1805529 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de Mme E... épouse B... tendant à l'annulation de la délibération du 14 juin 2018 par laquelle le conseil national de l'ordre des médecins a décidé de ne pas déférer le docteur A... D... devant le conseil de discipline de l'ordre des médecins. Mme E... épouse B... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En écartant, au point 4 du jugement attaqué, le moyen tiré de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation dont serait entachée la délibération du 14 juin 2018 au motif que la requérante n'établit par aucune pièce probante versée aux débats la conduite d'un examen sans précaution par le docteur D..., ni la connivence de celui-ci avec son ancienne avocate et qu'elle n'établit pas davantage la nature discriminante des propos qu'il aurait tenus à l'occasion de cette expertise, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit en conséquence être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique : " Les médecins (...) chargés d'un service public et inscrits au tableau de l'ordre ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l'occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l'Etat dans le département, le directeur général de l'agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit. ". La délibération attaquée a été prise à l'issue d'une séance du conseil national de l'ordre des médecins, autorité compétente, en application de ces dispositions, pour engager une action disciplinaire à l'encontre du docteur D.... Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit en conséquence être écarté.
4. En deuxième lieu, Mme E... épouse B... reprend en appel, sans critique du jugement sur ce point, son moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la délibération attaquée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges et exposés au point 2 du jugement attaqué.
5. En troisième lieu, les dispositions de l'article R. 4127-112 du code de la santé publique, aux termes desquelles " Toutes les décisions prises par l'ordre des médecins en application du présent code de déontologie doivent être motivées. (...) ", ne sont pas applicables aux décisions prises par le conseil national de l'ordre des médecins sur le fondement de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique, comme en l'espèce. En effet, les décisions visées par ces dispositions sont les décisions d'ordre administratif prises par les instances ordinales en application du code de déontologie des médecins, lesquelles ne comprennent pas les décisions que ces instances peuvent prendre en matière disciplinaire, comme celles qui sont mentionnées aux articles L. 4124-2 et L. 4123-2 du code de la santé publique. La motivation d'une décision du conseil national de l'ordre des médecins refusant d'engager une poursuite disciplinaire n'étant exigée par aucun texte ni aucun principe, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 14 juin 2018 ne peut, par suite, qu'être écarté.
6. En quatrième lieu, Mme E... épouse B... soutient que le comportement du docteur D... n'aurait pas été conforme aux règles déontologiques durant l'expertise du 27 juin 2016, qu'il n'aurait pas respecté le principe du contradictoire, qu'il ne l'aurait pas laissé exprimer ses doléances, qu'il aurait refusé de consulter le dossier médical apporté par elle, qu'il aurait levé de force son bras gauche et qu'il aurait discuté avec le représentant de la compagnie d'assurance en la laissant seule. Toutefois, elle ne produit aucun commencement de preuve de la réalité de ses allégations. Contrairement à ce qu'elle soutient, le rapport d'expertise établi par ce médecin ne comprend pas de propos négligents ou discriminants. S'il est établi en revanche que le docteur D... a contacté l'ancienne avocate de la requérante pour lui demander si elle souhaitait se joindre à la plainte pour diffamation introduite par lui à l'encontre de la requérante, une telle démarche n'est pas de nature à entraîner une poursuite disciplinaire devant le conseil national de l'ordre des médecins. Par suite, Mme E... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que la délibération attaquée serait entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... épouse B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... épouse B... et au ministre de la santé et de la prévention.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président de chambre,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.
La rapporteure,
C. PHAM Le président,
S. BROTONS
La greffière,
S. de SOUSA
La République mande et ordonne au ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 21VE01367