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11/07/2023 | FRANCE | N°23VE00435

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 11 juillet 2023, 23VE00435


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 28 septembre 2022 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a implicitement rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté du 10 juin 2022 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour pour une durée de deux ans.

Par une ordonnance n° 2216293 du 18 janvier 2023, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Po

ntoise a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable sur le fondement du 4°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 28 septembre 2022 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a implicitement rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté du 10 juin 2022 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour pour une durée de deux ans.

Par une ordonnance n° 2216293 du 18 janvier 2023, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 février 2023, M. C... B..., représenté par Me Levy, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler la décision du 28 septembre 2022 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a implicitement rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté du 10 juin 2022 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent d'examiner sa situation dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que sa requête était manifestement irrecevable, en dissociant artificiellement les deux décisions dont il demandait l'abrogation, dès lors qu'il invoquait bien une circonstance de fait nouvelle depuis l'édiction de l'arrêté dont l'abrogation était demandée, que le tribunal ne pouvait pas se fonder sur le fait qu'il n'aurait pas été empêché de faire valoir ses observations et qu'il avançait des éléments sur son état de santé ;

- le préfet n'ayant pas donné suite à sa demande de communication des motifs de sa décision implicite du 28 septembre 2022, celle-ci méconnaît les dispositions des articles L. 211-2 et L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision litigieuse méconnaît les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que le préfet ne lui a jamais demandé les pièces qui manquaient pour l'instruction de son dossier ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et viole son droit à mener une vie privée et familiale normale au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il a fui son pays, qu'il n'a plus de famille dans son pays, qu'il n'a fait l'objet d'aucune poursuite pénale et qu'il a des problèmes de santé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Liogier,

- les conclusions de Mme Deroc, rapporteure publique,

- et les observations de Me Zaregradsky, substituant Me Levy, représentant M. C... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C... B..., ressortissant congolais né le 18 mars 1997, a fait l'objet d'un arrêté du 10 juin 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il était susceptible d'être reconduit et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un courrier du 7 juillet 2022, reçu le 28 juillet, il a demandé au préfet l'abrogation de cet arrêté. Il a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande d'annulation de la décision implicite du 28 septembre 2022 résultant du silence gardé par le préfet du Val-d'Oise sur cette demande d'abrogation. Par une ordonnance du 18 janvier 2023, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Elle a, d'une part, considéré qu'en l'absence de fait nouveau invoqué, le refus d'abrogation des décisions portant obligation de quitter le territoire sans délai et fixant le pays de destination était purement confirmatif de l'arrêté du 10 juin 2022, définitif, lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination. D'autre part, s'agissant du refus d'abrogation de l'interdiction de retour sur le territoire français, elle a constaté que le requérant ne remplissait pas les conditions de recevabilité d'une telle demande fixées par l'article L. 613-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. M. C... B... fait appel de cette ordonnance du 18 janvier 2023.

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".

3. Si les décisions opposées à M. C... B... d'obligation de quitter le territoire sans délai, de fixation du pays de renvoi et d'interdiction de retour sur le territoire français sont regroupées au sein de l'arrêté du 10 juin 2022, cela n'a pas pour effet de faire obstacle à ce que l'intéressé conteste séparément devant le juge la légalité de chacune de ces décisions, ni la légalité de chacun des refus de leur abrogation, en soulevant, le cas échéant, des moyens distincts. Il appartient alors au juge d'apprécier la légalité de chaque décision au regard des moyens soulevés et, le cas échéant, la recevabilité des conclusions dirigées à l'encontre de chacune de ces décisions. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ne pouvait pas dissocier ses conclusions tendant à l'annulation du refus implicite d'abrogation de l'obligation de quitter le territoire et de la fixation du pays de destination, d'une part, et celles tendant à l'annulation du refus implicite d'abroger l'interdiction de retour, d'autre part.

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre le refus d'abrogation de l'arrêté du 10 juin 2022 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation du pays de destination :

4. Aux termes de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) L'administration est tenue d'abroger expressément un acte non réglementaire non créateur de droits devenu illégal ou sans objet en raison de circonstances de droit ou de fait postérieures à son édiction, sauf à ce que l'illégalité ait cessé. "

5. M. C... B... a demandé l'abrogation de l'arrêté du 10 juin 2022, devenu définitif, pris à son encontre, en tant qu'il lui faisait obligation de quitter le territoire sans délai et fixait le pays de destination, en se fondant sur le caractère injustifié de son maintien au regard de sa situation. La décision refusant de mettre fin aux effets d'une obligation de quitter le territoire ayant une portée différente de la décision primitive d'édiction de cette obligation, l'intéressé était recevable à demander, à tout moment, l'abrogation de cette mesure, sans même avoir besoin de faire état de circonstances nouvelles. Il s'ensuit qu'en rejetant la demande d'abrogation de son arrêté du 10 juin 2022, portant obligation de quitter le territoire sans délai et fixation du pays de renvoi, le préfet n'a pas pris une décision purement confirmative de cet arrêté. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que ses conclusions tendant à l'annulation du refus implicite d'abrogation de l'arrêté du 10 juin 2022, en tant qu'il lui faisait obligation de quitter le territoire sans délai et fixait le pays de destination, étaient recevables et que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise les a rejetées comme manifestement irrecevables sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. L'ordonnance du 18 janvier 2023 est ainsi, dans cette mesure, entachée d'irrégularité et doit être annulée.

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre le refus d'abrogation de l'arrêté du 10 juin 2022 portant interdiction de retour sur le territoire français :

6. Aux termes de l'article L. 613-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : " L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction de retour. / Lorsque l'étranger sollicite l'abrogation de l'interdiction de retour, sa demande n'est recevable que s'il justifie résider hors de France. Cette condition ne s'applique pas : / 1° Pendant le temps où l'étranger purge en France une peine d'emprisonnement ferme ; / 2° Lorsque l'étranger fait l'objet d'une mesure d'assignation à résidence prise en application des articles L. 731-1 ou L. 731-3. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'un étranger n'est pas recevable à demander l'annulation de la décision refusant d'abroger une interdiction de retour sur le territoire français s'il ne justifie pas résider hors de France à la date où il saisit le juge administratif, sauf dans les hypothèses prévues par les dispositions précitées dans lesquelles cette condition de résidence hors de France n'est pas requise.

7. M. C... B... ne conteste pas les constats opérés par le premier juge, à savoir qu'il résidait toujours en France lors de l'introduction de sa demande d'abrogation de l'interdiction de retour devant le préfet et ne relevait d'aucune des exceptions à cette condition de résidence hors de France prévues par les dispositions précitées. Par suite, ses conclusions tendant à l'annulation du refus implicite d'abroger l'arrêté du 10 juin 2022 en tant qu'il lui interdisait le retour sur le territoire français étaient irrecevables et le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise les a rejetées comme manifestement irrecevables sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... B... est seulement fondé à obtenir l'annulation de l'ordonnance de la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 18 janvier 2023 en tant qu'elle rejette, pour irrecevabilité, ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet du Val-d'Oise refusant d'abroger l'arrêté du 10 juin 2022 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il était susceptible d'être reconduit. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer, dans cette mesure, cette affaire au tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Le surplus des conclusions à fin d'annulation et d'injonction sous astreinte présentées par M. C... B... sont, en conséquence, rejetées.

9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. C... B... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2216293 du 18 janvier 2023 de la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'elle rejette, pour irrecevabilité, les conclusions de M. C... B... tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet du Val-d'Oise refusant d'abroger l'arrêté du 10 juin 2022 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il était susceptible d'être reconduit, est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure indiquée à l'article 1er, au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Besson-Ledey, présidente de chambre,

M. Lerooy, premier conseiller,

Mme Liogier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2023.

La rapporteure,

C. LiogierLa présidente,

L. Besson-Ledey

La greffière,

A. Audrain-Foulon

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N°23VE00435 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00435
Date de la décision : 11/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: Mme Claire LIOGIER
Rapporteur public ?: Mme DEROC
Avocat(s) : LEVY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-07-11;23ve00435 ?
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