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19/10/2023 | FRANCE | N°21VE02953

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 19 octobre 2023, 21VE02953


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 7 janvier 2020 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de l'Essonne a rejeté sa demande de décharge de responsabilité solidaire et de prononcer la décharge à hauteur de 210 174 euros des suppléments d'imposition et des pénalités relatives aux années 2013 et 2014 mises à sa charge du fait de l'obligation solidaire à la dette fiscale des époux.

Par un jugement n° 2001709 du 14 octobre

2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 7 janvier 2020 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de l'Essonne a rejeté sa demande de décharge de responsabilité solidaire et de prononcer la décharge à hauteur de 210 174 euros des suppléments d'imposition et des pénalités relatives aux années 2013 et 2014 mises à sa charge du fait de l'obligation solidaire à la dette fiscale des époux.

Par un jugement n° 2001709 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 4 novembre 2021 et les 10 et 17 juin 2022, Mme B..., représentée par Me Féral-Schuhl, avocat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de son obligation solidaire de paiement des suppléments d'imposition et des pénalités correspondantes au titre de l'impôt sur le revenu des années 2013 et 2014 à hauteur de 210 174 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa situation patrimoniale a mal été évaluée par le tribunal ; son patrimoine net s'élève à 94 721 euros ;

- s'agissant de son appartement parisien, les comparables retenus sont en étage élevé, alors que le sien se situe au premier étage ; son appartement a une surface moindre, une configuration particulière et subit des dégâts du fait d'une grande humidité ce qui amoindrit sa valeur ; il est, en plus, occupé par un locataire ; une décote de 10 %, au minimum, doit être appliquée ; la vente de cet appartement entraînerait nécessairement la taxation d'une plus-value et des frais d'agence, comme le prévoit la doctrine BOI-CTX-DRS-10 n°180 ;

- s'agissant de la valeur de la part détenue dans la SCI El Quetzal, il s'agit d'une société familiale, dans laquelle elle ne détient qu'une part, dont la cession devrait être agréée par l'ensemble des associés ; la valeur vénale de cette part est donc nulle ; a minima, une décote de 25 % pour illiquidité doit être appliquée ;

- s'agissant de ses autres biens mobiliers, son véhicule est indispensable au maintien de ses revenus ;

- sa situation financière a également été mal appréhendée par le tribunal et ses ressources mensuelles nettes s'élèvent à 442 euros ;

- en ce qui concerne son salaire, il faut tenir compte de l'impôt sur le revenu réel afférent à ses salaires de 2019 et non du taux de prélèvement à la source appliqué à cette date, qui se rapporte à ses revenus de 2018 ;

- ses charges courantes sont bien supérieures à celles retenues par l'administration, qui se fonde sur un barème établi par la Banque de France pour les personnes surendettées ; elles s'élèvent, ainsi qu'il ressort de ses relevés bancaires, en moyenne à 2 178 euros par mois ;

- après liquidation de son patrimoine, elle ne pourrait ainsi s'acquitter de sa dette fiscale qu'en plus de 24 ans, ce qui marque une disproportion marquée au sens des dispositions de l'article 1691 bis du code général des impôts ;

- sa première demande de décharge de responsabilité solidaire déposée en 2017 n'a pas été instruite à tort par l'administration fiscale ; cette situation lui est préjudiciable dès lors que sa situation financière s'est améliorée entre sa première et sa seconde demande de décharge de responsabilité solidaire ;

- la constatation de la disproportion marquée au sens des dispositions de l'article 1691 bis du code général des impôts ne peut résulter que du seul calcul admis par la doctrine qui implique la liquidation du patrimoine personnel ;

- elle est donc en droit de bénéficier d'une décharge à hauteur de 90 545 euros en droits pour 2013, de 3 790 euros pour 2014 et de la totalité des pénalités pour un montant de 115 839 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 mai et 17 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 juin 2022 à 12 heures.

Par un mémoire distinct du 27 mars 2023, Mme B... a demandé, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 2 du II de l'article 1691 bis du code général des impôts dans sa version en vigueur du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2021, et plus particulièrement des mots " La décharge de l'obligation de paiement est accordée en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur ".

Par une ordonnance du 20 avril 2023, cette demande de transmission a été rejetée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Liogier,

- les conclusions de M. Illouz, rapporteur public,

- et les observations de Me Féral-Schuhl pour Mme B....

Une note en délibéré a été enregistrée pour Mme B... en date du 4 octobre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... mariée à M. C... en 2013 et 2014, a fait l'objet d'une imposition commune avec ce dernier au titre de ces années. Une procédure de divorce a ensuite été entamée en 2015, et le divorce a été prononcé le 7 février 2019. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration a notifié des rectifications, au titre des années 2013 et 2014, notamment en matière de bénéfices non commerciaux relatifs à une activité de M. C.... Les impositions qui en ont découlé ont été mises en recouvrement, au nom de l'ensemble du foyer fiscal, le 30 septembre 2017. Mme B... a déposé le 15 novembre 2017 une demande de décharge de responsabilité solidaire de ces impositions dont l'instruction a été rejetée en raison d'une réclamation préalable avec sursis de paiement introduite par son ex-époux. Le 19 juillet 2019, elle a introduit une seconde demande de décharge de responsabilité solidaire pour ces impositions, qui s'élèvent à 104 616 euros de droits, 90 910 euros de pénalités d'assiette et 19 553 euros de pénalités de recouvrement pour l'année 2013 et à 9 542 euros de droits, 4 020 euros de pénalités d'assiette et 1 356 euros de pénalités de recouvrement pour l'année 2014, soit un total de 229 997 euros qui lui étaient réclamés à la date de sa demande et qui se limitaient, à la date de rejet de sa demande le 7 janvier 2020 à 222 639,88 euros. Mme B... fait appel du jugement du 14 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de décharge de son obligation de paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que des majorations correspondantes auxquelles elle avait été assujettie solidairement avec son ancien époux en 2013 et 2014, décharge dont elle estime le montant à 94 335 euros en droits et 115 839 euros de pénalités, soit un montant total de décharge de 210 174 euros.

2. D'une part, en vertu des dispositions du I de l'article 1691 bis du code général des impôts, les époux sont tenus solidairement au paiement de l'impôt sur le revenu lorsqu'ils font l'objet d'une imposition commune. Le II de ce même article institue un droit à décharge de la solidarité au bénéfice des contribuables qui remplissent les conditions qu'il énonce. Le 2 de ce même II, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " La décharge de l'obligation de paiement est accordée en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. Elle est alors prononcée selon les modalités suivantes : / a) Pour l'impôt sur le revenu, la décharge est égale à la différence entre le montant de la cotisation d'impôt sur le revenu établie pour la période d'imposition commune et la fraction de cette cotisation correspondant aux revenus personnels du demandeur et à la moitié des revenus communs du demandeur et de son conjoint ou de son partenaire de pacte civil de solidarité. (...) d) Pour les intérêts de retard et les pénalités mentionnées aux articles 1727,1728,1729,1732 et 1758 A consécutifs à la rectification d'un bénéfice ou revenu propre au conjoint ou au partenaire de pacte civil de solidarité du demandeur, la décharge de l'obligation de paiement est prononcée en totalité. Elle est prononcée, dans les autres situations, dans les proportions définies respectivement au a pour l'impôt sur le revenu, au b pour la taxe d'habitation et au c pour l'impôt sur la fortune immobilière. (...) ". En l'absence de dispositions réglementaires précisant l'application du critère fixé au 2 du II de cet article, il appartient aux juges du fond, saisis d'un recours concernant une demande de décharge de l'obligation solidaire de paiement de l'impôt sur le revenu, d'apprécier souverainement l'existence, à la date de la demande, d'une disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale des conjoints, anciens conjoints ou partenaires, et la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur.

3. D'autre part, aux termes de l'article 382 quater de l'annexe II au code général des impôts : " (...) lorsque la décision, notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ne lui donne pas satisfaction, le demandeur doit, à peine de forclusion, porter l'affaire devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à compter : (...) b) Soit de la date de notification de la décision prise sur la demande en décharge. (...) / Le demandeur ne peut soumettre au juge des pièces justificatives autres que celles qu'il a déjà produites à l'appui de la demande de décharge de responsabilité qu'il a présentée au directeur départemental des finances publiques ou au directeur en charge du service à compétence nationale, ni invoquer des faits autres que ceux exposés dans cette demande ".

Sur la date d'appréciation de la disproportion marquée :

4. Mme B... fait valoir que l'administration a illégalement refusé d'instruire sa demande de décharge en 2017 et qu'elle en est pénalisée dès lors que sa situation financière s'est améliorée entre ses deux demandes de décharge. Toutefois, quel qu'en soit le motif, elle a introduit une seconde demande de décharge de responsabilité solidaire de paiement en juillet 2019, dont le rejet est seul ici en litige. Il s'ensuit que l'appréciation de sa situation patrimoniale et financière doit, en vertu des dispositions précitées, être effectuée à la date de cette seconde demande.

Sur le principe de la décharge :

5. Il est constant que Mme B... était divorcée de M. C... depuis le 7 février 2019, qu'elle avait respecté l'ensemble de ses obligations déclaratives depuis la fin de la période d'imposition commune et qu'elle n'avait pas tenté de se soustraire frauduleusement au paiement des impositions qui lui étaient réclamées, ainsi que le prescrit les dispositions de l'article 1691 bis du code général des impôt pour pouvoir prétendre à une décharge de l'obligation de paiement solidaire, en cas de disproportion marquée.

En ce qui concerne sa situation patrimoniale :

6. Il est constant que Mme B... est propriétaire d'un appartement de deux pièces situé au premier étage d'un immeuble sis 8 Villa Collet dans le 14ème arrondissement de Paris, d'une surface de 30,60 m², et qu'elle a contracté un emprunt pour l'achat de ce bien immobilier dont le montant restant à rembourser est, à la date de sa demande de décharge de responsabilité solidaire, de 144 270 euros. Pour apprécier la valeur de ce bien immobilier, les premiers juges ont retenu, parmi les biens comparables dont se prévalaient les deux parties, les prix de vente des biens immobiliers situés dans le même secteur géographique et présentant des caractéristiques proches au bien en cause, soit un appartement de 36 m² situé au 4ème étage d'un immeuble sis 31, rue Jonquoy vendu en 2018 pour 8 194,44 euros le m², un appartement de 26 m² situé au 4ème étage d'un immeuble sis 22 bis rue Ledion vendu en 2018 pour 9 077 euros le m², un appartement de 29 m² situé au 4ème étage d'un immeuble sis 7 rue Ledion vendu en 2019 pour 9 827,59 euros le m² et un appartement de 34 m² situé au 2ème étage de l'immeuble sis 8, Villa Collet vendu en 2017 pour 8 953,05 euros le m² et ont abouti à une valorisation de cet appartement à 9 013,02 euros le m².

7. En premier lieu, la requérante soutient que son bien est situé au premier étage alors que trois des quatre comparables retenus par le tribunal concernent des biens situés au quatrième étage, mieux valorisés. Elle demande ainsi la prise en compte de deux comparables que le tribunal n'a pas retenus. Toutefois, il résulte de l'instruction que les comparables retenus par le tribunal sont tous des appartements avec une chambre séparée, d'une surface proche, dans le même secteur géographique et le dernier d'entre eux est même un appartement situé dans le même immeuble que celui détenu par Mme B..., au deuxième étage. Les comparables que la requérante propose sont, en revanche, moins pertinents, dès lors qu'ils consistent en un appartement situé au 6ème étage, alors que son immeuble, datant de 1930, n'en comporte que trois, et un appartement au rez-de-chaussée dans une rue passante alors que le sien est situé au premier étage dans une impasse et que la situation en rez-de-chaussée est une circonstance communément admise comme défavorable à la vente d'un appartement.

8. En deuxième lieu, la requérante fait valoir que son immeuble est un ancien hôtel et qu'en conséquence, la configuration de l'appartement est particulière, la salle de bains se situant dans la chambre exiguë. Toutefois, les comparables retenus par le tribunal comprennent un appartement situé dans le même immeuble que la requérante et, s'agissant des autres comparables, ceux-ci sont tous des appartements parisiens d'une surface réduite de moins de 35 m² et il ne résulte ainsi pas de l'instruction que leur exiguïté serait moindre.

9. En troisième lieu, Mme B... fait valoir que l'état de son appartement était mauvais du fait de problèmes d'humidité. Toutefois, pour le justifier, elle se borne à produire un mail d'août 2020 adressé par une autre personne à un assureur qui ne mentionne pas quel appartement est concerné par les infiltrations, et deux échanges avec ses locataires à l'été 2017 à propos de problèmes d'humidité. Ces éléments imprécis et isolés ne permettent pas de regarder l'appartement qu'elle possède comme, de façon structurelle, atteint de graves problèmes d'humidité susceptibles d'affecter sa valorisation.

10. En dernier lieu, si Mme B... fait valoir que le bien serait vendu occupé, il résulte de l'instruction que le bien est loué meublé pour une durée d'une année seulement et la requérante ne fait état d'aucune contrainte particulière résultant de ses conditions de location.

11. En conséquence, les premiers juges ont, à bon droit, valorisé l'appartement détenu par Mme B... à 275 798 euros.

12. Toutefois, la requérante fait valoir, pour la première fois en appel, qu'en cas de cession du bien pour apurer sa dette fiscale, elle ferait nécessairement face à des frais d'agence et à la taxation d'une plus-value. S'agissant des frais d'agence, aucun frais ne peut être estimé avec certitude. En revanche, s'agissant de la plus-value, il résulte de l'instruction que Mme B... a acheté le bien à 215 000 euros en 2007, que les frais d'acquisition s'élevaient à 16 125 euros et que, déclarant n'ayant réalisé aucun travaux, elle ne pourrait bénéficier de la majoration du prix d'acquisition pour travaux prévue au 4° du II de l'article 150 VB du code général des impôts. Le prix d'acquisition s'élèverait donc à 231 125 euros, générant 44 673 euros de plus-value taxable. Après déduction des abattements pour durée de détention, de 42 % pour l'impôt sur le revenu en vertu de l'article 150 VC du code général des impôts et de 11,55 % pour les prélèvements sociaux en vertu de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, la taxation inhérente à la cession de ce bien peut ainsi être estimée à 11 719 euros.

13. Il y a donc lieu de fixer la valeur nette de cet appartement à 119 809 euros, soit la valeur de l'appartement, telle qu'indiquée au point 11 du présent arrêt, diminuée de la taxation estimée de la plus-value à 11 719 euros et du montant de l'emprunt restant à rembourser de 144 270 euros.

14. Par ailleurs, Mme B... détient une part de la société civile immobilière El Quetzal. Cette part a été estimée à 1 150 euros. Dans son mémoire en défense, l'administration convient de l'application d'une décote de 10 % pour tenir compte du faible pourcentage de participation et du caractère familial de la société, et propose finalement une valeur de 1 035 euros pour cette part. Mme B... fait valoir que la valeur de la part est moindre, voire nulle, dès lors que toute cession devrait être préalablement agréée par l'ensemble des associés de la société, faisant peser une forte contrainte sur la cession. Toutefois, il ressort des statuts qu'elle produit qu'en cas de refus d'agrément, les autres associés sont tenus de lui racheter cette part, ne permettant pas d'écarter toute cession de cette part sociale. En conséquence, la seule circonstance que l'éventuelle cession soit limitée dans les statuts ne permet pas de justifier l'application d'une décote supérieure aux 10 % proposés par l'administration.

15. Enfin, la requérante ne conteste pas qu'elle disposait, à la date de sa demande, d'un véhicule estimé à 3 181 euros et de liquidités pour 7 527 euros. La circonstance que son véhicule lui permette de se rendre sur son lieu de travail n'est pas de nature à remettre en cause la prise en compte de la valeur de ce véhicule pour l'appréciation de sa situation patrimoniale.

16. Il y a donc lieu de fixer la valeur nette du patrimoine de Mme B... à 131 552 euros, inférieure au montant de la dette fiscale, dont le solde s'élève à 222 639,88 euros, ainsi qu'il a été rappelé au point 1.

En ce qui concerne sa situation financière :

17. Les premiers juges ont retenu, à la date de la demande de décharge de responsabilité solidaire, un montant de 6 396 euros pour les ressources mensuelles de Mme B..., dont 6 234 euros de salaires et assimilés, 30 euros de revenus professionnels et 132 euros de prestations sociales, ainsi qu'un montant de 4 157,83 euros pour les charges mensuelles, dont 138,83 euros d'impositions et taxes de l'année courante, 2 072 euros de dépenses courantes liées à l'habitation, 1 010 euros de frais de garde et de loisirs de ses deux enfants ainsi que 937 euros de dépenses courantes estimées selon le barème de la Banque de France pour un montant forfaitaire à défaut de justificatif portant sur le montant exact des charges concernées.

18. D'une part, il résulte de l'instruction qu'en juin 2019, les revenus de Mme B... s'élevaient à 6 396 euros, dont 6 234 euros de salaires. Ainsi qu'il ressort du bulletin de paie qu'elle a produit à l'appui de sa demande de décharge de responsabilité, ce dernier montant correspond au montant mensuel du salaire de Mme B..., hors prime qu'elle perçoit une fois par an. Mme B... revendique, pour la première fois en appel, la prise en compte d'un taux de prélèvement à raison de ces sommes de 19,53 % et non de 12,30 % effectif en juillet 2019 mais relatif à ses revenus de 2018 qui étaient très inférieurs. Toutefois, le taux qu'elle revendique est le taux d'imposition de l'ensemble de ses revenus de l'année 2019, y compris ses primes, alors que Mme B..., demande, dans le même temps, que seuls ses revenus hors primes soient pris en compte, et les revenus du second semestre de l'année de 2019, qui sont postérieurs à la date de sa demande de décharge de responsabilité solidaire. Par conséquent, en l'absence d'information correspondant au taux d'imposition réel sur ses revenus mensuels à la date de sa demande de juin 2019, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande et ses revenus mensuels doivent donc être fixés à 6 396 euros.

19. D'autre part, Mme B... ne conteste plus que le montant des charges courantes de 937 euros retenu par le tribunal. Elle fait valoir que ses dépenses s'élèvent à 2 178 euros en moyenne, en s'appuyant sur les relevés de compte d'avril à juin 2019, qu'elle n'avait pas produits devant le tribunal. Il résulte de l'instruction que les dépenses ayant trait à l'alimentation, l'habillement et les transports, à l'exclusion de celles relatives à l'achat de cigarettes, de cadeaux, de loisirs ou relatives à son activité professionnelle s'élèvent en moyenne sur ces trois mois à 1 389 euros. Ainsi, Mme B... justifie, dès le dépôt de sa demande en juillet 2019, d'un montant de charges courantes supérieures à celles retenues par l'administration et le tribunal, auquel il y a lieu d'ajouter ainsi qu'il a été détaillé plus haut, 138,83 euros d'impositions et taxes de l'année courante, 2 072 euros de dépenses courantes liées à l'habitation et 1 010 euros de frais de garde. Par suite, il y a lieu de fixer le montant total de ses charges mensuelles à 4 610 euros et, en conséquence, celui de ses ressources mensuelles à 1 786 euros.

20. Dans ces conditions, au vu de sa situation patrimoniale et financière, et sans qu'il soit besoin d'envisager un autre calcul que celui effectué par l'administration, Mme B..., qui élève seule ses deux enfants mineurs, ne pouvait solder la dette fiscale qui lui était réclamée qu'en plus de quatre ans, traduisant une disproportion marquée au sens des dispositions du 2 de l'article 1691 bis du code général des impôts.

21. Il résulte de ce qui précède que Mme B... remplissait à la date de sa demande l'ensemble des conditions pour obtenir une décharge de l'obligation de paiement des impositions et pénalités en litige, telles que précisées au point 1. du présent arrêt, qui s'élevaient à 222 639,88 euros. Dès lors, Mme B... est fondée à obtenir pour 2013 et 2014, une décharge partielle des droits et pénalités en litige, calculée selon les modalités fixées au a) et au d) du 2 du II de l'article 1691 bis du code général des impôts.

22. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge de son obligation de paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu des années 2013 et 2014 et des pénalités auxquelles elle était solidairement tenue. Ce jugement doit, dès lors, être annulé, et la décharge calculée selon les modalités fixées au point précédent.

23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2001709 du 14 octobre 2021 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : Mme B... est déchargée partiellement de son obligation de paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités des années 2013 et 2014 auxquelles elle avait été assujettie solidairement avec son ex-époux, décharge calculée selon les modalités fixées aux a) et d) du 2 du II de l'article 1691 bis du code général des impôts.

Article 3 : L'État versera à Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Besson-Ledey, présidente,

Mme Danielian, présidente assesseure,

Mme Liogier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

C. LiogierLa présidente,

L.Besson-Ledey

La greffière,

A. Audrain-Foulon

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

ss

N°21VE02953 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02953
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-02-01 Contributions et taxes. - Généralités. - Recouvrement. - Paiement de l'impôt. - Solidarité entre époux.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: Mme Claire LIOGIER
Rapporteur public ?: M. ILLOUZ
Avocat(s) : FERAL-SCHUHL

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-10-19;21ve02953 ?
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