Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, d'annuler la décision du 8 janvier 2018 par laquelle le maire de la commune de Palaiseau a rejeté leur recours gracieux tendant à l'abrogation de la délibération du conseil municipal de Palaiseau du 30 juin 2017 décidant le transfert de propriété de la voie du Panorama au sein du domaine public communal, ou à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge judiciaire sur leur action en bornage et, en tout état de cause, de mettre à la charge de la commune de Palaiseau le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1801773 du 22 décembre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 février 2021, M. et Mme B..., représentés par Me Moreau, avocat, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du maire de Palaiseau du 8 janvier 2018 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Palaiseau la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme B... soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'a pas statué sur le moyen tiré de l'expropriation irrégulière d'une partie de leur propriété par la commune de Palaiseau ;
- le maire de la commune de Palaiseau est en situation de compétence liée et ne peut refuser d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal la question de l'abrogation de la délibération du 30 juin 2017 décidant le transfert de propriété de la voie du Panorama ;
- c'est à tort que le jugement attaqué a considéré que la délibération du 30 juin 2017 est légale et ne peut être abrogée ;
- une telle délibération ne pouvait être prise que par le préfet et non le conseil municipal de la commune dès lors qu'ils n'ont pas consenti à l'ouverture à la circulation publique des accès à leur propriété.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2022, la commune de Palaiseau, représentée par Me De Soto, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés et que les requérants n'invoquent aucun élément postérieur à l'édiction de la délibération ayant procédé au transfert de la propriété de la voie au sein du domaine public communal.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de la voirie routière ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Even,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Mercier, substituant Me De Soto, pour la commune de Palaiseau.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... sont propriétaires d'un terrain situé 4 rue de la Vigne de Lozère à Palaiseau, composé de trois parcelles issues d'une division, cadastrées AY472, AY516 et AY517, ces deux dernières constituant pour partie le terrain d'assiette d'un escalier et d'une rampe pour véhicules servant d'accès à leur propriété à partir de cette voie par une rampe pour les véhicules et un escalier pour les piétons. La commune de Palaiseau a, par une délibération de son conseil municipal n° 2017-06-07 du 30 juin 2017, transféré au sein du domaine public communal cette voie privée du Panorama, dont M. A... B... et Mme C... B... sont riverains et étaient propriétaires d'une partie se situant au droit de leur terrain. Ces derniers qui estiment que la commune a ainsi empiété sur leur propriété en définissant les contours de cette voie ont, par un courrier du 9 novembre 2017, introduit un recours administratif contre cette délibération auprès du maire de Palaiseau, ce dernier pouvant conformément à l'article L. 2121-9 du code général des collectivités territoriales : " réunir le conseil municipal chaque fois qu'il le juge utile ". Le maire de Palaiseau a rejeté cette demande le 8 janvier 2018. M. et Mme B... font appel du jugement n° 1801773 du 22 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision du 8 janvier 2018.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) l'analyse des conclusions et mémoires (...) ". En relevant que M. et Mme B... ne font valoir aucun élément de nature à établir que la décision de transfert serait devenue illégale depuis son adoption, le tribunal administratif a ainsi écarté le moyen des requérants tiré de l'expropriation irrégulière d'une partie de leur propriété par la commune de Palaiseau sans devoir analyser leurs arguments notamment factuels reposant sur la production de rapports de géomètres concernant la parcelle AY517 et donc statué sur ce moyen
Sur la légalité de la décision attaquée :
3. Aux termes de l'article L. 162-5 du code de la voirie routière : " La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d'habitations peut être transférée dans le domaine public de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées dans les conditions fixées à l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme ". Aux termes de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d'habitations peut, après enquête publique ouverte par l'autorité exécutive de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale et réalisée conformément aux dispositions du code des relations entre le public et l'administration, être transférée d'office sans indemnité dans le domaine public de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées. / La décision de l'autorité administrative portant transfert vaut classement dans le domaine public et éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels et personnels existant sur les biens transférés. / Cette décision est prise par délibération du conseil municipal. Si un propriétaire intéressé a fait connaître son opposition, cette décision est prise par arrêté du représentant de l'Etat dans le département, à la demande de la commune (...) ".
En ce qui concerne l'identification de la décision administrative contestée :
4. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.
5. La demande de M. et Mme B... et leur requête d'appel doivent être interprétées comme tendant à l'annulation non pas de la décision du maire de Palaiseau prise sur leur recours administratif non obligatoire, laquelle ne s'est donc pas substituée à la délibération du conseil municipal de cette commune n° 2017-06-07 du 30 juin 2017 portant transfert au sein du domaine public communal de la voie privée du Panorama sur le fondement de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme, mais de cette délibération, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle leur aurait été notifiée alors qu'ils sont riverains, le délai de recours contentieux contre cette décision ne pouvant courir, pour les propriétaires intéressés, qu'à compter de la date à laquelle celle-ci leur a été notifiée avec la mention des voies de recours, peu important que cette décision ait été par ailleurs publiée ou affichée.
En ce qui concerne les moyens invoqués :
6. Le transfert des voies privées dans le domaine public communal prévu par les dispositions de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme est subordonné à l'ouverture de ces voies à la circulation publique, laquelle traduit la volonté de leurs propriétaires d'accepter l'usage public de leur bien et de renoncer à son usage purement privé. Le propriétaire d'une voie privée ouverte à la circulation est en droit d'en interdire à tout moment l'usage au public. Par suite, l'administration ne peut transférer d'office des voies privées dans le domaine public communal si les propriétaires de ces voies ont décidé de ne plus les ouvrir à la circulation publique et en ont régulièrement informé l'autorité compétente avant que l'arrêté de transfert ne soit pris, quand bien même cette décision serait postérieure à l'engagement de la procédure de transfert. Le préfet est seul compétent pour décider le transfert d'office sans indemnité dans le domaine public d'une commune d'une voie privée ouverte à la circulation publique lorsqu'un propriétaire intéressé fait connaître son opposition.
7. En premier lieu, si M. et Mme B... affirment avoir fait connaître leur opposition au projet de transfert d'office de la voie dans le domaine public communal avant l'édiction de la délibération du conseil municipal, ceci n'est pas corroboré par les pièces du dossier qui permettent d'établir au contraire qu'ils n'ont émis aucune objection lors de la réunion de concertation organisée par la commune avec les riverains du lotissement " La Butte de Rheims et les Rochers de Lozère " le 1er octobre 2015, ni lors de la réunion publique tenue en mairie le 16 novembre 2016 pour présenter le projet de transfert d'office de la voie, ni lors de l'enquête publique, le commissaire enquêteur relevant expressément que M. et Mme B... " se déclarent satisfaits de cette procédure de rétrocession de la voie du Panorama " confirmant ainsi leur lettre du 14 octobre 2016 adressée à la commune indiquant qu'ils étaient " très favorables au principe de la rétrocession de la voirie à la commune ". Ce n'est que le 9 novembre 2017 que M. et Mme B... ont contesté le transfert d'office opéré par la délibération du 30 juin 2017. Par suite, leur moyen tiré de ce que la délibération a été prise par une autorité incompétente, au motif que seul le préfet était compétent pour prendre une telle décision dès lors qu'ils n'ont pas consenti à l'ouverture à la circulation publique des accès à leur propriété, ne peut qu'être rejeté.
8. En deuxième lieu, la circonstance opposée par la commune à la décision prise par le maire sur le recours administratif des requérants, que ces derniers n'invoquent aucun élément postérieur à l'édiction de la délibération contestée ayant procédé au transfert de la propriété de la voie au sein du domaine public communal, qui se fonde sur les dispositions applicables au retrait et à l'abrogation des actes administratifs, n'est pas de nature à faire obstacle à l'examen de la légalité de la délibération contestée.
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment des rapports de géomètre produits par les requérants, ainsi que de la délibération contestée qui vise un " plan de découpage d'un cabinet de géomètres daté du 14 novembre 2016 ", qu'ont été intégrées lors du transfert contesté au sein du domaine public communal une fraction des parcelles AY516 et AY517 appartenant à M. et Mme B... situées le long de la voie du Panorama constituant le terrain d'assiette d'un escalier situé à l'angle de la rue de la Vigne de Lozère et de la voie du Panorama et d'une rampe pour véhicules permettant un accès en voiture depuis la rue de la Vigne de Lozère, qui servent tous deux d'accès à la propriété de M. et Mme B..., alors que ces deux éléments ne relevaient pas de la voie privée ouverte à la circulation publique au sens des dispositions précitées de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme, dès lors qu'ils ne constituent ni une voie, ni un accessoire indispensable à cette voie dont ils sont contigües.
10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation partielle de la délibération conseil municipal n° 2017-06-07 du 30 juin 2017 portant transfert de la voie du Panorama au sein du domaine public communal en tant qu'elle concerne ces deux éléments.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et Mme B..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Palaiseau demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de cette commune une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme B... sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 1801773 du 22 décembre 2020 et la délibération du conseil municipal de Palaiseau n° 2017-06-07 du 30 juin 2017 portant transfert de la voie du Panorama au sein du domaine public communal en tant qu'elle intègre l'escalier situé le long de cette voie et la rampe pour véhicules permettant l'accès à la propriété de M. et Mme B... sont annulés.
Article 2 : La commune de Palaiseau versera une somme de 1 500 euros à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Palaiseau présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme C... B... et à la commune de Palaiseau.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
M. Lerooy, premier conseiller,
Mme Houllier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2023.
Le président-rapporteur,
B. EVEN
L'assesseur le plus ancien,
D. LEROOY
La greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 21VE00477 2