Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par l'établissement public de santé Roger Prévot sur sa demande présentée le 7 mars 2019 tendant au retrait de deux pièces de son dossier administratif.
Par un jugement n° 1908571 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 16 avril 2021 et le 20 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Arvis, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'enjoindre à l'établissement public de santé Roger-Prévot de retirer ces deux pièces de son dossier administratif dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir ;
4°) de mettre à la charge de l'établissement public de santé Roger-Prévot la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation, dès lors les premiers juges se sont bornés à affirmer, sans aucune explication, que les accusations dont il a été l'objet ne seraient pas inexactes ;
- le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer, dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré du fait que le dossier administratif d'un agent ne saurait comporter des accusations calomnieuses, ni au moyen tiré de ce que le dossier administratif d'un agent ne saurait comporter des données non pertinentes et excessives en application de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 ;
- les pièces de son dossier administratif dont il demande le retrait ne sont pas relatives à sa situation administrative et contiennent des propos calomnieux ;
- en application de l'article 6 de la loi du 11 janvier 1978, il incombe à l'administration de retirer d'elle-même ces documents, qui contiennent des données personnelles inexactes, inadéquates, non-pertinentes, incomplètes, et certainement excessives au regard de la finalité de ce traitement de données.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2021, l'établissement public de santé Roger-Prévot conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 27 novembre 2023 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pham, première conseillère,
- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,
- et les observations de Me Arvis, pour M. B... et de Me Laurent, pour l'établissement public de santé Roger Prévot.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est infirmier psychiatrique au sein de l'établissement public de santé Roger Prévot. Le 7 mars 2019, il a sollicité auprès de la directrice de cet établissement le retrait de son dossier administratif de deux pièces, une lettre du 18 octobre 2017 de Mme C..., cadre de santé, et une lettre du 17 novembre 2017 du docteur A..., cheffe de pôle. L'établissement public de santé Roger Prévot a implicitement rejeté sa demande. Par un jugement n° 1908571 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet. Celui-ci relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, en relevant, dans le point 4 du jugement attaqué, que l'inexistence des faits rapportées dans les lettres précitées n'avait pas été constatée par le juge pénal ou par le juge administratif et qu'elle n'était pas établie par les seules allégations du requérant, les premiers juges ont suffisamment explicité les raisons pour lesquelles ils considéraient que ces faits ne pouvaient être considérés comme inexistants. Le jugement est suffisamment motivé sur ce point.
3. En deuxième lieu, M. B... soutient que les premiers juges auraient omis de répondre au moyen tiré de ce que le dossier administratif d'un agent ne saurait comporter des accusations calomnieuses. Toutefois, en indiquant que l'inexistence des faits rapportés dans les deux lettres litigieuses n'était pas établie, les premiers juges ont écarté ce moyen en fait.
4. En troisième lieu, les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen tiré de ce que le dossier administratif de M. B... comprenait des données non pertinentes et excessives en méconnaissance de la loi du 6 janvier 1978 en indiquant que les deux courriers litigieux mentionnent des faits relatifs à la manière de servir du requérant.
5. En quatrième lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. B... ne peut utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'une erreur de droit.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
6. En premier lieu, aux termes de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 : " Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. Il ne peut être fait état, dans le dossier d'un fonctionnaire, de même que dans tout document administratif, des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l'intéressé (...) ". Le dossier administratif du fonctionnaire ne saurait non plus faire état de faits dont le juge administratif ou le juge pénal a constaté l'inexistence ou relevé qu'ils ne pouvaient être imputables à l'intéressé.
7. M. B... demande le retrait de son dossier de deux documents qui, selon lui, mentionnent des faits inexacts et présentent un caractère calomnieux à son égard. Le courrier de Mme C... en date du 18 octobre 2017 rend compte des témoignages rendus sur une altercation que M. B... aurait eue le 16 octobre 2017 avec une de ses collègues, au cours de laquelle il aurait perdu son calme et tenu des propos injurieux. Le courrier du 17 novembre 2017 du Dr A..., cheffe de pôle, indique qu'en janvier 2017, M. B... aurait agressé verbalement le Dr E.... Ces documents concernent la manière de servir du requérant, intéressent sa situation administrative et peuvent donc légalement figurer à son dossier personnel. Ils ne contiennent aucune des mentions prohibées par la disposition législative précitée et se bornent à la constatation de faits, sans parti pris. Les faits rapportés présentent un caractère de vraisemblance, dès lors que le courrier de Mme C... rapporte les témoignages concordants de cinq personnes, dont celui de M. B..., qui a reconnu s'être emporté.
8. D'autre part, si M. B... soutient qu'il a porté plainte pour diffamation par courrier du 21 septembre 2018 envoyé au procureur de la République, il n'indique pas les suites de ce dépôt de plainte. Dans ce courrier, par ailleurs, il ne remet pas en cause la réalité des altercations de janvier et octobre 2017 mais présente comme calomnieuses, d'une part, l'affirmation de Mme C... selon laquelle d'anciens événements qui se seraient déroulés sur le site de la rue Danton lui auraient été rapportés et, d'autre part, celle du Dr A... selon laquelle " le dernier rapport de Mme C... fait état de nombreux débordements verbaux et physiques tant auprès des patients que des soignants ". Toutefois, les propos de Mme C... mentionnent simplement l'évocation par les personnes interrogées d'anciens événements, tandis que l'affirmation du Dr A... constitue une simple interprétation du rapport du Dr C....
9. De troisième part, si M. B... soutient n'avoir jamais manqué de respect envers aucun de ses collègues, les attestations qu'il produit, d'un caractère général et qui émanent non de collègues, mais de patients et de proches de patients, ne permettent pas de remettre en cause le contenu des courriers litigieux. La circonstance que les faits qui lui sont reprochés n'auraient donné lieu à aucune sanction est sans incidence sur la solution à apporter au présent litige, dès lors que ne sont établies ni l'inexactitude matérielle des pièces litigieuses, ni l'erreur qu'aurait commise l'administration en les versant au dossier individuel de l'intéressé. Par suite, M. B... n'est pas fondé à demander le retrait de ces courriers en raison de leur caractère calomnieux.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : " Un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui satisfont aux conditions suivantes : (...) 3° (Les données) sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées (...) / 4° Elles sont exactes " ; aux termes de l'article 40 de cette même loi : " I. - Toute personne physique justifiant de son identité peut exiger du responsable d'un traitement que soient, selon les cas, rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées ou effacées les données à caractère personnel la concernant, qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite (...) ". Il résulte de ce qui précède que les courriers litigieux ne peuvent être considérés comme comportant des données inexactes. Ils ne comportent pas non plus des données non pertinentes ou excessives, dès lors qu'ils concernent la manière de servir de M. B.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Il y a lieu de mettre à la charge de M. B... la somme de 700 euros à verser à établissement public de santé Roger Prévot sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera à l'établissement public de santé Roger Prévot une somme de 700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à l'établissement public de santé Roger Prévot.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président de chambre,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.
La rapporteure,
C. PHAM Le président,
S. BROTONS
La greffière,
S. de SOUSA
La République mande et ordonne au ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 21VE01076