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20/06/2023 | FRANCE | N°21VE01072

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 20 juin 2023, 21VE01072


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté du 3 février 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'exécution forcée de cette mesure d'éloignement, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie p

rivée et familiale " à compter de la notification du jugement à intervenir et, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté du 3 février 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'exécution forcée de cette mesure d'éloignement, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification du jugement à intervenir et, en tout état de cause, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour à compter de cette même date.

Par un jugement n° 2002332 du 16 mars 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 avril 2021, M. A... B..., représenté par Me Boudjellal, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 février 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'exécution forcée de cette mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, en tout état de cause, une autorisation provisoire de séjour en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation dès lors que sa demande était fondée sur les stipulations de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien ;

- il méconnaît l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de Paris le 25 juillet 2019, notamment en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français ;

- il méconnaît également les stipulations de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle et familiale, eu égard à la durée de sa présence sur le territoire, à l'intensité de ses attaches familiales et à l'absence de menace que sa présence constitue pour l'ordre public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2023, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles du 27 décembre 1968 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonfils,

- et les observations de Me Boudjellal pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant algérien, né le 26 mai 1984 à Jijel (Algérie), est entré sur le territoire français le 30 juin 2010, selon ses déclarations. Par un arrêté du 3 février 2020, le préfet des Hauts-de-Seine a refusé à M. B... la délivrance d'un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait susceptible d'être reconduit. M. B... relève appel du jugement du 16 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité externe de l'arrêté en litige :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...). ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que celui-ci à la fois énonce les textes sur lesquels il se fonde, soit le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié et le b) de l'article 7 du même accord, et détaille précisément les motifs de fait relatifs aux conditions d'entrée sur le territoire français de M. B..., et à la situation administrative, personnelle et familiale de ce dernier, ayant conduit le préfet des Hauts-de-Seine à refuser de délivrer au requérant un certificat de résidence sur le fondement des stipulations précitées, et de l'admettre au séjour à titre exceptionnel. Par ailleurs, en application des dispositions du dixième alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, dès lors que, comme en l'espèce, ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de motivation des actes administratifs. Dans ces conditions, et alors que l'intéressé n'établit pas avoir déposé une demande de délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien, l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine est suffisamment motivé en droit et en fait, et le moyen doit, par suite, être écarté.

4. En second lieu, si M. B..., qui ne conteste pas que l'arrêté en litige a été pris en réponse à la demande de délivrance d'un certificat de résidence déposée le 7 janvier 2020 et visée par cet arrêté, soutient avoir sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien modifié, il ne justifie pas du bien-fondé de cette allégation. Dès lors, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté, décrite au point précédent de l'arrêt, ni des pièces du dossier, que le préfet des Hauts-de-Seine n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation du requérant. Par suite, ce moyen doit également être écarté.

Sur la légalité interne de l'arrêté en litige :

5. En premier lieu, par son jugement n° 1915864/8 du 25 juillet 2019, devenu définitif faute d'avoir été frappé d'appel, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé les décisions du 25 mars 2019 faisant à M. B... obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel l'intéressé pourrait être reconduit d'office et édictant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, motif pris d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle de l'intéressé. Toutefois, d'une part, le tribunal administratif de Paris a seulement enjoint au préfet de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour, alors que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi de la demande d'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence, a rejeté cette demande. D'autre part, l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache tant au dispositif qu'aux motifs du jugement du tribunal administratif de Paris invoqué par le requérant, ne faisait pas obstacle à ce que l'autorité préfectorale prenne une décision en réponse à la nouvelle demande de délivrance de carte de résident déposée par M. B..., au vu des circonstances existant à la date de cette nouvelle décision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée doit être écarté.

6. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'une des stipulations de l'accord franco-algérien, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code ou stipulation de cet accord.

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait saisi le préfet des Hauts-de-Seine d'une demande de titre de séjour sur le fondement des stipulations du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié, ni que le préfet aurait d'office examiné le droit au séjour de l'intéressé sur ce fondement. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut être utilement invoqué. Au surplus, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'acte de mariage du 12 octobre 2018, qu'il s'est marié avec Mme C..., née au Maroc le 22 août 1979, sans que la nationalité française de cette dernière soit établie. En outre, il ressort des écritures produites par le préfet en première instance, lesquelles ne sont pas contestées sur ce point, que le requérant est séparé de son épouse depuis novembre 2018. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien doit, en tout état de cause, être écarté.

8. En dernier lieu, d'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Les dispositions du présent article (...) fixent les conditions de délivrance (...) du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". D'autre part, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. M. B... soutient qu'il réside sur le territoire national de manière continue depuis son arrivée en France le 30 juin 2010, où il a rejoint sa mère, qui est titulaire d'un certificat de résidence algérien valable jusqu'au 8 juin 2022, en raison de la dégradation de l'état de santé de cette dernière, et qu'il n'a plus aucune attache personnelle ou familiale dans son pays d'origine. Toutefois, si le requérant, qui ne justifie pas de son entrée régulière sur le territoire français, produit des documents médicaux, des avis d'imposition faisant état d'une absence de revenus, quelques factures d'électricité, des relevés bancaires mentionnant des opérations irrégulières, trois bulletins de salaire pour les mois de janvier, février et mars 2020 ainsi que de nombreux documents relatifs à la situation administrative et médicale de sa mère, ces pièces, qui attestent d'une présence ponctuelle sur le territoire français au cours des années 2010 à 2018 et d'une présence plus régulière à compter de l'année 2019, sont insuffisantes à démontrer une résidence habituelle et continue en France depuis l'année 2010. En outre, elles n'établissent pas la nécessité de la présence de l'intéressé auprès de sa mère. De plus, M. B... ne justifie pas, par la seule production d'une page d'un livret de famille, qu'il serait dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à, au moins, l'âge de 26 ans, alors qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'il serait séparé depuis le mois de novembre 2018 de l'épouse avec laquelle il était marié depuis seulement un mois et dont il n'établit pas qu'elle serait de nationalité française. Dans ces conditions, nonobstant le fait que la présence en France du requérant ne constitue pas une menace pour l'ordre public, et en dépit des bulletins de salaire produits par l'intéressé au titre des mois de janvier à mars 2020, l'arrêté en litige ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B.... Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien modifié et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Doit l'être également, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste de l'appréciation des conséquences de l'arrêté en litige sur la situation de M. B....

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.

La rapporteure,

M-G. BONFILS

Le président,

S. BROTONS

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE01072


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE01072
Date de la décision : 20/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : BOUDJELLAL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-06-20;21ve01072 ?
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