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12/10/2023 | FRANCE | N°21VE01656

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 12 octobre 2023, 21VE01656


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Gaches chimie spécialités a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision implicite de rejet née le 13 novembre 2018 du silence gardé par l'Agence de l'eau Loire-Bretagne sur sa demande indemnitaire du 12 septembre 2018 et de condamner l'Agence de l'eau Loire-Bretagne à lui verser la somme totale de 93 038,49 euros en réparation des préjudices à la fois d'ordre matériel et moral qu'elle a subis.

Par un jugement n° 1802533 et 1900057

du 8 avril 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ces requêtes ainsi qu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Gaches chimie spécialités a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision implicite de rejet née le 13 novembre 2018 du silence gardé par l'Agence de l'eau Loire-Bretagne sur sa demande indemnitaire du 12 septembre 2018 et de condamner l'Agence de l'eau Loire-Bretagne à lui verser la somme totale de 93 038,49 euros en réparation des préjudices à la fois d'ordre matériel et moral qu'elle a subis.

Par un jugement n° 1802533 et 1900057 du 8 avril 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ces requêtes ainsi que les conclusions présentées par l'Agence de l'eau Loire-Bretagne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 juin 2021, 5 mai 2022 et 9 mai 2023, la société (SAS) Gaches chimie spécialités, représentée par le cabinet d'avocats Boivin et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Agence de l'eau Loire-Bretagne à lui verser une somme totale de 93 038,49 euros en réparation de son préjudice matériel et moral ;

3°) de mettre à la charge de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société requérante soutient que :

- la décision de dénonciation de la convention technique et financière en date du 5 mai 2013 est intervenue au terme d'une procédure irrégulière ; l'agence de l'eau était tenue de respecter les conditions fixées par ladite convention pour y mettre fin ; or les conditions fixées par l'article 14 de la convention n'ont pas été respectées ; la décision du 16 avril 2018 résiliant la convention est intervenue à l'issue d'un délai imparti dans le courrier de mise en demeure du 20 novembre 2017 mais ce courrier n'a pas précisé que la convention pouvait être résiliée sans nouvelle mise en demeure ni que l'absence de production des bordereaux de suivi des déchets pouvait aussi constituer un motif de résiliation ;

- l'agence de l'eau a retenu l'existence de manquements graves et répétés du titulaire à ses obligations, sur le fondement de l'article 14 de la convention, alors que lesdits manquements n'ont pas ce caractère grave ni répété ; les contrats producteurs n'ont pas pu être produits en raison de leur absence du site de la Chapelle-sur-Erdre, sans doute à l'occasion d'un déménagement ; un tel manquement reste purement administratif et ne remet nullement en question le fait que les clients de la société requérante étaient éligibles aux aides financières de l'agence de l'eau et que ces aides leur ont bien été versées ; or elle a produit des attestations sur l'honneur de ces sociétés attestant de leur qualité de " petites entreprises " et les autres mentions figurant au contrat ne comportent aucune stipulation régissant les modalités de collecte ou d'élimination des déchets de sorte que ces attestations s'avéraient suffisantes pour établir l'éligibilité des ces clients aux aides de l'agence de l'eau et que le manquement n'avait pas de caractère grave ; quant à la mention de l'absence de production des bordereaux de suivi des déchets, elle est erronée dès lors que 70 % environ de ces BSD ont bien été transmis ;

- la sanction adoptée revêt un caractère disproportionné dès lors que la SOCOTEC avait relevé lors de son audit en 2017 une volonté d'améliorer la gestion du retour d'expérience sur tous les sites du groupe ;

- les préjudices subis portent sur la perte des subventions depuis le deuxième trimestre de l'année 2017 ainsi que sur les frais d'immobilisation d'une partie de son personnel ; par ailleurs elle a subi un préjudice moral important en raison de l'atteinte à son image et à sa réputation auprès de ses clients et de l'ensemble de la filière de traitement des déchets.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 décembre 2021, 4 novembre 2022 et 6 juin 2023, l'Agence de l'eau Loire-Bretagne, représentée par Me Tissier-Lotz, avocate, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la procédure de résiliation de la convention et du droit à subvention a été régulière, la mise en demeure étant conforme aux prescriptions de l'article 14 de la convention ; par ailleurs cette résiliation n'est pas fondée sur l'absence de transmission des bordereaux de suivi des déchets de sorte que l'absence d'indication des effets éventuels de leur non-transmission reste sans incidence sur la régularité de la résiliation ;

- le manquement retenu revêt un caractère grave en application de l'article 8 de la convention du 5 mars 2013 en l'absence de production des contrats des clients, la circonstance que ce fait soit indépendant de sa volonté n'est ni établi ni suffisant dès lors que la société requérante n'a pas demandé à ses clients la production d'une copie des contrats ; par ailleurs cette obligation revêt un caractère essentiel pour vérifier les conditions de versement des aides avec l'identification du producteur de déchets ; enfin la circonstance que la société requérante aurait produit la majeure partie des BSD est sans influence sur la légalité de la décision contestée dès lors que celle-ci n'est pas fondée sur cet élément ;

- les préjudices ne sont pas suffisamment établis.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- et les observations de Me Ould, pour la société Gaches chimie spécialités et de Me Tissier-Lotz, pour l'Agence de l'eau Loire-Bretagne.

Considérant ce qui suit :

1. La société Gaches chimie spécialités, notamment spécialisée dans la distribution de fournitures nécessaires à l'entretien des textiles (blanchisseries, pressings), exerce notamment une activité de livraison de fournitures nécessaires à l'entretien des textiles ainsi qu'une prestation d'enlèvement des déchets dangereux utilisés dans cette activité de pressing. Dans le cadre de cette dernière activité, l'Agence de l'eau Loire-Bretagne et la société Gaches chimie spécialités ont conclu, le 5 mars 2013, une convention technique et de mandat relative à la collecte et à l'élimination des déchets dangereux pour l'eau. En application de cette convention, la société Gaches chimie spécialités percevait l'aide financière accordée à ses clients, petits producteurs de déchets, et la déduisait du montant de sa prestation de collecte et d'enlèvement des déchets facturée à ces derniers. La convention était conclue pour la durée du dixième programme pluriannuel d'intervention de l'Agence de l'eau, soit de 2013 à 2018. Après un audit réalisé le 8 juin 2017 par la société Socotec à la demande de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne, des pièces justificatives et contrats de producteurs couvrant la période 2013-2016 ont été demandés à la société Gaches chimie spécialités. Par une décision du 16 avril 2018, l'Agence de l'eau Loire-Bretagne a résilié la convention technique et financière du 5 mars 2013 aux motifs que la société Gaches chimie spécialités ne lui avait pas fourni les bordereaux de suivi des déchets collectés éliminés ni aucun contrat producteur couvrant la période en cause. La société Gaches chimie spécialités a demandé au tribunal, par deux requêtes n° 1802533 et 1900057, de condamner l'Agence de l'eau Loire-Bretagne à lui verser la somme globale de 93 038,49 euros en réparation des préjudices de toutes natures, matérielle et morale, qu'elle a subis à la suite de la résiliation de la convention signée le 5 mars 2013. Par jugement du 8 avril 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ces requêtes, après les avoir jointes.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention du 5 mars 2013, intitulé " engagements du titulaire " la société Gaches chimie spécialités s'engageait " (...) à tenir à la disposition de l'Agence, et à transmettre sans délai à l'Agence à sa demande, les originaux des contrats de collecte signés et les doubles des factures, ainsi que les bordereaux de suivi des déchets dangereux (BSDD), les bons de réception de déchets et les factures de sous-traitance. Ces pièces seront conservées au minimum pendant 5 ans après leur création ; (...) ".

3. Aux termes de l'article 14 de la même convention : " En cas de manquement grave ou répété du titulaire aux obligations de la présente convention et notamment à celles faisant l'objet de l'article 5 du volet technique et de l'article 8 du volet financier, le titulaire s'expose de la part de l'Agence, en plus au refus de versement de sa participation financière, à la suspension puis à la résiliation de la convention avec diffusion des griefs auprès des autorités administratives et des partenaires de la filière de traitement des déchets ".

4. La société requérante soutient qu'en prenant la décision du 16 avril 2018, l'Agence de l'eau Loire-Bretagne a méconnu la procédure prévue par la convention du 5 mars 2013. Elle précise que le courrier du 20 novembre 2017 de mise en demeure a omis de préciser que cette résiliation intervenant à l'expiration d'un délai déterminé ne nécessitait pas de nouvelle mise en demeure et que l'absence de communication des bordereaux de suivi de déchets (BSD) pouvait avoir pour conséquence une mesure de résiliation. Toutefois, la circonstance que l'agence de l'eau n'aurait pas procédé à ces formalités, à supposer même qu'elle traduise une méconnaissance de l'article 14 de cette convention, ne présente pas de lien de causalité direct et certain avec le préjudice dont la société requérante demande réparation tenant à la résiliation de la convention du 5 mars 2013 pour absence de communication des contrats de collecte et des bordereaux de suivi des déchets, et alors qu'un délai suffisant allant jusqu'au 31 décembre 2017 avait été laissé à la société requérante pour satisfaire à ces demandes.

5. Si la société requérante soutient que les manquements en cause n'étaient ni graves ni répétés, il est constant qu'elle n'a pas produit les contrats signés avec ses clients producteurs de déchets au motif que ses archives avaient été transférées sur le nouveau site de La Chapelle-sur-Erdre et qu'à l'occasion du déménagement intervenu en 2016, une partie importante de ses contrats auraient été perdus. Toutefois, elle n'allègue ni n'établit qu'elle aurait saisi les producteurs de déchets d'une demande de transmission d'une copie de ces contrats entre le 20 novembre 2017 et le 31 décembre 2017. Par ailleurs, les attestations sur l'honneur rédigées par ces sociétés clientes indiquant qu'elles ont le statut de petites entreprises ne sont pas suffisantes dès lors que les contrats sont nécessaires pour vérifier l'identité des producteurs de déchets et la déclaration effectuée. Enfin, la société requérante a disposé d'un temps suffisant entre le 20 novembre 2017 et le 31 décembre 2017 pour apporter des éléments de réponse à l'Agence de l'eau de sorte qu'en s'abstenant de répondre de façon complète à la demande de l'Agence de l'eau du 20 novembre 2017, la société Gaches chimie spécialités doit être regardée comme ayant manifesté une absence de volonté de mettre fin à ce manquement, par suite, constitutif d'un manquement grave et répété.

6. Enfin, la société Gaches chimie spécialités soutient que cette sanction est disproportionnée en se fondant sur l'appréciation positive effectuée par la société Socotec lors de la réalisation de son audit en 2017. Or si la société Socotec avait noté une volonté de la société Gaches chimie spécialités d'améliorer la gestion de son retour d'expérience sur tous les sites du groupe, ce seul constat n'est pas de nature à établir qu'en retenant une méconnaissance grave et répétée des conditions fixées par l'article 8 de la convention du 5 mars 2013, l'Agence de l'eau Loire-Bretagne aurait pris une sanction disproportionnée alors de surcroît qu'elle n'a fait que prendre en compte le défaut de respect des obligations fixées par l'article 8 de la convention.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué. Il suit de là que ses conclusions à fin d'indemnisation doivent être rejetées.

8. L'Agence de l'eau Loire-Bretagne n'étant pas la partie perdante, les conclusions de la société Gaches chimie spécialités tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de la société Gaches chimie spécialités, à verser à l'Agence de l'eau Loire-Bretagne en application des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société (SAS) Gaches chimie spécialités est rejetée.

Article 2 : La société (SAS) Gaches chimie spécialités versera la somme de 1 500 euros à l'Agence de l'eau Loire-Bretagne en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société (SAS) Gaches chimie spécialités et à l'Agence de l'eau Loire-Bretagne.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2023.

Le rapporteur,

J-E. PILVENLe président,

P-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne à la préfète du Loiret en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

N° 21VE01656 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE01656
Date de la décision : 12/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Eaux - Gestion de la ressource en eau - Organismes de gestion.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : SCP BOIVIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-10-12;21ve01656 ?
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