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09/11/2023 | FRANCE | N°22VE02805

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 09 novembre 2023, 22VE02805


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 14 juin 2021 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour et d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation.

Par jugement n° 2108896 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté et enjoint au préfet du Val-d'Oise de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire porta

nt la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois.

Procédure devant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 14 juin 2021 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour et d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation.

Par jugement n° 2108896 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté et enjoint au préfet du Val-d'Oise de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 décembre 2022 le préfet de police demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les conclusions présentées en première instance par M. A....

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté attaqué avait été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les autres moyens invoqués en première instance par M. A... sont infondés pour les motifs exposés devant le tribunal.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 juillet 2023, et des pièces enregistrées les 24 juillet et 7 août 2023, M. A..., représenté par Me Place, avocate, demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête d'appel du préfet de police ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 14 juin 2021 et d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ou, à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en tout état de cause, l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il a été pris en l'absence d'un examen particulier de sa situation personnelle ;

- en estimant que sa présence constituait une menace pour l'ordre public, le préfet de police a méconnu les dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention de New-York du 26 janvier 1990 sur les droits de l'enfant.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Troalen ;

- et les observations de Me Girod, substituant Me Place, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 14 juin 2021, le préfet de police a refusé de renouveler le titre de séjour dont M. A..., ressortissant ivoirien né le 18 décembre 1985, bénéficiait alors sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public. Par le jugement attaqué du 17 octobre 2022 dont le préfet de police relève appel, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté et enjoint au préfet du Val-d'Oise de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois.

Sur la légalité de l'arrêté du 14 juin 2021 :

2. Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré régulièrement en France en juillet 2014, a ensuite bénéficié de plusieurs titres de séjour jusqu'à l'expiration, le 20 novembre 2018, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " délivrée sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. L'intéressé était en effet à la date de l'arrêté attaqué le père de trois enfants français, nés en 2017 et 2018, de sa relation avec une ressortissante française. S'il a été condamné, le 19 mars 2018, par le tribunal correctionnel de Pontoise à une peine d'emprisonnement de deux ans, dont six mois avec sursis, pour des faits de violence commis le 16 mars 2018 sur la personne de sa compagne alors enceinte ayant entraîné une incapacité totale de travail de trois jours, il s'agit de faits isolés et l'intéressé a bénéficié, à sa demande, pendant son incarcération d'un suivi psychologique régulier. En outre, si après ces faits, la communauté de vie avec sa compagne a été rompue, M. A... a continué à participer à l'entretien et à l'éducation de ses trois enfants pendant son incarcération d'une durée d'environ un an compte tenu de l'aménagement de peine dont il a bénéficié, puis pendant la période, à l'issue de celle-ci, où il résidait chez sa sœur. M. A... a ensuite repris, certes peu de temps avant l'arrêté attaqué, la vie commune avec la mère de ses enfants, et les intéressés se sont mariés le 22 mai 2021. Par ailleurs, M. A..., qui est venu en France pour terminer ses études, justifie avoir validé sur le campus de Caen, à l'issue de l'année scolaire 2016-2017, les enseignements d'un diplôme de manager des systèmes d'information délivré par l'établissement " Grenoble école de management ". Il a ensuite exercé, à compter du mois de septembre 2017, en qualité de consultant informatique dans la même entreprise jusqu'en juin 2020, son contrat de travail ayant été suspendu pendant la durée de son incarcération et, a retrouvé un emploi de consultant informatique postérieurement à l'arrêté attaqué. Ainsi, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier à la durée de présence régulière de M. A... en France, à la présence de ses trois jeunes enfants de nationalité française, aux gages sérieux d'insertion dans la société française qu'il présente et compte tenu du caractère isolé des faits de violence qu'il a commis trois ans auparavant, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris, en dépit de la présence de ses trois autres enfants mineurs en Côte d'Ivoire, nés d'une précédente union, et méconnaît, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 14 juin 2021.

Sur les frais liés à l'instance :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance exposés par M. A....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.

La rapporteure,

E. TROALENLa présidente,

F. VERSOLLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

No 22VE02805002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02805
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : AVEC VOUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-11-09;22ve02805 ?
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