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25/01/2024 | FRANCE | N°21VE03437

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 25 janvier 2024, 21VE03437


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Maksyma a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 4 février 2019 par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire a rejeté sa demande de délégation d'obligations d'économie d'énergie au titre de la période allant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020.



Par un jugement n° 1903765 du 25 octobre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 4 février 2019

et mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Maksyma a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 4 février 2019 par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire a rejeté sa demande de délégation d'obligations d'économie d'énergie au titre de la période allant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020.

Par un jugement n° 1903765 du 25 octobre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 4 février 2019 et mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 décembre 2021 et 9 mars 2022, le ministre de la transition écologique demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) et de rejeter les demandes présentées par la société Maksyma devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges ne précisent pas en quoi les éléments fournis par la société Maksyma, qu'ils se contentent de citer, suffisaient à apprécier sa capacité financière ;

- il méconnaît les dispositions du 6° du II de l'article R. 221-6 du code de l'énergie et est entaché d'erreurs d'appréciations, dès lors que les pièces fournies par la société Maksyma ne permettent pas d'apprécier ni de justifier ses capacités techniques et financières ;

- il méconnaît les dispositions du 6° du II de l'article R. 221-6 du code de l'énergie en ce que la demande de production d'une liste de partenaires professionnels peut servir à apprécier la capacité technique du futur délégataire à exercer les obligations d'économie d'énergie ;

- il méconnaît ces mêmes dispositions et est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que le futur délégataire doit justifier, au moins en termes généraux, d'un rôle actif et incitatif et que les pièces fournies par la société Maksyma pour justifier de ce rôle sont insuffisantes.

La requête et le mémoire ont été communiqués à la société Maksyma le 10 mars 2022 qui, malgré une mise en demeure du 20 septembre 2022, n'a pas produit de mémoire en défense ou d'observations.

Par une ordonnance du président de la 2ème chambre du 29 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 19 avril 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Even,

- et les conclusions de M. Frémont, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Maksyma a déposé, le 13 juin 2018, une demande de délégation de l'obligation d'économies d'énergie incombant à la société Bertholon Grangé au titre de la période allant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020. Le service instructeur du pôle national des certificats d'économies d'énergie (PNCEE) lui a demandé de produire des compléments d'information, les 3 août et 28 novembre 2018, ce qu'elle a fait par courriers des 12 novembre et 11 décembre 2018. Par une décision du 4 février 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire a rejeté sa demande. La société Maksyma fait appel du jugement du 25 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'énergie, dans sa version applicable à la date du litige : " Sont soumises à des obligations d'économies d'énergie : (...) / 2° Les personnes qui vendent de l'électricité, du gaz, du fioul domestique, de la chaleur ou du froid aux consommateurs finals et dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil défini par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 221-1-1 de ce même code : " Les personnes mentionnées à l'article L. 221-1 sont également soumises à des obligations d'économies d'énergie spécifiques à réaliser au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique. / Elles peuvent se libérer de ces obligations soit en réalisant, directement ou indirectement, des économies d'énergie au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique, soit en acquérant des certificats d'économies d'énergie provenant d'opérations réalisées au bénéfice de ces ménages, soit en les déléguant pour tout ou partie à un tiers, soit en contribuant à des programmes de réduction de la consommation énergétique des ménages les plus défavorisés mentionnés à l'article L. 221-7. ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 221-6 du même code, dans sa version applicable au litige : " " I. - Un délégataire justifie : / (...) 2° Pour la période d'obligation concernée, d'un volume d'au moins 150 millions de kWh cumac d'obligations reçues de personnes soumises à une obligation d'économies d'énergie. À défaut, le délégataire justifie d'au moins une délégation reçue d'une personne soumise à une obligation d'économies d'énergie et de l'existence d'un système de management de la qualité couvrant son activité relative aux certificats d'économies d'énergie, certifié conforme par un organisme certificateur accrédité. Un arrêté du ministre chargé de l'énergie fixe les modalités du présent alinéa, notamment le périmètre minimal de certification ainsi que les référentiels normatifs pertinents. / II. - La demande de délégation d'obligation d'économies d'énergie est transmise par le délégataire au ministre chargé de l'énergie. Elle comprend : (...) / 6° Les éléments permettant d'apprécier la capacité technique et financière du délégataire de mener à bien sa délégation et d'assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler de son fonctionnement. Le délégataire joint à sa demande les bilans ou extraits de bilan et les comptes d'exploitation sur les deux derniers exercices disponibles ; (...) ".

3. Pour rejeter la demande de délégation à la société Maksyma de l'obligation d'économies d'énergie incombant à la société Bertholon Grangé au titre de la période allant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020, le ministre de la transition écologique et solidaire s'est fondé sur le fait que le délégataire n'avait fourni aucun élément détaillé sur ses capacités financières permettant à l'administration de vérifier qu'elle disposait de la trésorerie nécessaire pour exercer l'activité correspondant à l'obligation déléguée.

4. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la portée des écritures de l'administration pour déterminer si elles peuvent être regardées comme faisant valoir un autre motif que celui ayant initialement fondé la décision en litige. En outre, l'auteur du recours doit, par la seule communication de ces écritures, être mis à même de présenter ses observations sur la substitution de cet autre motif au motif initial.

6. Il ressort de ses écritures de première instance et d'appel que le ministre se prévaut d'un autre motif que celui retenu au niveau de sa motivation pour fonder sa décision litigieuse, tiré de ce que les éléments produits par la société Maksyma ne permettaient pas de démontrer sa capacité financière à assumer les obligations découlant de la délégation. Il fait valoir à cet égard, pour la première fois en appel, que les bilans et comptes de résultats produits par la société Maksyma au titre des exercices clos des années 2016 et 2017 révèlent une chute de 92% de son bénéfice entre 2016 et 2017, une importante augmentation du volume de ses dettes " fournisseurs ", qui sont passées de 3 284 euros en 2016 à 195 595 euros en 2017, une baisse de sa valeur ajoutée, évaluée à 244 523 euros en 2016 et à 159 876 euros en 2017, et une diminution de son ratio d'intégration, qui a été divisé de moitié en passant de 24,12% en 2016 à 12,90% en 2017. Il ressort également de ces documents comptables que l'excédent brut d'exploitation de la société Maksyma, qui indique sa capacité à générer des ressources de trésorerie à partir de sa seule exploitation, est passée de 14,71% en 2016 à 1,98% en 2017, alors que ses besoins en fonds de roulement d'exploitation, qui correspondent au montant qu'elle doit financer pour couvrir le décalage de trésorerie par rapport aux dépenses et aux recettes liées à son activité, ont augmenté de 18 686 euros entre 2016 et 2017. Les éléments comptables sur lesquels se fonde ce nouveau motif ont été transmis par la société Maksyma à l'administration par un courrier du 12 novembre 2018, avant la date de la décision attaquée.

7. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société Maksyma ne peut être regardée comme disposant des capacités financières et d'une trésorerie suffisante pour assumer les obligations découlant de la délégation. Ce nouveau motif est de nature à fonder légalement la décision contestée. Il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Cette substitution de motif demandée ne prive pas la société concernée d'une garantie procédurale liée au motif substitué, le ministre de la transition écologique et solidaire ayant par un courrier adressé à la société daté du 28 novembre 2018 précisé les raisons pour lesquelles il sollicitait des éléments complémentaires concernant ses capacités financières au regard de ses objectifs. Dans ces conditions, et alors qu'aucun de ces éléments n'est contesté par la société Maksyma, qui n'a produit aucune observation en appel et ce, malgré une mise en demeure du 20 septembre 2022, il y a lieu de procéder à la substitution de motifs demandée par la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires laquelle permet de fonder la décision contestée.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens notamment de régularité, que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé sa décision du 4 février 2019 rejetant la demande de délégation à la société Maksyma de l'obligation d'économies d'énergie incombant à la société Bertholon Grangé au titre de la période allant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 1903765 du 25 octobre 2021 est annulé.

Article 2 : La demande de la société Maksyma tendant à l'annulation de la décision du 4 février 2019 par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire a rejeté sa demande de délégation de l'obligations d'économie d'énergie incombant à la société Bertholon Grangé au titre de la période allant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020 est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Maksyma.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Aventino, première conseillère,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2024.

Le président-rapporteur,

M. EVEN

L'assesseure la plus ancienne,

B. AVENTINOLa greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE03437


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE03437
Date de la décision : 25/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

29-06 Energie. - Marché de l’énergie.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: M. FREMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-25;21ve03437 ?
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