Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2021 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, le cas échéant, de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte.
Par un jugement n° 2100638 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2021, Mme B... C..., représentée par Me Nessah, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2021 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté du préfet est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle remplit l'ensemble des conditions lui ouvrant droit à la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiante ;
- il est également entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'ordonnance du 2 novembre 1945, au regard de sa durée de présence en France et de ses attaches familiales sur le territoire ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il est motivé par l'existence d'un précédent arrêté du 12 juillet 2018 par lequel le préfet du Loiret l'avait obligée à quitter le territoire français, lequel est illégal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2022, le préfet de l'Yonne, représenté par Me Cano, avocat, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bonfils,
- et les observations de Me Cano pour le préfet de l'Yonne.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C..., ressortissante gabonaise née le 21 mars 1999 à Libreville (Gabon), est entrée sur le territoire français le 14 août 2016, munie d'un passeport gabonais en cours de validité et sous couvert d'un visa court séjour, valable du 10 août au 10 octobre 2016. Mme C... a sollicité son admission au séjour en qualité d'étudiante. Par un arrêté du 13 janvier 2021, le préfet de l'Yonne a rejeté cette demande et a fait à Mme C... obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme C... relève appel du jugement du 21 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France. (...) II. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte mentionnée au I est accordée de plein droit : / 1° A l'étranger auquel un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois a été accordé dans le cadre d'une convention signée entre l'Etat et un établissement d'enseignement supérieur et qui est inscrit dans cet établissement ; / 2° A l'étranger ayant satisfait aux épreuves du concours d'entrée dans un établissement d'enseignement supérieur ayant signé une convention avec l'Etat ; / 3° A l'étranger boursier du Gouvernement français ; / 4° A l'étranger titulaire du baccalauréat français préparé dans un établissement relevant de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ou titulaire d'un diplôme équivalent et ayant suivi pendant au moins trois ans une scolarité dans un établissement français de l'étranger ; / 5° A l'étranger ressortissant d'un pays ayant signé avec la France un accord de réciprocité relatif à l'admission au séjour des étudiants ; / 6° A l'étranger qui, à l'exception des cas mentionnés au 4° de l'article L. 313-20 du présent code, a signé la convention de séjour de recherche définie à l'article L. 434-1 du code de la recherche, afin de se former à la recherche et par la recherche. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-1 du même code, alors en vigueur : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'une première carte de séjour doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées à l'article R. 311-2-2, les pièces suivantes : / (...) / 2° Sauf stipulation contraire d'une convention internationale applicable en France, un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois autre que celui mentionné au 3° de l'article R. 311-3 ; / (...) ". L'article R. 313-10 de ce même code, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté en litige, dispose : " Peut être exempté, sur décision du préfet, de l'obligation de présentation du visa de long séjour prescrite au 2° de l'article R. 313-1 : / 1° L'étranger qui suit en France un enseignement ou y fait des études, en cas de nécessité liée au déroulement des études. Sauf cas particulier, l'étranger doit justifier avoir accompli quatre années d'études supérieures et être titulaire d'un diplôme, titre ou certificat au moins équivalent à celui d'un deuxième cycle universitaire ou d'un titre d'ingénieur. Il est tenu compte des motifs pour lesquels le visa de long séjour ne peut être présenté à l'appui de la demande de titre de séjour, du niveau de formation de l'intéressé, ainsi que des conséquences que présenterait un refus de séjour pour la suite de ses études ; / 2° L'étranger qui a suivi une scolarité en France depuis au moins l'âge de seize ans et qui y poursuit des études supérieures. A l'appui de sa demande, l'étranger doit justifier du caractère réel et sérieux des études poursuivies. ". Enfin, aux termes de l'article R. 313-7 du même code, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Pour l'application du I de l'article L. 313-7, l'étranger qui demande la carte de séjour portant la mention " étudiant " doit présenter, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les pièces suivantes : / 1° La justification qu'il dispose de moyens d'existence, correspondant au moins au montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux boursiers du Gouvernement français ; (...) ".
3. En premier lieu, pour refuser de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " étudiant ", le préfet de l'Yonne s'est fondé à la fois sur l'absence d'inscription scolaire au titre de l'année 2020-2021, sur l'absence de ressources et sur l'absence de visa d'une durée supérieure à trois mois sans que l'intéressée puisse se prévaloir d'aucun motif de dispense de visa long séjour prévu par les dispositions du 1er alinéa de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité. La requérante ne soutient, ni même n'allègue, être entrée en France munie d'un visa de long séjour ou relever de l'un des cas de dispense de la production d'un tel visa. Dès lors, et pour le seul motif tiré de l'absence de visa de long séjour, le préfet de l'Yonne était fondé à refuser à l'intéressée la délivrance du titre de séjour qu'elle sollicitait. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que si Mme C... produit des certificats de scolarité délivrés par l'université Paris 8 au titre des années universitaires 2019-2020 et 2020-2021 attestant de son inscription en première année en licence " administration économique et sociale " (AES), il est établi qu'elle a redoublé cette première année sans qu'il soit par ailleurs justifié que cet échec serait dû à des raisons médicales, lesquelles sont bien antérieures à cette période au titre de laquelle elle ne produit aucune attestation d'assiduité ni son bulletin de notes, l'ensemble des attestations figurant au dossier ayant été établies par la responsable pédagogique et plusieurs enseignants de la formation postérieurement à l'arrêté en litige. S'agissant, par ailleurs, des ressources à disposition de Mme C..., l'attestation sur l'honneur, d'une part de Mme D... assurant verser à l'intéressée une somme mensuelle de 400 euros, et d'autre part de M. A... C... indiquant être le titulaire d'un compte sur carte prépayée UBA Gabon dont la requérante serait la bénéficiaire, ne sont corroborées par aucune autre pièce du dossier, alors notamment que les documents bancaires produits portent comme identifiant le nom de Mme D... et non celui de Mme B... C.... Dans ces conditions, et à supposer même établie la circonstance que la requérante serait hébergée par des membres de sa famille depuis son arrivée en France, en considérant que Mme C... ne remplissait pas les conditions de ressources et de sérieux dans le suivi des études lui permettant d'obtenir de plein droit une carte de séjour portant la mention " étudiant ", le préfet de l'Yonne n'a pas commis d'erreur d'appréciation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article
L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, seules en vigueur au jour de l'arrêté en litige, doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ressort des motifs de l'arrêté en litige qu'outre ce qui a été dit au point 3, l'autorité préfectorale a pris en compte l'ensemble des éléments relatifs à la situation administrative et personnelle, au regard notamment des études poursuivies par Mme C... et de l'état de santé de cette dernière, mais également familiale de l'intéressée. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté serait entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation au seul motif qu'il indique que l'intéressée ne justifie pas de sa difficulté à suivre des études dans son pays d'origine.
5. En troisième lieu, Mme C... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ont codifié celles de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que sa demande de délivrance d'un titre de séjour aurait été déposée ou examinée par le préfet de l'Yonne sur le fondement de cet article du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En dernier lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Mme C... soutient que l'ensemble de ses attaches personnelles et familiales sont désormais en France dès lors, d'une part, qu'elle entretient une relation intense avec l'ensemble de ses frères et sœurs, qui sont tous français, et notamment avec sa sœur, Mme D..., qui l'héberge, et que, d'autre part, l'état de santé de sa mère, qui vit au Gabon, s'est beaucoup dégradé. Toutefois, si la requérante produit des attestations sur l'honneur, rédigées en termes peu circonstanciés, établies par plusieurs homonymes, qui sont certes tous de nationalité française, dont l'un déclare l'avoir hébergée et l'autre déclare l'héberger à présent et contribuer à ses besoins, elle ne justifie par aucun document officiel le lien de parenté avec ces personnes ni par aucune autre pièce l'intensité des liens familiaux qui les uniraient. L'intéressée ne conteste pas avoir été en dernier lieu hébergée chez une tierce personne, ainsi que cela ressort de l'arrêté préfectoral attaqué, ni qu'elle conserve des attaches familiales fortes dans son pays d'origine, où vivent notamment son père et sa mère, indépendamment même de l'état de santé de cette dernière, lequel n'est du reste pas établi par les pièces du dossier, et où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de 17 ans. Enfin, il est constant que la requérante s'est maintenue de manière irrégulière sur le territoire français depuis l'expiration de son visa court séjour, le 10 octobre 2016, et qu'elle s'est soustraite à l'exécution d'une première mesure d'éloignement, prononcée par le préfet du Loiret dans un arrêté du 12 juillet 2018, dont en tout état de cause, d'une part, elle reconnaît ne pas avoir contestée la légalité, et alors, d'autre part, qu'elle n'établit pas le dépôt d'une demande complète de régularisation de sa situation auprès d'une autorité préfectorale antérieure à l'édiction de cette première mesure d'éloignement. Dans ces conditions, et au vu de ce qui a été dit au point 3 de l'arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, ainsi que, pour les mêmes motifs, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation de Mme C....
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Le Gars, présidente,
Mme Pham, première conseillère,
Mme Bonfils, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.
La rapporteure,
M-G. BONFILS
La présidente,
A-C. LE GARS
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 21VE03149