La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/10/2023 | FRANCE | N°21VE00257

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 17 octobre 2023, 21VE00257


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner solidairement le centre hospitalier René Dubos et la société Amtrust France à lui verser les sommes de 18 272,89 euros et de 4 200 euros, en remboursement de l'indemnité accordée à Mme A... et à ses ayants droit, en réparation des préjudices subis et des frais d'expertise exposés, ainsi que la somme de 2 729,14 eur

os au titre de l'indemnité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner solidairement le centre hospitalier René Dubos et la société Amtrust France à lui verser les sommes de 18 272,89 euros et de 4 200 euros, en remboursement de l'indemnité accordée à Mme A... et à ses ayants droit, en réparation des préjudices subis et des frais d'expertise exposés, ainsi que la somme de 2 729,14 euros au titre de l'indemnité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, assorties des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande préalable.

Par un jugement n° 1803775 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, condamné in solidum le centre hospitalier René Dubos et la société Amtrust France à verser à l'ONIAM la somme de 20 770,01 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2018, et la somme totale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, condamné le centre hospitalier René Dubos à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-d'Oise la somme de 34 060,87 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2019, l'indemnité forfaitaire de gestion de 1 091 euros et la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire, un mémoire ampliatif et des mémoires, enregistrés les 29 janvier, 8 février et 28 avril 2021 et le 12 janvier 2023, le centre hospitalier René Dubos et la société Amtrust France, représentés par Me El Kaïm, avocat, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement en tant qu'il les a condamnés à rembourser à l'ONIAM et à la CPAM du Val-d'Oise les sommes versées en indemnisation des préjudices subis à l'occasion de la prise en charge de Mme A... le 10 juin 2011 ;

2°) de les décharger des sommes ainsi mises à leur charge ;

3°) de rejeter les conclusions présentées par l'ONIAM tendant à l'infirmation du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de la demande de remboursement des dépenses exposées par l'ONIAM ;

4°) de condamner l'ONIAM et la CPAM du Val-d'Oise à leur verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) à titre subsidiaire, d'annuler les articles 2, 3 et 5 du jugement ;

6°) de réformer l'article 1er du même jugement en déduisant du montant mis à leur charge, la somme de 1 506,36 euros correspondant à la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ;

7°) de condamner la CPAM du Val-d'Oise à leur verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur responsabilité ne peut être engagée sur le fondement de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, les expertises diligentées par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) d'Ile-de-France ne permettant pas d'établir de lien de causalité entre le prétendu défaut de prise en charge de Mme A... le 10 juin 2011, lequel n'est pas avéré, et les dommages tenant au PRES subi, au sein desquels il n'est pas distingués entre ceux inévitables car liés à l'aléa thérapeutique et ceux qui résulteraient d'un retard de diagnostic ;

- la CPAM du Val-d'Oise ne rapporte la preuve ni de l'exactitude des dépenses qu'elle aurait exposées, ni de leur imputabilité aux préjudices subis par Mme A... en lien avec une prétendue faute commise par le centre hospitalier René Dubos ;

- leur refus d'indemniser la victime étant fondé, la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique n'est pas due ;

- il n'est démontré aucun manquement fautif au titre de l'opération réalisée le 11 avril 2011.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Welsch, avocate, conclut au rejet de la requête, à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande, à la condamnation in solidum du centre hospitalier René Dubos et de la société Amtrust France à lui verser les sommes de 18 272,89 euros en application des protocoles qu'il a conclus, la somme de 4 200 euros au titre des frais d'expertise, la somme de 2 729,14 euros correspondant à la pénalité de 15 % prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2018, date de réception de sa demande préalable.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par le centre hospitalier René Dubos et la société Amtrust France ne sont pas fondés ;

- l'existence d'un geste fautif lors de l'opération du 11 avril 2011 est de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ;

- il a droit au remboursement de la totalité des sommes versées en indemnisation des différents préjudices, soit la somme globale de 18 272,89 euros, ainsi qu'au remboursement de la pénalité au taux de 15 % dès lors que la responsabilité du centre hospitalier n'était pas sérieusement contestable.

La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise qui n'a pas présenté d'observations.

Par ordonnance du président de la chambre du 25 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 mai 2023 à 12 heures, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonfils,

- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,

- et les observations de Me El Kaïm pour le centre hospitalier René Dubos et la société Amtrust France.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a subi, le 11 avril 2011, un curetage et une ovariectomie au centre hospitalier René Dubos pour traiter un carcinome épidermoïde du col de l'utérus avec extension ganglionnaire iliaque externe et lomboaortique. Le 10 juin 2011, Mme A... a été prise de douleurs pelviennes et abdominales, de nausées, de troubles de la vision et fait plusieurs crises d'épilepsie. Mme A... a alors été transférée au centre hospitalier René Dubos où le personnel médical a constaté l'existence de lésions cérébrales et suspecté la présence de métastases. Mme A... n'a pas été prise en charge par le service de réanimation et a été renvoyée le jour même à la clinique Sainte-Marie. Le 7 octobre 2011, un diagnostic de syndrome d'encéphalopathie postérieure réversible (PRES), maladie sévère du système nerveux central, a été évoqué par le chef du service de néphrologie de l'hôpital européen Georges Pompidou. Le 16 février 2012, Mme A... a été opérée à l'hôpital Georges Pompidou d'une néphrectomie, ce qui a permis l'amélioration de son état neurologique.

2. Mme A... a sollicité l'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subis lors de ses prises en charge au centre hospitalier René Dubos auprès de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) d'Ile-de-France, laquelle a confié la réalisation de deux expertises, d'une part, aux docteurs Mauroy, Noël et Bakouche et, d'autre part, aux docteurs Reynoird, Lebret et Kamioner. Au vu des deux rapports d'expertise des 19 juin 2013 et 29 novembre 2014, la commission a rendu un avis, le 16 avril 2015, selon lequel le PRES subi par Mme A... était à 20 % lié à son traitement anti-cancéreux et à 80 % à une hypertension artérielle maligne. La CRCI a également considéré que si l'hypertension artérielle de Mme A... trouvait son origine dans une ligature de l'artère rénale gauche survenue lors de l'opération du 11 avril 2011, celle-ci constituait un accident médical non fautif ouvrant droit à réparation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de la solidarité nationale. Enfin, la CRCI a estimé que le centre hospitalier René Dubos avait commis, lors de la prise en charge de Mme A... le 10 juin 2011, une faute de nature à engager sa responsabilité et ayant contribué à une perte de chance de 90 % de mettre un terme à son hypertension artérielle maligne et, en conséquence, une perte de chance de 72 % de faire cesser son PRES. En conséquence, la CRCI a considéré que le défaut de prise en charge de Mme A... le 10 juin 2011 était de nature à engager la responsabilité pour faute du centre hospitalier René Dubos. Le centre hospitalier René Dubos et son assureur ayant indiqué qu'ils n'entendaient pas faire d'offre d'indemnisation, l'ONIAM a, en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, conclu avec la victime deux protocoles transactionnels d'indemnisation partielle, le premier, signé le 28 septembre 2015 pour un montant total de 61,04 euros, au titre de la solidarité nationale et le second, signé le 30 novembre 2015 pour un montant total de 10 203,48 euros, au titre de la responsabilité pour faute de l'établissement hospitalier. A la suite du décès de Mme A... le 25 janvier 2016, deux autres protocoles transactionnels ont été signés le 8 novembre 2016 entre les ayants droit de la défunte et l'ONIAM, respectivement au titre de la solidarité nationale, pour un montant total de 17,56 euros, et de la responsabilité pour faute du centre hospitalier René Dubos à hauteur d'un montant total de 7 990,81 euros. Le centre hospitalier René Dubos et son assureur, la société Amtrust France, relèvent appel du jugement du 1er décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, condamné in solidum le centre hospitalier René Dubos et la société Amtrust France à verser à l'ONIAM la somme de 20 770,01 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2018, et la somme totale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, condamné le centre hospitalier René Dubos à verser à la CPAM du Val-d'Oise la somme de 34 060,87 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2019, l'indemnité forfaitaire de gestion de 1 091 euros et la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la voie de l'appel incident, l'ONIAM demande, d'une part, l'annulation du même jugement en tant que celui-ci a rejeté le surplus de sa demande, d'autre part, la condamnation in solidum du centre hospitalier René Dubos et de la société Amtrust France à lui verser les sommes de 18 272,89 euros en application des protocoles qu'il a conclus, la somme de 4 200 euros au titre des frais d'expertise ainsi que la somme de 2 729,14 euros correspondant à la pénalité de 15 % prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique.

3. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...). ".

Sur la responsabilité du centre hospitalier René Dubos à raison de l'intervention du 11 avril 2011 :

4. L'ONIAM soutient que la responsabilité du centre hospitalier René Dubos est engagée en raison d'un geste médical fautif lors de l'opération de Mme A..., le 11 avril 2011, dès lors que les experts mettent en évidence une atteinte peropératoire de l'artère rénale gauche alors qu'aucune anomalie anatomique n'est établie pour justifier la survenue de cette lésion. Il résulte de l'instruction, et en particulier des rapports d'expertise, que si aucune anomalie anatomique de la patiente n'a été notée, aucun saignement intempestif n'est davantage mentionné dans le compte-rendu opératoire. Le premier rapport d'expertise du 19 juin 2013 retient comme hypothèse la plus probable une ligature de l'artère rénale pendant l'intervention chirurgicale, qu'il qualifie d'accident médical, les gestes du chirurgien ayant été conformes aux règles de l'art, et le second, établi le 29 novembre 2014, évoque " un geste traumatique sur l'artère rénale gauche ", dont l'origine est incertaine " pour les experts, le plus probable est une ligature passée inaperçue lors de l'intervention ", les experts concluant à un accident médical non fautif en raison de l'impossibilité de " conclure qu'il s'agit d'une maladresse d'exécution car en effet il peut y avoir des variations anatomiques qui exposent au risque de lésion des vaisseaux rénaux. ". En l'absence de tout élément de nature à remettre en cause ces constats convergents, l'existence d'une complication rarissime liée à une variation anatomique, indépendamment d'une anomalie physiologique caractérisée, constitue un accident médical non fautif. Par suite, la responsabilité du centre hospitalier René Dubos ne saurait être engagée à ce titre.

Sur la responsabilité du centre hospitalier René Dubos à raison d'un défaut de prise en charge le 10 juin 2011 :

5. En premier lieu, pour contester tout défaut de prise en charge à l'occasion de l'admission, le 10 juin 2011, au sein de son service des urgences de Mme A..., le centre hospitalier René Dubos et son assureur, la société Amtrust France, soutiennent que l'admission en réanimation de la patiente n'aurait permis d'empêcher ni la survenue des deux premières crises d'épilepsie, ni de la dernière survenue dans la nuit du 10 au 11 juin, ni encore les hallucinations visuelles dont la malade a été victime le 12 juin suivant, que l'hypertension artérielle de la patiente à l'origine de ces désordres était causée à la fois par la ligature de l'artère rénale survenue le 11 avril 2011 et reconnue comme un accident médical non fautif, et par le traitement de chimiothérapie, et, enfin, que le diagnostic de métastases cérébrales était possible à la date du 10 juin, dans la mesure où l'encéphalopathie hypertensive peut prendre l'aspect clinique d'une tumeur cérébrale ainsi que l'ont admis les experts nommés par la CRCI. Il ressort toutefois des deux rapports d'expertise médicale, établis respectivement les 19 juin 2013 et 29 novembre 2014, que si Mme A... a reçu un traitement adapté à base d'anti-épiléptiques et d'anti-hypertenseurs dispensé par la clinique Sainte-Marie, où l'intéressée avait suivi une curiethérapie et où elle a été transférée le soir du 10 juin 2011, son admission en réanimation au sein du centre hospitalier René Dubos était justifiée, sinon requise, afin de garantir la libération des voies respiratoires et, surtout, de vérifier rapidement, avec l'avis d'un neurologue et la réalisation sans délai d'une imagerie par résonance magnétique (IRM), l'exactitude du premier diagnostic de métastases cérébrales posé au vu d'un seul scanner. Une première IRM n'a été réalisée que le 15 juin permettant d'émettre un doute sur l'existence d'une tumeur cérébrale avant qu'une nouvelle IRM, réalisée le 20 juin, conclue à la présence d'un petit hématome, le diagnostic d'un syndrome d'encéphalopathie postérieure réversible (PRES) n'ayant été confirmé que le 24 juin suivant. Le premier rapport d'expertise affirme que " si le PRES avait été reconnu plus tôt, l'évolution en aurait été plus favorable et plus courte. ". Dans ces conditions, indépendamment des circonstances qui sont à l'origine du PRES, au vu de la gravité du contexte médical de la patiente, des symptômes manifestés et du premier diagnostic posé, fut-il légitime, l'absence d'admission en réanimation au sein du centre hospitalier René Dubos de Mme A... le 10 juin 2011, en vue de garantir sa parfaite prise en charge médicale et de procéder aux investigations complémentaires nécessaires, caractérise un défaut de prise en charge. Ce défaut de prise en charge revêt un caractère fautif.

6. En second lieu, les demandeurs contestent également le lien de causalité entre, d'une part, un défaut de prise en charge et, d'autre part, les dommages subis par Mme A..., dès lors qu'aucune nouvelle crise d'épilepsie n'est intervenue après le 11 juin, que le malaise survenu le 30 septembre n'est pas en lien de manière certaine avec l'hypertension artérielle et que les céphalées dont la patiente souffrait ont persisté après la néphrectomie, laquelle seule permettait de remédier au PRES et n'est intervenue que le 16 février 2012. Toutefois, outre qu'indépendamment de la qualité de la prise en charge de Mme A... au sein de la clinique Sainte-Marie, les experts ont constaté que la correction tardive du premier diagnostic de métastases cérébrales a suscité " une période d'incertitude et une information erronée donnée à la patiente et à sa famille ", dont l'indication d'une issue fatale, surtout, il résulte de l'instruction, et notamment du second rapport d'expertise, que le PRES dont a souffert Mme A... est dû pour 80 % à l'hypertension artérielle maligne (HTA) consécutive à la ligature de l'artère rénale, et à 20 % à la chimiothérapie anticancéreuse à base de traitement par Cisplatinum hebdomadaire reçu du 19 avril au 1er juin 2011. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, les experts ont également retenu que " l'absence de prise en charge à la section d'urgence du centre hospitalier le 10 juin constitue une négligence, dont on peut estimer qu'elle est responsable à 90 % des complications liées à l'hypertension artérielle maligne (...) car si le PRES avait été reconnu plus tôt, l'évolution en aurait été plus favorable et plus courte. ". Les demandeurs n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause le constat ainsi réalisé par les experts quant à une complication et un allongement de l'évolution du PRES du fait du retard de diagnostic. A cet égard, il résulte également de l'instruction que l'amélioration de l'état de Mme A... sous corticoïdes, anti-épileptiques et anti-hypertenseurs est notée après la date du 20 juin 2011, et que le traitement prescrit à la patiente a été utilement adapté postérieurement aux examens complémentaires réalisés, dès lors que seulement deux médicaments sur les quatre prescrits à la sortie de la clinique ont été indiqués à Mme A... dès le 12 ou 13 juin et que le cahier de transmissions infirmier notait encore à la date du 14 juin une impotence globale des membres inférieurs, sans qu'aucun examen neurologique n'ait été réalisé à cette date, en dépit d'une récupération neurologique qualifiée de " lente " n'autorisant la sortie de la patiente que le 28 juin. Il est également établi que l'hypertension de Mme A..., qui demeurait mal contrôlée, si elle n'explique pas seule l'accident du 30 septembre, lequel a entrainé une fracture de la clavicule, n'y est pas totalement étrangère. Par ailleurs, alors que les experts ont précisément identifié l'origine de chacun des préjudices, notamment dans le premier rapport d'expertise, le centre hospitalier René Dubos et son assureur ne précisent pas quels préjudices auraient été retenus à tort comme étant dépourvus de lien avec l'évolution du PRES. Par suite, le centre hospitalier René Dubos et la société Amtrust France ne sont pas fondés à soutenir que la responsabilité du centre hospitalier ne peut être engagée en l'absence de lien entre le retard de diagnostic du PRES et les dommages subis à raison de ce PRES.

Sur les conclusions de l'ONIAM tendant au remboursement intégral par le centre hospitalier René Dubos et la société Amtrust France des sommes versées à Mme A... et à ses ayants droit :

7. L'ONIAM demande le remboursement intégral des sommes versées au titre des protocoles transactionnels qu'il a conclus avec Mme A..., puis avec ses deux ayants droit, soit la somme globale de 18 272,89 euros. S'il résulte de ce qui a été dit au point 4 de l'arrêt, que le centre hospitalier n'est pas tenu de rembourser à l'ONIAM les sommes versées en réparation de l'accident médical non fautif survenu à cette date, soit la somme totale de 78,60 euros, il y a lieu en revanche de faire droit aux conclusions de l'ONIAM tendant au remboursement intégral des sommes qu'il a exposées et qui correspondent à l'indemnisation à hauteur de 90 % des 80 % des chefs de préjudice résultant de la part du PRES imputable à l'hypertension artérielle, soit la somme totale de 10 203,48 euros versée à Mme A..., et la somme totale de 7 990,81 euros versée aux ayants droit de la victime. Dans ces conditions, dès lors que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné le centre hospitalier René Dubos et la société Amtrust France à verser à l'ONIAM la somme globale de 15 063,65 euros au titre des différents préjudices indemnisés, l'ONIAM est fondé à demander le versement d'une somme supplémentaire totale de 3 130,64 euros au titre de l'indemnisation qu'il a versée et due par le centre hospitalier René Dubos et son assureur. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2018, date de réception de la demande préalable de l'ONIAM.

Sur les débours exposés par la CPAM du Val-d'Oise :

8. Il ressort du relevé des débours produit par la CPAM du Val-d'Oise que celui-ci porte sur les dépenses correspondant aux prestations servies à Mme A... à compter du 10 juin 2011, en raison de la prise en charge des suites du PRES dont cette dernière a été victime à compter de cette date. Si l'attestation d'imputabilité mentionne à tort la date de l'acte médical du 11 avril 2011, il ressort du détail des prestations servies que celles-ci correspondent bien aux suites de la prise en charge intervenue le 10 juin 2011, à l'exception des indemnités journalières, dont le montant correspondant à la période antérieure au 10 juin 2011 peut toutefois être identifié. Dans ces conditions, le centre hospitalier René Dubos et la société Amtrust France, qui se bornent à soutenir que la CPAM du Val-d'Oise ne rapporterait ni la preuve exacte des dépenses qu'elle aurait exposées, ni celle de leur imputabilité aux préjudices subis par Mme A... en lien avec une faute commise par le centre hospitalier René Dubos, sans contester notamment le montant de la somme de 8 916,78 euros mis à leur charge au titre des indemnités journalières versées à la CPAM, ne sont pas fondés à soutenir que la CPAM n'établirait pas suffisamment les dépenses dont elle a demandé le remboursement.

Sur la majoration prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique :

9. Aux termes des dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue. ".

10. Il résulte de l'instruction que, conformément aux conclusions des rapports d'expertise, l'avis rendu par la CRCI d'Ile-de-France le 16 avril 2015 retient la responsabilité du centre hospitalier René Dubos à raison de la seule faute tenant à l'établissement du diagnostic de la complication neurologique du syndrome d'encéphalopathie postérieure consécutif à l'hypertension maligne due à la ligature de l'artère rénale, cette ligature n'étant toutefois pas la résultante d'une méconnaissance des règles de l'art. Ainsi, la responsabilité du centre hospitalier René Dubos n'était pas sérieusement contestable uniquement en ce qui concerne le seul défaut de prise en charge de Mme A... le 10 juin 2011, à l'origine d'une perte de chance de faire cesser rapidement le PRES. En revanche, le centre hospitalier a pu légitimement refuser de prendre à sa charge les frais exposés par l'ONIAM pour indemniser Mme A... à raison de l'accident médical non fautif survenu le 11 avril 2011. Eu égard à ces circonstances, et au refus du centre hospitalier et de son assureur d'indemniser Mme A... des conséquences dommageables du défaut de prise en charge, il y a lieu de confirmer la condamnation in solidum du centre hospitalier René Dubos et de la société Amtrust France à verser à l'ONIAM une somme égale à 10 % de l'indemnité qui lui a été accordée par le jugement n° 1803775 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 1er décembre 2020, au titre des dispositions précitées du cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, soit la somme de 1 506,36 euros.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier René Dubos et la société Amtrust France ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, les a condamnés in solidum à verser à l'ONIAM la somme de 20 770,01 euros, incluant les frais d'expertise et la majoration confirmée au point précédent de l'arrêt, et, d'autre part, a condamné le centre hospitalier René Dubos à verser à la CPAM du Val-d'Oise la somme de 34 060,87 euros. L'ONIAM est pour sa part seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a limité à la somme de 15 063,65 euros le montant du remboursement à lui verser par le centre hospitalier René Dubos et la société Amtrust France et à demander qu'il soit porté à la somme de 18 194,29 euros.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Il n'apparaît pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles dans la présente instance et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier René Dubos et la société Amtrust France sont condamnés solidairement à verser à l'ONIAM la somme supplémentaire de 3 130,64 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2018.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le jugement n° 1803775 du 1er décembre 2020 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier René Dubos, à la société Amtrust France, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Le Gars, présidente,

Mme Pham, première conseillère,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.

La rapporteure,

M-G. BONFILS

La présidente,

A-C. LE GARS

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE00257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00257
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme LE GARS
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : EL KAIM

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-10-17;21ve00257 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award