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01/02/2024 | FRANCE | N°21VE00801

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 01 février 2024, 21VE00801


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D..., M. G... B..., Mme J... A..., Mme H... E... et M. F... I... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler les délibérations nos 2 et 4 du 20 novembre 2018 et du 11 décembre 2018 par lesquelles le conseil municipal de Maurepas a approuvé le projet de convention de groupement d'autorités concédantes pour la reconstruction et l'exploitation du centre aquatique intercommunal et le recours à la gestion déléguée dans le cadre du projet de reconstructio

n de ce centre et d'annuler la convention constitutive d'un groupement d'autorités co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D..., M. G... B..., Mme J... A..., Mme H... E... et M. F... I... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler les délibérations nos 2 et 4 du 20 novembre 2018 et du 11 décembre 2018 par lesquelles le conseil municipal de Maurepas a approuvé le projet de convention de groupement d'autorités concédantes pour la reconstruction et l'exploitation du centre aquatique intercommunal et le recours à la gestion déléguée dans le cadre du projet de reconstruction de ce centre et d'annuler la convention constitutive d'un groupement d'autorités concédantes pour la reconstruction et l'exploitation du centre aquatique.

Par un jugement n° 1900684 du 21 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 21 mars 2021, 25 avril 2021 et 20 décembre 2021, M. I... et M. D..., représentés par Me Léron, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces actes ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Maurepas le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen, non inopérant, tiré de ce que selon l'article 5 de la convention de groupement d'autorités concédantes, le comité de pilotage a un avis consultatif mais cet avis s'impose au coordonnateur ;

- les conseillers municipaux n'ont pas bénéficié d'une information complète concernant le fonctionnement de l'exploitation, le financement de l'opération et le coût des travaux ; ces insuffisances ont été de nature à les induire en erreur ;

- le groupement d'autorités concédantes aurait dû être créé seulement pour vingt-cinq ans et non pour une durée illimitée ;

- le coordonnateur ne peut exercer les missions qui lui sont confiées, celui-ci devant respecter les choix du comité de pilotage conformément à l'article 5 de la convention constitutive du groupement d'autorités concédantes ; la commune se trouve dessaisie de sa compétence de coordonnateur au profit d'un comité informel dont l'existence n'est prévue par aucun texte ;

- l'irrégularité de la durée de la convention et de celle du comité de pilotage impliquent l'illégalité de la convention de groupement et de la délibération du 20 novembre 2018 l'instituant ;

- la délibération du 11 décembre 2018 approuvant le recours à la gestion déléguée est illégale en l'absence de service public et de tout risque d'exploitation, l'exploitant recevant une compensation de 417 600 euros pour l'accueil des scolaires et associations et une autre de 532 400 euros pour sujétions de service public ; cette volonté d'éviter tout risque à l'exploitant sera confirmée, par la suite, par l'adoption d'une délibération visant à céder en loi Dailly le coût résiduel de la construction en faisant cautionner l'escompte par la commune et à compenser les impôts supportés par le concessionnaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2021, la commune de Maurepas, représentée par Me Moreau, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. I... et de M. D... ;

2°) de mettre à leur charge le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête de M. I... et de M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ;

- le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Léron, pour M. I... et M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. I... et M. D... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 21 janvier 2021 rejetant leur demande tendant à l'annulation des délibérations nos 2 et 4 du 20 novembre 2018 et du 11 décembre 2018 par lesquelles le conseil municipal de Maurepas, dont ils sont membres, a approuvé, d'une part, le projet de convention de groupement d'autorités concédantes pour la reconstruction et l'exploitation du centre aquatique intercommunal et, d'autre part, le recours à la gestion déléguée pour la reconstruction et l'exploitation de ce centre.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif a répondu, au point 9 de sa décision, au moyen tiré de ce que le comité de pilotage institué par la convention de groupement d'autorités concédantes est chargé d'émettre un avis " consultatif " sur les phases importantes du projet et que cet avis s'impose au coordonnateur. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une omission de répondre à ce moyen et est insuffisamment motivé.

Au fond :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal (...) ". Aux termes de l'article L. 1411-4 du même code : " Les assemblées délibérantes des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics se prononcent sur le principe de toute délégation de service public local après avoir recueilli l'avis de la commission consultative des services publics locaux prévue à l'article L. 1413-1. Elles statuent au vu d'un rapport présentant le document contenant les caractéristiques des prestations que doit assurer le délégataire (...) ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. Le défaut d'envoi de cette note ou son insuffisance entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'une note de synthèse a été adressée aux membres du conseil municipal préalablement l'adoption des délibérations litigieuses des 20 novembre 2018 et 11 décembre 2018. En outre, les membres du conseil municipal ont également eu accès à un rapport sur le principe du recours à la gestion déléguée. Ils ont ainsi été mis à même d'appréhender le contexte et de comprendre les motifs de fait et de droit de ces délibérations et de mesurer l'implication de leurs décisions. Par ailleurs, si les requérants font valoir qu'ils n'ont pas eu une information suffisante sur le fonctionnement de l'exploitation, le financement de l'opération et le prix des travaux, il ressort des pièces du dossier que les délibérations et la convention litigieuses n'avaient pas pour objet de fixer les modalités de fonctionnement du projet de reconstruction et d'exploitation du centre aquatique de Maurepas mais seulement de créer un groupement d'autorités concédantes et de se prononcer sur le principe de la délégation de service public. L'approbation du contrat de délégation de service public a d'ailleurs fait l'objet d'une délibération postérieure du conseil municipal de la commune de Maurepas le 17 décembre 2019. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les membres du conseil municipal n'ont pas reçu une information adéquate préalablement à l'adoption des délibérations litigieuses.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 26 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession alors en vigueur : " Des groupements peuvent être constitués entre des autorités concédantes ou entre une ou plusieurs autorités concédantes et une ou plusieurs personnes morales de droit privé qui ne sont pas des autorités concédantes soumises à la présente ordonnance afin de passer conjointement un ou plusieurs contrats de concession (...) ".

7. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention constitutive d'un groupement d'autorités concédantes approuvée par la délibération du conseil municipal de Maurepas du 20 novembre 2018, cette convention a été conclue pour une durée illimitée pour répondre à un besoin récurrent des membres du groupement, celui-ci étant constitué pour la passation et l'exécution d'une délégation de service public initiale ayant pour objet la construction et l'exploitation d'un centre aquatique à Maurepas et de toute délégation de service public ultérieure ayant pour objet l'exploitation de ce centre.

8. Si le rapport sur le principe du recours à la gestion déléguée auquel ont eu accès les conseillers municipaux précise que le contrat de délégation est conclu pour vingt-cinq ans, aucun texte ni aucun principe n'imposait de faire coïncider la durée du groupement d'autorités concédantes avec celle de ce contrat. D'ailleurs, la durée illimitée de la convention de groupement n'interdit pas la sortie de l'un de ses membres dans les conditions stipulées par l'article 4 de la convention et ne fait pas par elle-même obstacle à ce qu'un autre mode de gestion de cet équipement public soit recherché à l'expiration du contrat de délégation ou antérieurement, notamment en cas de résiliation.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 de la convention constitutive du groupement d'autorités concédantes, les membres du groupement ont convenu de créer un comité de pilotage ayant pour rôle d'examiner et d'émettre un avis " consultatif " sur les phases importantes du projet. Selon ce même article, cet avis s'impose au coordonnateur qui sera tenu de respecter les choix effectués par le comité de pilotage. En vertu des stipulations des articles 6 et 7 de la convention, la commune de Maurepas, désignée coordonnateur du groupement d'autorités concédantes, a notamment été chargée de mettre en œuvre la procédure de passation du contrat de délégation de service public.

10. Aucun texte ni aucun principe ne faisait obstacle à la mise en place d'un comité de pilotage composé de trois élus de chaque membre du groupement, présidé de manière alternative par chaque membre du groupement et chargé d'émettre un avis " consultatif " sur les phases importantes du projet, celui-ci s'imposant au coordonnateur. Un tel mécanisme n'est pas contraire aux dispositions alors en vigueur de l'article 28 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics auquel renvoie l'article 26 précité de l'ordonnance du 29 janvier 2016 selon lequel la convention constitutive du groupement peut confier à l'un ou plusieurs de ses membres la charge de mener tout ou partie de la procédure de passation ou de l'exécution du marché public au nom et pour le compte des autres membres.

11. Enfin, aux termes, d'une part, de l'article 4 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics alors en vigueur : " (...) Les marchés sont les contrats conclus à titre onéreux par un ou plusieurs acheteurs soumis à la présente ordonnance avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services ". D'autre part, aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales dans sa version alors applicable : " Une délégation de service public est un contrat de concession au sens de l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, conclu par écrit, par lequel une autorité délégante confie la gestion d'un service public à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l'exploitation du service, en contrepartie soit du droit d'exploiter le service qui fait l'objet du contrat, soit de ce droit assorti d'un prix. / La part de risque transférée au délégataire implique une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte que toute perte potentielle supportée par le délégataire ne doit pas être purement nominale ou négligeable. Le délégataire assume le risque d'exploitation lorsque, dans des conditions d'exploitation normales, il n'est pas assuré d'amortir les investissements ou les coûts qu'il a supportés, liés à l'exploitation du service. / Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages, de réaliser des travaux ou d'acquérir des biens nécessaires au service public ".

12. Le rapport précité sur le principe du recours à la gestion déléguée indique notamment que " le recours au montage concessif implique que le délégataire, outre le portage de l'investissement, assure aussi l'exploitation du service public à ses frais et risques ". Il précise que " sa rémunération serait fondée : - d'une part sur les recettes d'exploitation perçues directement sur les usagers ; - d'autre part, sur la participation du groupement de collectivités Elancourt/Maurepas, au titre de la compensation pour contraintes et sujétions de service public (tenant notamment aux horaires d'ouvertures, aux créneaux réservés aux scolaires et aux associations ainsi qu'à certains tarifs préférentiels imposés par les collectivités) ". Il relève enfin que si " le montant de cette participation est fixé au regard des propositions des candidats et des négociations concluant au choix du futur attributaire ", " la participation des collectivités doit compenser ce qui est strictement nécessaire pour couvrir les surcoûts induits par les contraintes et sujétions de service public ". Le coût prévisionnel du projet a été évalué à 15,53 millions d'euros HT dans ce rapport, le financement étant assuré par le concessionnaire avec des financements publics de l'ordre de 8,6 millions d'euros.

13. D'une part, la reconstruction et l'exploitation de la piscine de Maurepas pour lesquelles la délibération litigieuse du 11 décembre 2018 a retenu le principe du recours à la gestion déléguée concerne un service public municipal contrairement à ce qui est allégué.

14. D'autre part, si les requérants soutiennent que les compensations annuelles accordées au concessionnaire au titre des contraintes de service public s'établiraient à environ 417 600 euros et 532 400 euros, il n'est pas établi qu'elles couvriraient la majeure partie de la rémunération du cocontractant et que, compte tenu de l'objet du service, consistant en l'exploitation d'un centre nautique, de la durée du contrat, prévu pour une durée de vingt-cinq ans et du nombre d'usagers susceptible de variations importantes durant son exécution, la part de risque transférée au délégataire n'impliquerait pas une réelle exposition aux aléas du marché. Au demeurant, les délibérations litigieuses n'ont pas eu pour objet d'approuver le contrat conclu avec le candidat retenu mais seulement de constituer un groupement d'autorités concédantes et de se prononcer sur le principe du recours à la délégation. Ainsi, les moyens tirés de ce que la délibération du 11 décembre 2018 serait illégale au motif qu'elle ne concernerait pas l'exploitation d'un service public et qu'il n'existerait pas de risque d'exploitation pour le titulaire du contrat doivent être écartés.

15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. I... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Maurepas, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une somme à M. I... et M. D... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées par la commune de Maurepas sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. I... et de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Maurepas au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... I..., à M. C... D... et à la commune de Maurepas.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Houllier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

Le rapporteur,

G. CamenenLa présidente,

C. Signerin-IcreLa greffière,

C. FourteauLa République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

No 21VE00801


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00801
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-01-03-03-01 Marchés et contrats administratifs. - Notion de contrat administratif. - Diverses sortes de contrats. - Délégations de service public. - Concession de service public.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS SAIDJI & MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;21ve00801 ?
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