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07/11/2023 | FRANCE | N°21VE01678

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 07 novembre 2023, 21VE01678


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Par une demande enregistrée sous le numéro 1900943, la société civile immobilière (SCI) Orphi a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision implicite du 5 décembre 2018 par laquelle la commune de Dourdan a rejeté son recours indemnitaire préalable, et, d'autre part, de condamner la commune de Dourdan à lui verser la somme de 140 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des nuisances olfactives générées par le restaurant Pizza Pr

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II. Par une demande enregistrée sous le numéro 1900985, la SCI Orphi a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Par une demande enregistrée sous le numéro 1900943, la société civile immobilière (SCI) Orphi a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision implicite du 5 décembre 2018 par laquelle la commune de Dourdan a rejeté son recours indemnitaire préalable, et, d'autre part, de condamner la commune de Dourdan à lui verser la somme de 140 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des nuisances olfactives générées par le restaurant Pizza Pronto.

II. Par une demande enregistrée sous le numéro 1900985, la SCI Orphi a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision implicite du 5 décembre 2018 par laquelle la commune de Dourdan a rejeté son recours indemnitaire préalable, et, d'autre part, de condamner la commune de Dourdan à lui verser la somme de 140 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des nuisances olfactives générées par le restaurant Les Galandières.

Par un jugement nos 1900943 et 1900985 du 12 avril 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 11 juin, 30 août et 16 novembre 2021, la société civile immobilière (SCI) Orphi, représentée par Me de Broissia, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite du 5 décembre 2018 par laquelle la commune de Dourdan a rejeté son recours indemnitaire préalable ;

3°) de condamner la commune de Dourdan à verser à la SCI Orphi la somme de 140 000 euros au titre des différents préjudices qu'elle a subis ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Dourdan la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune de Dourdan a commis une faute consistant en une carence fautive dans la mise en œuvre des pouvoirs de police qu'elle tient des dispositions de l'article L. 1312-1 du code de la santé publique dès lors que, malgré les signalements portés à sa connaissance, elle s'est abstenue d'établir un procès-verbal d'infraction à l'encontre des restaurants Pizza Pronto et Les Galandières alors que les dispositifs d'extraction d'air de ces deux établissements ne respectent pas le règlement sanitaire départemental et portent atteinte à la salubrité publique. ;

- son préjudice est actuel et s'élève à la somme de 140 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 juillet et 24 septembre 2021, la commune de Dourdan, représentée par Me Roy-Thermes, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la SCI Orphi une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la SCI Orphi ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 23 mai 2023, la clôture a été fixée au 9 juin 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative..

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le règlement sanitaire départemental de l'Essonne ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonfils,

- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,

- et les observations de Me de Broissia, pour la SCI Orphi et de Me Celet, substituant Me Roy-Thermes, pour la commune de Dourdan.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Orphi est propriétaire depuis 2001 d'un bâtiment sur deux niveaux, à usage d'habitation, situé au 7 bis rue des Fossés du Château à Dourdan (91410). Par des courriers envoyés à la commune de Dourdan en 2013 et 2018, la SCI Orphi a demandé au maire de la commune de Dourdan de prendre des mesures de mise en conformité des systèmes d'extraction d'air de deux restaurants de son voisinage, la pizzeria Pizza Pronto et la crêperie Les Galandières, de nature à faire cesser les nuisances olfactives affectant le bien d'habitation dont elle est propriétaire. Par un courrier du 1er octobre 2018, notifié le 5 octobre 2018, la SCI Orphi a formé un recours indemnitaire préalable auprès de la commune de Dourdan, réclamant une somme de 140 000 euros en réparation du préjudice causé par la perte de chance de vendre ou louer son bien immobilier. Par une décision implicite intervenue le 5 décembre 2018, la commune de Dourdan a rejeté cette demande. La SCI Orphi relève appel du jugement du 12 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet et à la condamnation de la commune de Dourdan à lui verser une somme de 140 000 euros en réparation de son préjudice.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la faute :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs. ". L'article L. 2212-2 du même code dispose : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 1312-1 du code de la santé publique, dans sa version applicable : " (...) les infractions aux prescriptions des articles du présent livre, ou des règlements pris pour leur application, sont recherchées et constatées par (...) des agents des collectivités territoriales habilités et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. A cet effet, ces fonctionnaires et agents disposent des pouvoirs et prérogatives prévus aux articles L. 1421-2 et L. 1421-3. (...) ". Enfin, aux termes de la section 2 du titre III du règlement sanitaire départemental de l'Essonne, intitulée " ventilation des locaux " : " Les dispositions de cette section s'appliquent aux constructions neuves et aux constructions subissant des modifications importantes affectant le gros œuvre ou l'économie de l'immeuble. / Seules les prescriptions relatives à l'entretien des installations de ventilation s'appliquent aux constructions existantes, à moins que ne soit démontrée la nécessité de prendre des mesures assurant la salubrité publique. (...) ". Aux termes de l'article 63 de cette même section du règlement sanitaire départemental : " (...) Les prises d'air neuf et les ouvrants doivent être placés en principe à au moins huit mètres de toute source éventuelle de pollution, notamment (...) débouchés de conduits de fumée, sortie d'air extrait (...). / L'air extrait des locaux doit être rejeté à au moins huit mètres de toute fenêtre ou de toute prise d'air neuf (...) ".

3. La SCI Orphi soutient que la commune de Dourdan a commis une faute en s'abstenant de dresser un procès-verbal d'infraction aux dispositions du règlement sanitaire départemental à l'encontre des restaurants Pizza Pronto et Les Galandières, situés dans le voisinage immédiat du logement qu'elle met en location. D'une part, il résulte de l'instruction, en particulier des attestations établies à la fois par les locataires de la SCI Orphi et par deux agents immobiliers, mais également du jugement du tribunal d'instance d'Etampes du 21 décembre 2017, qu'une gêne tenant à des odeurs se manifeste à l'ouverture des fenêtres de ce logement. Toutefois, il résulte du même jugement que les nuisances du restaurant Les Galandières n'arrivent que par une fenêtre dont l'ouverture contrevient aux dispositions de l'article 676 du code civil, cette ouverture étant en outre postérieure à l'implantation de la cheminée de cette crêperie. Par suite, seules peuvent être prises en compte les odeurs émises par la pizzeria Pizza Pronto. S'agissant de cette dernière, le rapport dressé par l'expert judiciaire le 26 février 2018 précise que cet établissement dispose d'une unique sortie d'air vicié en façade, située à 3,83 m de la fenêtre du bâtiment voisin, et 1,30 m de la fenêtre située au-dessus, la commune de Dourdan ne contestant pas sérieusement l'existence d'odeurs de cuisine pénétrant dans le logement appartenant à la SCI Orphi à l'ouverture des fenêtres de ce logement. Au vu de leur caractère récurrent et du fait qu'elles conditionnent les possibilités d'aération d'un logement d'habitation, de telles nuisances olfactives relèvent de la salubrité publique. D'autre part, ainsi qu'il a été dit, dès lors que la pizzeria Pizza Pronto dispose d'une unique sortie d'air vicié en façade, située à 3,83 m de la fenêtre du bâtiment voisin, et 1,30 m de la fenêtre située au-dessus, son dispositif de rejet d'air ne respecte pas la prescription de l'article 63 du règlement sanitaire départemental de l'Essonne exigeant une implantation à au moins huit mètres de toute fenêtre. Dans ces conditions, alors même que les immeubles en cause ne constituent pas une construction neuve ou n'ont pas fait l'objet de modifications importantes affectant leur gros œuvre ou leur économie, en s'abstenant de faire usage de ses pouvoirs de police permettant de diligenter un contrôle de l'installation de ventilation des locaux du restaurant Pizza Pronto, en dépit des demandes qui lui avaient été adressées en ce sens en vue de prendre les mesures nécessaires pour assurer la salubrité publique, le maire de la commune de Dourdan a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

En ce qui concerne la réalité du préjudice invoqué :

4. D'une part, la SCI Orphi, qui produit des attestations de ses locataires, n'établit pas, par la seule attestation rédigée par un agent immobilier en juillet 2018, que le logement dont elle est propriétaire ne serait plus effectivement pris en location, ou le serait à un prix inférieur à celui du marché, alors qu'il ressort des pièces du dossier que le loyer s'élève à la somme de 710 euros pour un appartement de type F1 en souplex, seule la cuisine étant au rez-de-chaussée, d'une surface de 46 m². D'autre part, l'attestation d'un autre agent immobilier quant à une impossibilité d'effectuer des visites en vue d'une vente du bien à raison de problèmes d'odeurs " importantes ", est insuffisante, à elle seule, pour justifier d'une volonté réelle de la SCI de mettre en vente son bien sans y être parvenue en raison des nuisances de voisinage. Ainsi, la SCI Orphi ne justifie pas de la réalité du préjudice économique dont elle se prévaut, tenant à la perte de chance de pouvoir louer ou vendre son bien, alors par ailleurs, et au surplus, qu'une attestation établie en juillet 2018 indique une moins-value à la vente de 40 000 euros en raison des nuisances olfactives, pour un bien acquis en 2001 au prix de 27 440 euros.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Orphi n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de son recours indemnitaire préalable et à la condamnation de la commune de Dourdan à lui verser une somme de 140 000 euros en réparation de son préjudice. Par voie de conséquence, ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Dourdan, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, soit condamnée à verser la somme que la SCI Orphi demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la requérante la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Dourdan au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Orphi est rejetée.

Article 2 : La SCI Orphi versera à la commune de Dourdan la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Orphi et à la commune de Dourdan.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président de chambre,

Mme Pham, première conseillère,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

La rapporteure,

M.-G. BONFILS

Le président,

S. BROTONS

La greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE01678


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE01678
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Police générale - Salubrité publique.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : SCP CORDELIER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-11-07;21ve01678 ?
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