Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2021, par lequel le préfet du Val-d'Oise lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Par un jugement n° 2200051 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 25 mars et 5 avril 2022 et le 23 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Traore, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 mars 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 13 décembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur le refus de titre :
- le jugement est entaché de défaut de base légale dès lors que sa demande de titre devait être examinée sur le fondement des article 6 et 15 de la convention conclue entre le Mali et la France ;
- l'arrêté n'est pas dument motivé ;
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'était pas en situation irrégulière et ne relevait donc pas de l'admission exceptionnelle ; à supposer que sa situation devait être examinée au regard de l'admission exceptionnelle, il remplissait les conditions ;
- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;
Sur l'obligation de quitter le territoire :
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;
- elle est illégale par voie d'exception.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-malienne du 26 septembre 1994 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Gars,
- et les observations de Me Kleinfinger substituant Me Traore pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien, entré en France en 2016 selon ses déclarations, a fait l'objet d'un arrêté du 14 mai 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par jugement du 1er septembre 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté et enjoint à l'autorité préfectorale de réexaminer la situation de M. B.... Après avoir procédé à ce réexamen sur le fondement des stipulations de l'article 5 de la convention franco-malienne du 26 septembre 1994, le préfet du Val-d'Oise a, par arrêté du 13 décembre 2021, rejeté la demande de titre de séjour de l'intéressé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, les mentions propres à la situation personnelle de l'intéressé ne constituant pas une motivation stéréotypée.
3. En deuxième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 110-1 du même code, " sous réserve des conventions internationales. ". En ce qui concerne les ressortissants maliens, l'article 15 de la convention du 26 septembre 1994 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mali sur la circulation et le séjour des personnes stipule que : " Les points non traités par la convention en matière d'entrée et de séjour des étrangers sont régis par la législation de l'Etat d'accueil. " L'article 4 de cette même convention stipule que : " Pour un séjour de plus de trois mois, les nationaux maliens à l'entrée du territoire français et les nationaux français à l'entrée du territoire malien doivent être munis d'un visa de long séjour et des justificatifs prévus aux articles 5 à 9 ci-après, en fonction de la nature de leur installation. ". L'article 5 stipule que : " Les nationaux de chacun des Etats contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre Etat une activité professionnelle salariée doivent, en outre, pour être admis sur le territoire de cet Etat, justifier de la possession : / 1. D'un certificat de contrôle médical établi dans les deux mois précédant le départ (...) ; / 2. D'un contrat de travail visé par le ministère chargé du travail dans les conditions prévues par la législation de l'Etat d'accueil. ". Enfin, l'article 10 stipule que : " Pour tout séjour sur le territoire malien devant excéder trois mois, les nationaux français doivent posséder un titre de séjour. / Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les nationaux maliens doivent posséder un titre de séjour. / Ces titres de séjour sont délivrés et renouvelés conformément à la législation de l'Etat d'accueil. ".
4. Il résulte de ces différentes stipulations que la convention franco-malienne renvoie, par son article 10, à la législation nationale pour la délivrance et le renouvellement des titres de séjour. Ses articles 4 et 5 se bornent, quant à eux, à régir les conditions d'entrée sur le territoire de l'un des deux Etats, de ceux des ressortissants de l'autre Etat qui souhaitent y exercer une activité salariée. Ainsi, les ressortissants maliens souhaitant exercer une activité salariée en France doivent solliciter un titre de séjour en application des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, c'est à bon droit que le préfet du Val-d'Oise a examiné la demande de titre de séjour de M. B... en qualité de salarié, sur le fondement des dispositions du code de l'entrée et du séjour de étrangers et du droit d'asile relatives au titre de séjour en qualité de salarié. Le moyen tiré du défaut de base légale de la décision attaquée doit, par suite, être écarté.
5. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. ". Selon l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Enfin, aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance de la carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 (...) ". Il en résulte que la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est subordonnée à la présentation d'un visa de long séjour et d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes. Par suite, le préfet du Val-d'Oise pouvait légalement se fonder sur l'absence de visa long séjour pour refuser le titre de séjour sollicité.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. ".
7. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Il peut, en outre, exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant le titre qu'il demande ou un autre titre, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, dont il justifierait. Ainsi, dans l'hypothèse où un étranger sollicite la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", il est loisible au préfet, après avoir constaté que l'intéressé ne remplit pas les conditions posées par l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, soit de lui délivrer un titre sur le fondement d'une autre disposition du code, s'il remplit les conditions qu'elle prévoit, soit, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, de lui délivrer, compte tenu de l'ensemble de sa situation personnelle, le titre qu'il demande ou un autre titre.
8. M. B... fait valoir la durée de son séjour en France depuis mars 2017, son expérience professionnelle et sa cohabitation avec un ressortissant français. Toutefois, les bulletins de salaires produit, à partir de 2019 comme commis de cuisine ou agent de service, soit pour quelques heures par mois, soit à temps plein pour quelques mois, ne révèlent pas une insertion professionnelle particulière depuis 2017. Ni l'ancienneté de séjour alléguée par M. B..., ni aucun autre élément ne permet d'établir que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou serait justifiée par des motifs exceptionnels. Dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de régulariser sa situation sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au titre du travail. Par ailleurs, il ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, qui ne comporte, en tout état de cause, que de simples orientations générales et n'est pas opposable à l'administration.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. M. B... se prévaut de sa présence sur le territoire depuis 2017, de son activité professionnelle et de sa cohabitation avec un ressortissant français. Toutefois, ces éléments, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8 et alors au surplus que l'intéressé est célibataire, sans charge de famille en France et n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Mali ou résident ses parents et sa fratrie, et où il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans, ne sont pas de nature à faire regarder le préfet du Val-d'Oise comme ayant porté, en prenant la décision attaquée, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par ces stipulations, eu égard aux buts poursuivis.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
11. En premier lieu, la décision refusant le titre de séjour sollicité n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ce refus ne peut qu'être écarté.
12. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment au point 10.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
Mme Bonfils, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.
La rapporteure,
A-C. LE GARSLe président,
S. BROTONS
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 22VE00686 2