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23/01/2024 | FRANCE | N°21VE03423

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 23 janvier 2024, 21VE03423


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une ordonnance n° 1911958 du 4 novembre 2019, le premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil a transmis au tribunal administratif de Versailles, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la requête présentée par la SARL Duo Services Projets.



Par cette requête, la société Duo Services Projets a demandé, à titre principal, l'annulation de la décision du 27 août 2019 par laquelle la directrice régionale

des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance n° 1911958 du 4 novembre 2019, le premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil a transmis au tribunal administratif de Versailles, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la requête présentée par la SARL Duo Services Projets.

Par cette requête, la société Duo Services Projets a demandé, à titre principal, l'annulation de la décision du 27 août 2019 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France a prononcé à son encontre, d'une part, une amende d'un montant de 24 000 euros pour manquement à la tenue des documents de décompte de la durée du travail et d'autre part, neuf amendes d'un montant total de 5 400 euros pour manquement à l'attribution de la durée minimale du repos hebdomadaire d'une salariée, ainsi que, à titre subsidiaire, la réformation de cette décision par le prononcé d'un avertissement en lieu et place de ces amendes.

Par un jugement n° 1908468 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 décembre 2021 et le 28 juin 2022, la société Duo Services Projets, représentée par Me Griffet, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, d'annuler la décision du 27 août 2019 et, à titre subsidiaire, de réformer cette décision en prononçant un avertissement en lieu et place des amendes prononcées à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de soulever le moyen d'ordre public tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte en raison du fait que la publication de la délégation de signature du 29 décembre 2017 au Recueil des actes administratifs du 21 décembre 2017 constituerait une publicité insuffisante ;

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen selon lequel la compétence de Mme A... est conditionnée par l'absence ou l'empêchement de Madame F... ;

- les premiers juges n'ont pas pris en considération les pièces d'actualisation qu'elle a envoyées concernant sa situation économique et ont omis de répondre aux conclusions et au moyen opérant qu'elle a développés sur ce point ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ;

- la décision du 27 août 2019 est entachée d'incompétence ; la délégation de signature produite ne mentionne pas expressément les sanctions prononcées sur le fondement des articles L. 3171-2 et L. 3132-2 du code du travail ; il n'est pas justifié de l'absence ou de l'empêchement de Mme F... ; la publication de la délégation de signature de Mme A... au Recueil des actes administratifs ne présente pas des garanties suffisantes ; l'arrêté de délégation aurait dû être notifié avec la décision attaquée ; la circonstance qu'elle aurait reçu le 28 mars 2019 un courrier l'informant de ce qu'une sanction administrative serait envisagée à son encontre, alors même que le rapport de manquement n'avait pas encore été transmis à l'autorité administrative compétente, entache d'incompétence la décision attaquée ;

- la personne ayant signé le rapport du 26 mars 2019 n'était pas compétente ; la délégation de signature produite pour justifier de sa compétence n'est pas signée ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur de fait concernant l'absence de document de décompte de la durée du travail effectif de chacun de ses employés, dès lors que le décompte quotidien des heures d'intervention était tenu au moyen d'un logiciel et que les temps de trajet étaient comptabilisés de manière manuscrite dans un document complémentaire ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle considère que le temps de déplacement des salariés entre deux clients doit toujours être inclus dans le temps de travail effectif réalisé par ces salariés ;

- concernant le manquement relatif à l'absence de tenue de décompte du temps de travail, l'application de la loi pénale plus douce doit entraîner une modification de la sanction prononcée en un avertissement ; la sanction prise à son encontre est disproportionnée, dès lors qu'elle est de bonne foi, et que sa situation économique ne lui permet pas de payer des amendes d'un tel montant ;

- concernant le manquement relatif au repos hebdomadaire, la sanction prise à son encontre est disproportionnée, dès lors qu'elle est de bonne foi, que sa situation économique ne lui permet pas de payer des amendes d'un tel montant et que le manquement ne concerne qu'une employée ; cette sanction est également entachée d'erreur de droit, dès lors que le contrôleur du travail ne devait pas prendre une amende calculée en fonction du nombre de jours de manquement pour un seul salarié, mais une amende calculée en fonction du nombre de salariés concernés ;

- la décision attaquée viole le principe d'égalité, dès lors que les autres entreprises du même secteur ne se sont vu infliger aucune sanction pour les mêmes agissements que ceux qui lui sont reprochés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2022, le ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Duo Services Projets ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 27 septembre 2023 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham, première conseillère,

- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,

- et les observations de Me Griffet, pour la société Duo Services Projets.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Duo Services Projets a fait l'objet le 19 octobre 2017 d'un contrôle par les services de l'inspection du travail qui a été réalisé à son siège social. Suite à ce contrôle et par une décision du 27 août 2019, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France a prononcé à son encontre, d'une part, une amende d'un montant de 24 000 euros pour manquement à la tenue des documents de décompte de la durée du travail, et d'autre part, neuf amendes d'un montant total de 5 400 euros pour manquement à l'attribution de la durée minimale du repos hebdomadaire d'une salariée. Par un jugement n° 1908468 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de la société Duo Services Projets tendant à l'annulation ou à la réformation de cette décision. Celle-ci relève régulièrement appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, la société Duo Services Projets soutient que les premiers juges " ont omis de soulever le moyen d'ordre public tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ressortant du fait que la décision de la directrice régionale adjointe responsable de l'unité départementale des Yvelines du 29 décembre 2017 a été publiée dans le Recueil des actes administratifs du 21 décembre 2017 ". Toutefois, les premiers juges ont examiné le moyen tiré de l'incompétence au point 3 du jugement attaqué, qui était expressément soulevé en première instance, et n'avaient donc pas à soulever de moyen d'ordre public sur ce point.

3. En deuxième lieu, les premiers juges n'avaient pas expressément à répondre à l'argument tiré de ce que l'absence ou l'empêchement de Mme F... n'était pas établi. Ils y ont en tout état de cause répondu en indiquant que la délégation de signature dont bénéficiait Mme A... était accordée sans réserve relative à l'absence ou l'empêchement d'un autre agent.

4. En troisième lieu, la société requérante ne conteste pas que les premiers juges ont pris connaissance des dernières pièces qu'elle a transmises concernant sa situation économique. Le simple fait que, selon elle, ces pièces n'auraient pas été prises en compte n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué mais concerne son bien-fondé, d'autant que le jugement attaqué a relevé que sa situation économique ne faisait pas obstacle au paiement des amendes prononcées à son encontre.

5. Enfin, sont inopérants les moyens tirés de ce que le tribunal aurait commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation, qui relèvent de l'appréciation du bien-fondé du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe :

6. En premier lieu, par arrêté du ministre des finances et des comptes publics, de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique du 29 août 2016, publié au Journal officiel de la République française du 4 septembre 2016, Mme C... G... a été nommée directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France pour une durée de 5 ans, à compter du 5 septembre 2016. Par arrêté du Premier ministre et de la ministre travail en date du 7 mai 2019, publié au Journal officiel de la République française du 10 mai 2019, Mme E... A... a été nommée directrice de projet (groupe I), chargée de l'accompagnement du changement et de dossiers transversaux, placée auprès de la directrice régionale, à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France (DIRECCTE), pour une période de trois ans. Par décision n° 2019-38 du 19 juillet 2019 publiée au recueil des actes administratifs du 24 juillet 2019, Mme G... a donné délégation à Mme A..., signataire de la décision attaquée, à l'effet de signer, notamment, toutes décisions relevant des attributions de la DIRECCTE à l'exclusion des actes mentionnés à l'article 3 du présent arrêté, ce dernier article ne mentionnant pas des décisions de même nature que la décision attaquée. Contrairement à ce que soutient la société Duo Services Projets, ces actes sont suffisants pour fonder la compétence de Mme A... pour signer la décision attaquée, sans qu'il soit besoin que la décision précitée du 19 juillet 2019 mentionne expressément les sanctions prononcées sur le fondement des articles L. 3171-2 et L. 3132-2 du code du travail.

7. D'autre part, la société requérante n'est pas fondée à remettre en cause les modalités de publicité de ces actes, dès lors que, en l'absence de dispositions prescrivant une formalité de publicité déterminée, les délibérations ayant un caractère réglementaire d'un service déconcentré sont opposables aux tiers à compter de la date de leur publication au Recueil des actes administratifs de la préfecture. A ce titre, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'autorité administrative de joindre à la notification d'un acte l'arrêté de délégation de signature dont bénéficie son auteur.

8. De troisième part, la société Duo Services Projets ne peut non plus utilement soutenir que l'absence ou l'empêchement de Mme F... n'est pas établi, dès lors que ces événements ne conditionnent pas la délégation de signature dont bénéficie Mme A....

9. Enfin, la circonstance qu'elle aurait reçu un courrier d'information relatif à un projet de sanction administrative à son encontre avant même que le rapport de manquement afférent n'ait été transmis à l'autorité administrative compétente n'est pas de nature à entacher d'incompétence la décision attaquée.

10. En deuxième lieu, il résulte des articles R. 8122-6 et R. 8122-10, dans leur rédaction alors en vigueur, que chaque agent de contrôle exerce ses missions sur le territoire d'une section dans laquelle il est affecté par décision du DIRECCTE. Aux termes de l'article R. 8115-1 du même code : " Lorsqu'un agent de contrôle de l'inspection du travail constate l'un des manquements aux obligations mentionnées à la section 2 du présent chapitre, il transmet au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi un rapport sur le fondement duquel ce dernier peut décider de prononcer une amende administrative. ". En l'espèce, le rapport du 26 mars 2019 est signé par Mme D... qui, par décision n° 29.12.17 du 17 décembre 2017 publiée au recueil des actes administratifs du 21 décembre 2017, a été affectée en qualité d'agent de contrôle dans la 9ème section de l'unité de contrôle n° 2 du département des Yvelines dans le ressort duquel est située la société requérante. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société requérante, cette décision est bien signée. Il y a donc lieu d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur du rapport du 26 mars 2019.

En ce qui concerne la légalité interne :

11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 3121-1 du code du travail : " La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ". Aux termes de l'article L. 3121-4 du même code : " Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. / Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. (...) ". D'autre part, l'article 1er de l'arrêté du 3 avril 2014 par lequel le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social a étendu la convention collective nationale des entreprises de services à la personne, publié au Journal officiel de la République française du 30 avril 2014, dispose que : " Sont rendues obligatoires, pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans son propre champ d'application (...) les dispositions de la convention collective des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012. / (...). / L'article f de la section 2 du chapitre II de la partie II est étendu, sous réserve que le temps de trajet pour se rendre d'un lieu de travail à un autre constitue bien un temps de travail effectif, et à ce titre rémunéré comme tel, quelle que soit sa durée (...). ". Aux termes de la section 2 du chapitre II de la partie 2 de cette convention collective : " Définition des temps / Les dispositions relatives à la définition des temps sont applicables exclusivement aux salariés intervenant à domicile ou sur le lieu choisi par le bénéficiaire de la prestation (...). / a) Temps de travail effectif / Est considéré comme du temps de travail effectif, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur dans l'exercice de ses fonctions, et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. / (...). / e) Temps de déplacement entre deux lieux d'intervention / Le temps de déplacement professionnel pour se rendre d'un lieu d'intervention à un autre lieu d'intervention constitue du temps de travail effectif lorsque le salarié ne peut retrouver son autonomie. / (...). / f) Temps entre deux interventions / Les temps entre deux interventions sont pris en compte comme suit : / en cas d'interruption d'une durée inférieure à 15 minutes, le temps d'attente est payé comme du temps de travail effectif ; / - en cas d'interruption d'une durée supérieure à 15 minutes (hors trajet séparant deux lieux d'intervention), le salarié reprend sa liberté pouvant ainsi vaquer librement à des occupations personnelles sans consignes particulières de son employeur n'étant plus à sa disposition, le temps entre deux interventions n'est alors ni décompté comme du temps de travail effectif, ni rémunéré ".

12. Le temps de trajet nécessaire pour qu'un salarié se rende d'un lieu de travail à un autre est un temps pendant lequel l'intéressé demeure à la disposition de l'employeur et ne peut vaquer à ses occupations personnelles. Il constitue, dès lors, un temps de travail effectif, quelle que soit sa durée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le contrôleur du travail dans son calcul du temps de travail effectif doit être écarté.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 3171-2 du code du travail : " Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. / (...) ". Aux termes de l'article L. 3171-3 du même code : " L'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. / La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire ". Aux termes de l'article D. 3171-8 de ce code : " Lorsque les salariés d'un atelier, d'un service (...) ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes : / 1° Quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies ; / 2° Chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié ". Il résulte de ces dispositions combinées que l'employeur est tenu de comptabiliser la durée du travail effectif des salariés qui ne sont pas soumis à un horaire collectif, de manière quotidienne et hebdomadaire. Le contrôleur du travail a considéré que ces dispositions n'avaient pas été respectées, dès lors que la société Duo Services Projets n'avait tenu aucun décompte des temps de trajet de ses employés d'un lieu de travail à un autre.

14. La société requérante a produit des décomptes des temps d'intervention sur place issus du logiciel Loginet. Elle soutient que ce logiciel n'a pas de fonctionnalité lui permettant d'enregistrer la durée des temps de trajet entre deux interventions mais qu'elle en tient de manière manuscrite le décompte sur un cahier séparé. Toutefois, elle ne produit que la copie d'une page de ce cahier, ne comprenant aucune date, ni aucune indication claire permettant de connaître le nombre d'heures de trajet quotidien et hebdomadaire entre deux interventions. Dès lors qu'aucun temps de trajet quotidien et hebdomadaire n'est clairement indiqué dans ce feuillet, celui-ci ne peut tenir lieu de décompte au sens des dispositions précitées du code du travail. Par suite, le contrôleur du travail n'a pas commis d'erreur de fait en constatant l'absence de documents de décompte du temps de travail au sens des dispositions précitées.

15. En troisième lieu, si le bulletin de salaire de Mme B... montre que du temps de trajet lui a été rémunéré, il n'est pas établi pour autant que le temps de trajet entre deux interventions lui aurait été systématiquement rémunéré, en l'absence de décompte et dès lors que la société requérante a constamment soutenu que seuls les temps de trajet inclus dans une pause de moins de 15 minutes donnent lieu à rémunération. Surtout, il ressort du rapport du 26 mars 2019 que, sur 24 employés ayant effectué au moins deux interventions par jour, seulement 6 bénéficient, pour certains mois, d'une rémunération du temps de trajet mentionné sur une ligne spécifique du bulletin de salaire. Par suite, il est établi que la rémunération des temps de trajet entre deux interventions n'était pas systématique mais sporadique, et la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ce décompte figure du moins sur les bulletins de paie, ou que les heures de trajet entre deux interventions ont été payées conformément aux dispositions en vigueur.

16. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 8115-4 du code du travail : " Pour déterminer si elle prononce un avertissement ou une amende et, le cas échéant, pour fixer le montant de cette dernière, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges. ".

17. Il résulte de l'instruction, et notamment des termes du rapport du 26 mars 2019, que les modalités de calcul de la durée effectif du temps de travail avaient déjà été rappelées en 2015 à la société requérante, qui ne peut donc se prévaloir de la complexité de la réglementation, ni de sa bonne foi. En l'absence de production du rapport afférent à cette visite de 2015, la société Duo Services Projets ne remet pas utilement en cause cette affirmation, en se bornant à produire un courrier de l'inspecteur du travail sollicitant des pièces complémentaires suite à sa visite du 11 mars 2015 et ne mentionnant pas la durée du temps de travail effectif. Eu égard à la gravité de ce manquement, le contrôleur du travail a suffisamment pris en compte les ressources et les charges de la société Duo Services Projets, dont le résultat était de 18 207 euros en 2019 avec une provision pour risques s'élevant à 54 500 euros, en infligeant une amende fixée à 1 000 euros, soit un quart du montant maximal, multiplié par le nombre de salariés concernés, soit 24 salariés.

18. En ce qui concerne le travail effectué le dimanche, si le manquement concerne une seule salariée, il résulte de l'instruction que celle-ci a travaillé tous les jours pour le même client au moins pour la période du 21 juillet 2017 au 30 septembre 2017, sauf le 8 septembre et le 26 septembre 2017, mais qu'elle a effectué ces jours-là des prestations chez d'autres clients. Le rapport du 26 mars 2019 indique que la période ne s'interrompt pas au 30 septembre 2017 du fait de l'attribution d'un jour de congé, mais seulement du fait de la fin de la période prise en compte par le contrôle. Eu égard à la gravité de ce manquement, le contrôleur du travail a suffisamment pris en compte les ressources et les charges de l'employeur en infligeant une amende fixée à 600 euros, soit 15 % du montant maximal, multiplié par le nombre de manquements, soit le nombre de jours de repos qui n'ont pas été attribués à la salariée en cause. Par ailleurs, le caractère répété de ce manquement pouvait être pris en cause pour déterminer le montant de l'amende, même s'il ne concernait qu'une salariée.

19. En sixième lieu, à la supposer même établie, ce qui n'est pas le cas, la simple circonstance que certaines entreprises développant le même type d'activité et ayant le même mode de fonctionnement ne se seraient pas vu infliger d'amende n'est pas de nature à entraîner une rupture du principe d'égalité de traitement entre les entreprises exerçant une activité de même nature.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la société Duo Services Projets n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Duo Services Projets est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Duo Services Projets et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président de chambre,

Mme Pham, première conseillère,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.

La rapporteure,

C. PHAM Le président,

S. BROTONS

La greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE03423


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE03423
Date de la décision : 23/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : GRIFFET

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-23;21ve03423 ?
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