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22/06/2023 | FRANCE | N°21VE03478

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 22 juin 2023, 21VE03478


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance du 18 mars 2016, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, a transmis au tribunal administratif de Montreuil les requêtes n°s 1429107 et 1429218 présentées par la société Bertrandt France SA.

La SA Bertrandt France a demandé au tribunal administratif de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été

assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2008, en sa qualité de société m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance du 18 mars 2016, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, a transmis au tribunal administratif de Montreuil les requêtes n°s 1429107 et 1429218 présentées par la société Bertrandt France SA.

La SA Bertrandt France a demandé au tribunal administratif de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2008, en sa qualité de société mère d'un groupe fiscal au sens des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts, suite à la remise en cause du crédit d'impôt recherche de l'année 2007 déclaré par sa filiale, la SAS Bertrandt.

Par un jugement n°s 1429107, 1429218 du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de Montreuil, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à hauteur du dégrèvement consenti en cours d'instance, a déchargé, en droits et pénalités, la SA Bertrandt France de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés restant en litige au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2008.

Par un arrêt n° 16VE03269 du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement, a remis à la charge de la SA Bertrandt France l'imposition en litige, sous réserve d'une réduction de base, et réformé le jugement du tribunal administratif de Montreuil en ce qu'il avait de contraire à son arrêt.

Par une décision n° 438902 du 10 décembre 2021, le Conseil d'État statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par la SA Bertrandt France, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'il statue sur la part en accroissement du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2007, lui a renvoyé l'affaire dans cette mesure et a rejeté le surplus des conclusions du pourvoi.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 et 24 novembre 2016, 30 mai 2017, 30 septembre 2019 et, après cassation, les 9 février et 1er mars 2022 et les 30 et 31 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de ne remettre à la charge de la SA Bertrandt France la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008, à raison de la remise en cause du crédit d'impôt recherche de la SA Bertrandt de l'année 2007, qu'à hauteur de 1 261 046 euros dont une part en accroissement fixée à 2 220 468 euros ;

2°) de réformer le jugement attaqué du tribunal administratif de Montreuil en ce qu'il a de contraire.

Il soutient que :

- la réduction en base ordonnée dans l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 19 décembre 2019 entraîne une baisse corrélative du rappel de crédit d'impôt recherche de l'année 2007 ; le montant du crédit d'impôt recherche nouvellement admis doit être limité à 3 096 901 euros, soit une remise à la charge de la SA Bertrandt France 1 261 046 euros d'impôt sur les sociétés ;

- l'administration admet un montant supplémentaire de crédit d'impôt recherche de 1 185 107 euros et se désiste de ses demandes initiales de remise à la charge de la société à cette hauteur.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 mars et 23 novembre 2017, 19 novembre 2019 et, après cassation, le 11 février 2022 et les 19 et 30 mai 2023, la SA Bertrandt France, représentée par Me Gabizon, avocat, conclut, dans le dernier état de ses écritures à ce que :

1°) l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 20 septembre 2016 à concurrence des compléments d'impôts réclamés au titre du crédit d'impôt recherche en accroissement pour l'année 2007 soit confirmé ;

2°) seule soit remise à sa charge la cotisation complémentaire d'impôt sur les sociétés correspondant au crédit d'impôt recherche en volume pour l'année 2007 à concurrence de la somme en litige de 610 470 euros, réduite à hauteur de la valorisation de 16 247 heures de recherche et de développement et non de 2 462 heures pour le sous-projet n° 2 relatif à la simulation des cordons de mastics qui servent de joints entre les tôles du projet relatif au projet de développement du traitement anti-corrosion, acoustique et de la mise en peinture pour de nouveaux véhicules utilitaires ;

3°) la cour prononce le dégrèvement des rappels complémentaires à l'impôt sur les sociétés, en droits et pénalités, mis à sa charge au titre du rejet du crédit d'impôt recherche de l'année 2007 de sa filiale ;

4°) une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en vertu de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'administration n'a pas justifié des redressements qu'elle entendait lui imposer, en refusant de corriger, selon les mêmes modalités que pour l'année 2007, les dépenses de recherche exposées par sa filiale en 2005 et 2006 ; de ce seul fait, les rehaussements correspondant au crédit d'impôt recherche en accroissement sont injustifiés ;

- l'administration n'a pas donné suite à l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 19 décembre 2019 qui réduisait le montant du crédit d'impôt recherche qui lui était réclamé à hauteur de 16 247 heures de recherche et de développement et non de 2 462 heures pour le sous-projet n° 2 relatif à la simulation des cordons de mastics qui servent de joints entre les tôles du projet relatif au projet de développement du traitement anti-corrosion, acoustique et de la mise en peinture pour de nouveaux véhicules utilitaires ;

- elle est en droit de demander le rétablissement du crédit d'impôt recherche réintégré au titre de l'exercice 2007 au titre de la part en accroissement soit une somme de 2 441 879 euros qui correspond à l'écart entre d'une part, le montant de la part du crédit d'impôt recherche en accroissement initialement valorisée par sa filiale, soit 3 073 298 euros tel qu'il ressort de sa déclaration de crédit d'impôt recherche n° 2069 pour l'année 2007 et, d'autre part, le montant du crédit d'impôt recherche validé par l'administration fiscale au titre de la part en accroissement, soit 631 419 euros, aux termes de sa réponse aux observations du contribuable du 20 septembre 2011 ; seuls resteraient donc à sa charge les redressements au titre du crédit d'impôt recherche en volume, soit 610 470 euros, réduits toutefois, conformément à l'arrêt du 19 décembre 2019 ;

- pour la part en accroissement, après prise en compte de l'arrêt du 19 décembre 2019, les dépenses de l'année 2007 s'élèvent à 8 859 571 euros, la moyenne des dépenses de 2005 et 2006 à 3 411 267 euros, aboutissant à un rappel de crédit d'impôt recherche limité à 1 292 668 euros correspondant à une part en accroissement de 2 179 322 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Liogier,

- les conclusions de Mme Deroc, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gabizon, représentant la SA Bertrandt France.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Bertrandt, qui exerce l'activité de bureau d'études techniques et d'améliorations techniques dans le domaine de la construction automobile, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur sa déclaration souscrite au titre du crédit d'impôt recherche de l'année 2007, comprenant une part en accroissement de 3 073 298 euros, et ayant donné lieu à remboursement le 24 avril 2009. A l'issue de cette vérification, l'administration lui a adressé une proposition de rectification le 19 octobre 2010 lui notifiant un rehaussement d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2008. La société anonyme (SA) Bertrandt France, agissant en qualité de tête du groupe fiscal dont fait partie la SAS Bertrandt, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie en conséquence.

2. Par un jugement du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de Montreuil, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à hauteur de la somme de 680 151 euros, a accordé la décharge des sommes restant en litige. Par un arrêt n° 16VE03269 du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement, a remis à la charge de la SA Bertrandt France l'imposition en litige, sous réserve d'une réduction en base, et réformé le jugement du tribunal administratif de Montreuil en ce qu'il avait de contraire à son arrêt. Par une décision du 10 décembre 2021, le Conseil d'État statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par la SAS Bertrandt, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'il statue sur la part en accroissement du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2007, lui a renvoyé l'affaire dans cette mesure et a rejeté le surplus des conclusions du pourvoi. Le ministre a pris acte de ce que, pour la part en accroissement, il convenait de retenir le montant des dépenses des années antérieures tel qu'il aurait dû normalement être calculé par l'entreprise et limite, en conséquence et dans le dernier état de ses écritures, sa demande de remise à la charge de la SA Bertrandt France de la cotisation supplémentaire de l'imposition litigieuse à hauteur de 1 261 046 euros, comprenant une part en accroissement fixée à 2 220 468 euros.

3. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2007 : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) qui exposent des dépenses de recherche peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à la somme : / a. D'une part égale à 10 % des dépenses de recherche exposées au cours de l'année, dite part en volume ; / b. Et d'une part égale à 40 % de la différence entre les dépenses de recherche exposées au cours de l'année et la moyenne des dépenses de même nature, revalorisées de la hausse des prix à la consommation hors tabac, exposées au cours des deux années précédentes, dite part en accroissement (...) ".

4. Pour déterminer le montant de la part en accroissement du crédit d'impôt recherche, égale à 40 % de l'excédent des dépenses de recherche exposées au cours de l'année par rapport à la moyenne des dépenses de même nature des deux années précédentes, il convient de retenir le montant des dépenses des années antérieures tel qu'il aurait dû normalement être calculé par l'entreprise. Par suite, lorsque, à la suite d'un contrôle, l'administration rectifie le montant des dépenses éligibles au crédit d'impôt exposées au cours de l'année vérifiée, la moyenne des dépenses exposées les deux années précédentes doit être corrigée dans la même mesure, alors même que ces années seraient prescrites et que l'erreur sur le montant de ces dépenses serait imputable à l'entreprise.

5. S'agissant du montant des dépenses exposées au cours de l'année 2007, l'arrêt de la cour administrative de Versailles n° 16VE03269 du 19 décembre 2019, devenu définitif sur ce point, a admis que le montant des dépenses exposées, fixé par l'administration après le dégrèvement en cours de première instance à un montant de 7 954 181 euros, devait être majoré, en raison de la prise en compte d'une valorisation à hauteur de 16 247 heures de recherche et développement et non de 2 462 heures pour le sous-projet n° 2 relatif à la simulation des cordons de mastics qui servent de joints entre les tôles du projet relatif au projet de développement du traitement anticorrosion, acoustique et de la mise en peinture pour de nouveaux véhicules utilitaires. La société, qui dispose des données les plus fines pour ce calcul, fait valoir, dans ses dernières écritures, que cette prise en compte aboutit à fixer le montant des dépenses exposées au cours de l'année 2007 à un montant de 8 859 571 euros. Elle n'est pas contredite par l'administration, qui aboutissait à un montant très proche dans son mémoire du 1er mars 2022.

6. S'agissant de la moyenne des dépenses exposées au cours des années 2005 et 2006, il résulte de l'instruction qu'après cassation, l'administration admet devoir exclure des dépenses de 2005 et 2006 les dépenses exposées au titre des projets développés par la filiale dès 2005 ou 2006, mais ayant fait l'objet d'un rejet au titre du crédit d'impôt recherche de l'année 2007. La société soutient, dans ces dernières écritures, que cette moyenne s'élève à 3 411 267 euros et produit, pour le justifier, plusieurs tableaux détaillant sa méthode de calcul et les données prises en compte, sans être sérieusement contredite sur ce point par l'administration, qui s'appuyait sur des données, non actualisées, fournies par la société dans son mémoire du 23 novembre 2017 et admettait d'ailleurs un montant de dépenses supérieur.

7. Il résulte de ce qui précède que la part en accroissement du crédit d'impôt recherche de la SAS Bertrandt pour l'année 2007 doit être fixée à 2 179 322 euros, soit 40 % de la différence entre le montant des dépenses de 2007 de 8 859 571 euros et le montant moyen des dépenses de 2005 et 2006 de 3 411 267 euros. Toutefois, dans le dernier état de ses écritures, ainsi qu'il a été dit au point 2, l'administration a limité ses conclusions à la remise à la charge de la société d'un montant de 1 261 046 euros, inférieur au dernier calcul de la société, correspondant à une part en accroissement fixée à 2 220 468 euros.

8. En conséquence, le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir, s'agissant uniquement du calcul de la part en accroissement, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a déchargé la SA Bertrandt France de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2008 à raison de la part en accroissement du crédit d'impôt recherche correspondant à la différence entre la part en accroissement déclarée par la société de 3 073 298 euros et celle définie au point précédent de 2 220 468 euros. En revanche, les conclusions de la SA Bertrandt France tendant à la décharge totale des rappels mis à sa charge, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la SA Bertrandt France a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2008 est remise à sa charge à raison d'une part en accroissement du crédit d'impôt recherche correspondant à la différence entre celle déclarée par la société de 3 073 298 euros et celle définie dans le présent arrêt d'un montant de 2 220 468 euros.

Article 2 : Le jugement n°s 1429107, 1429218 du tribunal administratif de Montreuil du 20 septembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre et les conclusions de la SA Bertrand France sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Bertrandt France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Besson-Ledey, présidente de chambre,

M. Lerooy, premier conseiller,

Mme Liogier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

La rapporteure,

C. LiogierLa présidente,

L. Besson-Ledey La greffière,

C. Fourteau

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N°21VE03478 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE03478
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: Mme Claire LIOGIER
Rapporteur public ?: Mme DEROC
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS FIELDFISHER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-06-22;21ve03478 ?
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