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28/09/2023 | FRANCE | N°21VE03352

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 28 septembre 2023, 21VE03352


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCEA Ferme d'Olivet a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 24 avril 2019 par lequel le maire de Gressey a sursis à statuer sur sa demande de permis de construire n° PC 078 285 18 G 0003 en vue de la construction d'un poulailler, d'une fumière et de deux silos à grains ainsi que la décision portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1907155 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé ces décisions et a enjoint au maire de G

ressey de réexaminer la demande de permis de construire de la SCEA Ferme d'Oliv...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCEA Ferme d'Olivet a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 24 avril 2019 par lequel le maire de Gressey a sursis à statuer sur sa demande de permis de construire n° PC 078 285 18 G 0003 en vue de la construction d'un poulailler, d'une fumière et de deux silos à grains ainsi que la décision portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1907155 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé ces décisions et a enjoint au maire de Gressey de réexaminer la demande de permis de construire de la SCEA Ferme d'Olivet dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2021, la commune de Gressey, représentée par Me Le Baut, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Ferme d'Olivet devant le tribunal administratif de Versailles ;

3°) de mettre à la charge de la société Ferme d'Olivet la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- il ne comporte aucune signature ;

- il est insuffisamment motivé en ce qu'il ne précise pas les motifs de rejet des autres moyens invoqués ;

- il est insuffisamment motivé en ce qu'il ne permet pas de connaître en quoi les motifs liés à la desserte par la voie publique et par les réseaux ne relèveraient pas de ceux susceptibles d'être retenus pour prononcer un sursis à statuer ;

- il est insuffisamment motivé s'agissant de l'injonction prononcée alors qu'un refus de permis de construire avait été prononcé le 11 juillet 2021, à la suite de la confirmation le 26 mai 2011 de sa demande de permis de construire par la société, conformément aux dispositions de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme et omet de répondre au moyen de défense faisant état de cette situation, de même qu'au moyen de défense selon lequel la demande de réexamen est mal fondée au regard des dispositions du règlement national d'urbanisme ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que la demande de permis de construire en cause n'était pas de nature à compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme de la commune ;

- c'est aussi à tort que le tribunal a considéré que la demande de permis de construire en cause n'était pas de nature à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme ;

- c'est encore à tort que le tribunal a prononcé une injonction de réexamen dès lors que celle-ci se trouvait sans objet du fait du réexamen intervenu entre-temps sur demande de la société Ferme Olivet et du refus de permis de construire opposé à sa demande.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2023, la société Ferme d'Olivet, représentée par Me Gerard, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Gressey la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par la commune ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florent,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- et les observations de Me Le Baut, pour la commune de Gressey et de Me Gérard, pour la société La Ferme d'Olivet.

Considérant ce qui suit :

1. Par la présente requête, la commune de Gressey relève appel du jugement du 15 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 24 avril 2019 par lequel le maire de Gressey a sursis à statuer sur la demande de permis de construire n° PC 078 285 18 G 0003 déposée par la SCEA Ferme d'Olivet, en vue de la construction d'un poulailler, prévu pour accueillir 40 000 poules pondeuses, d'une fumière et de deux silos à grains et a enjoint au maire de la commune de Gressey de réexaminer la demande de permis de construire de la SCEA Ferme d'Olivet dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé conformément à ces prescriptions. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à la commune de Gressey ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

3. En deuxième lieu, la commune de Gressey fait valoir que le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il ne se prononce pas sur tous les moyens. Dans la mesure toutefois où le tribunal a prononcé l'annulation de la décision de sursis à statuer, il n'était pas tenu de motiver le rejet des autres moyens invoqués par la société requérante. A supposer par ailleurs que la commune entende soulever que le jugement n'aurait pas répondu à l'un de ses moyens de défense, l'appelante, qui ne précise pas le moyen de défense auquel le tribunal aurait omis de répondre, ne met toutefois pas la cour en mesure d'apprécier l'irrégularité ainsi soulevée. Par suite, ce moyen doit être écarté.

4. En troisième lieu, la commune de Gressey soutient que le jugement ne permet pas de connaître en quoi les motifs liés à la desserte par la voie publique et les réseaux ne relèveraient pas de ceux susceptibles d'être retenus pour prononcer un sursis à statuer. En indiquant toutefois au point 6 de son jugement que de tels motifs " relèvent le cas échéant d'une décision de refus de permis de construire et non d'une décision de sursis à statuer. En effet, le projet ne saurait pour ces motifs être regardé comme étant de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan. ", le tribunal a suffisamment motivé son jugement.

5. En quatrième lieu, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation ou d'une omission à statuer en ne faisant pas expressément état de la décision de refus de permis de construire opposée à la société Ferme d'Olivet le 11 juillet 2021 à la suite de la confirmation de sa demande en application de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme dès lors que cette décision n'a été communiquée au tribunal qu'à l'occasion d'une note en délibéré et que la commune était en mesure d'en faire état avant l'intervention de la clôture de l'instruction, intervenue le 24 août 2021 et qu'en tout état de cause, cette nouvelle décision demeurait sans incidence sur les pouvoirs que détenaient les premiers juges de prononcer une injonction de réexamen sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, l'annulation prononcée par le tribunal impliquant un réexamen de la demande éventuellement au regard des règles d'urbanisme applicables à la date de la décision annulée dans l'hypothèse où la société Ferme d'Olivet déciderait de confirmer sa demande dans les conditions prévues par l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme.

6. En dernier lieu, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation à défaut d'avoir répondu au moyen de défense, du reste assorti d'aucune précision, selon lequel la demande de réexamen de la société Ferme d'Olivet n'était pas fondée au regard des dispositions du règlement national d'urbanisme dès lors que l'injonction prononcée par le tribunal n'impliquait pas la délivrance de l'autorisation sollicitée mais uniquement le réexamen de la demande de permis de construire de la société Ferme d'Olivet.

Sur le bien-fondé du jugement :

7. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier. ". En vertu de ces dispositions, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un permis de construire en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance.

8. Aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. / Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus au 6° de l'article L. 102-13 et aux articles L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. (...) ". Aux termes de dernier alinéa de l'article L. 153-11 du même code : " L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable. ".

9. Un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire, sur le fondement de ces dispositions, postérieurement au débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables (PADD), qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur plan local d'urbanisme (PLU) pourrait légalement prévoir et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution.

10. En l'espèce, pour justifier le sursis à statuer prononcé sur la demande de permis de construire déposée par la SCEA Ferme d'Olivet, le maire de la commune de Gressey s'est fondé sur la circonstance que le projet, d'une part, était de nature à compromettre l'exécution du plan local d'urbanisme en cours d'élaboration prévoyant le classement de l'unité foncière concernée en zone Ap, dans laquelle l'emprise des constructions liées à l'activité agricole est limitée à 30 m², d'autre part, n'était pas desservi par une voie publique ou privée ni par les réseaux d'électricité, d'eau potable et d'assainissement.

11. S'agissant du classement du terrain d'assiette, il ressort des pièces du dossier que la création de la zone Ap au nord de la commune, d'une surface de 140 hectares telle qu'elle avait été délimitée à la date de la décision litigieuse, a été décidée en raison de la forte opposition d'une partie des habitants et des élus au projet d'installation de la ferme avicole de 40 000 poules pondeuses souhaitée par la société Ferme d'Olivet sur ces terrains. La commune de Gressey fait valoir que la création de cette zone Ap répond au parti de développement et d'aménagement de la commune dont l'objectif n° 1 du PADD prévoit " de maintenir le caractère remarquable des secteurs nord et ouest de la commune " ainsi que la préservation " des espaces participant à la création de corridors écologiques ", notamment le bois de Cerisy, limitrophe du terrain d'assiette du projet de la société Ferme d'Olivet. Il ressort toutefois de l'étude de biodiversité produite par la commune et des autres documents versés au dossier que l'unique corridor écologique identifié dans cette zone est situé en limite de la frontière communale nord-est et ne traverse que quelques terrains agricoles du zonage litigieux. Si une partie de la zone Ap est en outre identifiée comme paysage remarquable par la charte paysagère du Pays Houdanais, c'est principalement en raison des espaces boisés situés au nord du secteur, lesquels bénéficient de la protection du classement en zone naturelle. Enfin, si la commune fait valoir que la création de cette zone vise à éviter un mitage agricole dans ce secteur vierge de toute construction, un tel objectif ne figure dans aucun des documents du PLU en cours d'élaboration. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le secteur présenterait un intérêt paysager et écologique de nature à justifier l'interdiction de toute construction liée à l'activité agricole, à l'exception des abris pour animaux dont l'emprise ne dépasse pas 30 m², sur une superficie représentant environ un quart de l'espace agricole de la commune, alors qu'une grande partie des autres terres agricoles, situées au sud de la commune de Gressey, sont comprises dans l'emprise d'une zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 2 et d'une zone humide de classe B susceptibles d'engendrer des contraintes pour l'activité agricole et que l'objectif n° 2 du PADD prévoit " de garantir la pérennité des espaces agricoles ". Dans ces conditions, et alors au demeurant que la création de cette zone a fait l'objet d'avis défavorables de la direction départementale des territoires, de la chambre d'agriculture, de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ainsi que d'un avis réservé du commissaire enquêteur, la commune de Gressey n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a considéré que la délimitation de la zone Ap était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et que les règles d'inconstructibilité de la future zone ne pouvaient en conséquence fonder le sursis à statuer litigieux.

12. Enfin, ainsi que l'ont jugé les premiers juges, la circonstance que le terrain d'assiette du projet ne serait pas desservi par une voie publique ou privée ou certains réseaux n'est pas de nature à justifier une décision de sursis à statuer mais un éventuel refus de permis de construire dès lors que le projet ne saurait pour de tels motifs être regardé comme étant de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur PLU. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que le maire de Gressey aurait pris la même décision s'il s'était uniquement fondé sur les autres motifs de sa décision.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Gressey n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision de sursis à statuer opposée le 24 avril 2019 à la SCEA Ferme d'Olivet et a enjoint au maire de Gressey de réexaminer la demande de permis de construire de la société, cette injonction n'étant pas privée d'objet par le réexamen opéré par la commune sur le fondement de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme ainsi qu'il a été dit au point 5.

Sur les frais relatifs à l'instance d'appel :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCEA Ferme d'Olivet, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la commune de Gressey demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Gressey une somme de 2 000 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Gressey est rejetée.

Article 2 : La commune de Gressey versera à la SCEA Ferme d'Olivet une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Gressey et à la SCEA Ferme d'Olivet.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2023.

La rapporteure,

J. FLORENTLe président,

P-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE03352


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE03352
Date de la décision : 28/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-02-02-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Octroi du permis. - Permis assorti de réserves ou de conditions. - Objet des réserves ou conditions. - Protection de la sécurité.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Julie FLORENT
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : GERARD

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-09-28;21ve03352 ?
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