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16/06/2023 | FRANCE | N°21VE00286

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 16 juin 2023, 21VE00286


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et trois mémoires complémentaires, enregistrés le 1er février 2021, le 26 mars 2021, le 2 mai 2022 et le 1er juillet 2022, sous le n° 21VE00286, la société S.E.P.E " Les Grands Patureaux ", représentée par Me Elfassi, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du préfet de Loir-et-Cher du 7 octobre 2020 portant refus de délivrance de l'autorisation environnementale présentée par elle portant sur la construction et l'exploitation d'un parc éolien dénommé " les Grands Patu

reaux A " sur la commune de Maray ;

2°) d'enjoindre au préfet du Loir-et-Cher de lui dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et trois mémoires complémentaires, enregistrés le 1er février 2021, le 26 mars 2021, le 2 mai 2022 et le 1er juillet 2022, sous le n° 21VE00286, la société S.E.P.E " Les Grands Patureaux ", représentée par Me Elfassi, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du préfet de Loir-et-Cher du 7 octobre 2020 portant refus de délivrance de l'autorisation environnementale présentée par elle portant sur la construction et l'exploitation d'un parc éolien dénommé " les Grands Patureaux A " sur la commune de Maray ;

2°) d'enjoindre au préfet du Loir-et-Cher de lui délivrer l'autorisation sollicitée ou, à défaut, de statuer à nouveau sur la demande d'autorisation unique, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société S.E.P.E. " Les Grands Patureaux " soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que le site d'implantation se trouve dans une zone favorable à l'éolien, ne présente pas d'intérêt particulier, qu'une série de mesures d'évitement, de réduction et d'accompagnement a été prise pour garantir la bonne insertion paysagère du projet, qu'aucune atteinte ne sera portée au bourg de Mennetou-sur-Cher, à l'église de Saint-Loup, à l'église de Châtres-sur-Cher, à l'ancien prieuré Grandmontain Notre-Dame-de-Fontblanche, à l'église Saint-Symphorien de Genouilly et à l'église d'Anjouin, que le projet ne génère aucun effet cumulé avec les autres projets " Grands Patureaux " B et C et que le commissaire enquêteur a rendu un avis favorable.

Par un mémoire, enregistré le 30 septembre 2021, la commune de Maray, représentée par Me Guezennec, avocat, conclut à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2020 portant refus de délivrance de l'autorisation environnementale présentée par la société S.E.P.E. " Les Grands Patureaux " et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet ne porte pas atteinte au paysage environnant ni aux monuments protégés, dès lors que les visibilités et covisibilités seront réduites, que des châteaux d'eau, des antennes téléphoniques et des fils électriques sont déjà visibles sur le lieu d'implantation du projet et que la famille propriétaire du prieuré Grandmontain Notre Dame de Fontblanche soutient le projet ;

- plusieurs mesures d'évitement et de réduction ont été prises afin d'aboutir à un projet respectueux de l'environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société S.E.P.E. " Les Grands Patureaux " ne sont pas fondés.

II. Par une requête et trois mémoires complémentaires, enregistrés le 1er février 2021, le 26 mars 2021, le 2 mai 2022 et le 1er juillet 2022, sous le n° 21VE00288, la société S.E.P.E " Les Grands Patureaux ", représentée par Me Elfassi, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté des préfets du Cher et du Loir-et-Cher du 7 octobre 2020 portant refus de délivrance de l'autorisation environnementale présentée par elle portant sur la construction et l'exploitation d'un parc éolien dénommé les " les Grands Patureaux B " sur les communes de Maray et de Genouilly ;

2°) d'enjoindre aux préfets du Cher et de Loir-et-Cher de lui délivrer l'autorisation sollicitée ou, à défaut, de statuer à nouveau sur la demande d'autorisation unique dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société S.E.P.E. " Les Grands Patureaux " soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que le site d'implantation se trouve dans une zone favorable à l'éolien, ne présente pas d'intérêt particulier, qu'une série de mesures d'évitement, de réduction et d'accompagnement a été prise pour garantir la bonne insertion paysagère du projet, qu'aucune atteinte ne sera portée à l'ancien prieuré Grandmontain Notre Dame de Fontblanche et à l'église Saint Symphorien de Genouilly, que le projet ne génère aucun effet cumulé avec les autres projets " Grands Patureaux " A et C et que le commissaire enquêteur a rendu un avis favorable.

Par un mémoire, enregistré le 4 octobre 2021, la commune de Maray, représentée par Me Guezennec, avocat, conclut à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2020 portant refus de délivrance de l'autorisation environnementale présentée par la société S.E.P.E. et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet ne porte pas atteinte au paysage environnant ni aux monuments protégés, dès lors que les visibilités et covisibilités seront réduites, que des châteaux d'eau, des antennes téléphoniques et des fils électriques sont déjà visibles sur le lieu d'implantation du projet et que la famille propriétaire du prieuré Grandmontain Notre Dame de Fontblanche soutient le projet ;

- plusieurs mesures d'évitement et de réduction ont été prises afin d'aboutir à un projet respectueux de l'environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société S.E.P.E. " Les Grands Patureaux " ne sont pas fondés.

III. Par une requête et trois mémoires complémentaires, enregistrés le 1er février 2021, le 26 mars 2021, le 2 mai 2022 et le 1er juillet 2022, sous le n° 21VE00289, la société S.E.P.E " Les Grands Patureaux ", représentée par Me Elfassi, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté des préfets du Cher et de Loir-et-Cher du 7 octobre 2020 portant refus de délivrance de l'autorisation environnementale présentée par elle portant sur la construction et l'exploitation d'un parc éolien dénommé les " les Grands Patureaux C " sur les communes de Maray et de Genouilly ;

2°) d'enjoindre aux préfets du Cher et du Loir-et-Cher de lui délivrer l'autorisation sollicitée ou, à défaut, de statuer à nouveau sur la demande d'autorisation unique dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société S.E.P.E. " Les Grands Patureaux " soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que le site d'implantation se trouve dans une zone favorable à l'éolien, ne présente pas d'intérêt particulier, qu'une série de mesures d'évitement, de réduction et d'accompagnement a été prise pour garantir la bonne insertion paysagère du projet, qu'aucune atteinte ne sera portée à l'ancien prieuré Grandmontain Notre Dame de Fontblanche et à l'église Saint Symphorien de Genouilly, que le projet ne génère aucun effet cumulé avec les autres projets " Grands Patureaux " A et B et que le commissaire enquêteur a rendu un avis favorable.

Par un mémoire, enregistré le 4 octobre 2021, la commune de Maray, représentée par Me Guezennec, avocat, conclut à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2020 portant refus de délivrance de l'autorisation environnementale présentée par la société S.E.P.E. et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet ne porte pas atteinte au paysage environnant ni aux monuments protégés, dès lors que les visibilités et covisibilités seront réduites, que des châteaux d'eau, des antennes téléphoniques et des fils électriques sont déjà visibles sur le lieu d'implantation du projet et que la famille propriétaire du prieuré Grandmontain Notre Dame de Fontblanche soutient le projet ;

- plusieurs mesures d'évitement et de réduction ont été prises afin d'aboutir à un projet respectueux de l'environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société S.E.P.E. " Les Grands Patureaux "ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Even ;

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public ;

- les observations de Me Berges, substituant Me Elfassi, pour la société S.E.P.E. " Les Grands Patureaux ", et de Me Guezennec pour la commune de Maray.

Une note en délibéré, présentée pour la société S.E.P.E. " Les Grands Patureaux ", a été enregistrée le 12 mai 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La société S.E.P.E. " Les Grands Patureaux " a présenté trois demandes d'autorisation environnementale en vue d'exploiter trois parcs éoliens regroupant au total 10 éoliennes, respectivement nommés " les Grands Patureaux A " avec deux aérogénérateurs E1 et E2 et un poste de livraison électrique sur le territoire de la commune de Maray (Loir-et-Cher), " les Grands Patureaux B " avec six aérogénérateurs E3, E4, E5, E6, E7 et E8 et trois postes de livraison électrique sur le territoire de la commune de Maray et de la commune de Genouilly (Cher) et " les Grands Patureaux C " avec deux aérogénérateurs E9 et E10 et un poste de livraison électrique sur le territoire de la commune de Maray et de la commune de Genouilly. Par un arrêté du préfet du Loir-et-Cher et deux arrêtés inter-préfectoraux signés par les préfets du Cher et du Loir-et-Cher datés du 7 octobre 2020, ces derniers ont refusé de délivrer les autorisations sollicitées. La société S.E.P.E. " Les Grands Patureaux " demande à la cour d'annuler ces trois arrêtés.

Sur la jonction :

2. Les requêtes nos 21VE00286, 21VE00288 et 21VE00289, relatives à trois projets portés par la même société sur des sites environnants, soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la légalité des arrêtés attaqués :

3. En premier lieu, les arrêtés attaqués visent les textes dont ils font application et énoncent les considérations de fait qui en constituent le fondement. Ils soulignent notamment que les projets se situent dans des perspectives paysagères remarquables, en situation de visibilité ou de covisiblité avec des monuments historiques environnants, exhaustivement énumérés, que les impacts de ces trois projets A, B et C se cumuleraient les uns avec les autres et que les mesures de réduction exposées au sein du dossier de demande d'autorisation, qui est commun aux trois projets, ne sont pas suffisantes. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des arrêtés attaqués ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code dans sa version applicable : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.(...) ". Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des (...) ouvrages à édifier (...), sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

5. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage de nature à fonder un refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient au préfet d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site ou du paysage sur lequel l'installation est projetée puis d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.

En ce qui concerne la qualité du paysage sur lequel les installations sont projetées :

6. Il résulte de l'instruction et notamment de l'étude d'impact, que les trois projets litigieux doivent être réalisés au sein de l'unité paysagère des Gâtines Berrichonnes, qui est un plateau boisé comprenant de grands espaces cultivés, situé entre les vallées de la Creuse au Sud et du Cher au Nord, coupé par la vallée de l'Indre. Il ressort du schéma régional éolien que les sites d'implantation projetés se situent dans un secteur favorable au développement de l'éolien. Il apparaît en outre que ceux-ci sont éloignés de plus de 4 kilomètres des éoliennes déjà autorisées en cours de construction et de plus de 10 kilomètres des éoliennes en exploitation. Bien que ce paysage rural ne soit pas dépourvu de tout intérêt et comprend de nombreux bâtiments inscrits ou classés au titre des monuments historiques, dont la plupart ne sont pas en situation de covisibilité, il n'a pas un caractère exceptionnel marqué.

En ce qui concerne l'impact des installations projetées sur les monuments historiques :

7. L'étude d'impact figurant au dossier identifie un risque de covisibilité vis-à-vis de ce projet éolien pour six monuments historiques situés à proximité, qualifié de " fort " pour les ruines des remparts et les portes et tours de Mennetou-sur-Cher, l'église de Saint-Loup, l'église de Châtres-sur-Cher et l'église d'Anjouin, et de " fort " ou " très fort " pour le prieuré Grandmontain Notre-Dame-de-Fontblanche et l'église Saint-Symphorien.

S'agissant des impacts des éoliennes E1 et E2 afférentes au projet " les Grands Patureaux A " :

Quant à l'atteinte au bourg de Mennetou-sur-Cher :

8. Il est constant que le bourg de Mennetou-sur-Cher, petite ville fortifiée du Moyen-Age, est un site classé dans son ensemble au titre des monuments historiques. Il résulte de l'instruction, et notamment des photomontages nos 18, 19 et 20 issus du volet paysager de l'étude d'impact, que le projet " Les Grands Patureaux A " fait apparaître des vues directes depuis ce bourg et des covisibilités avec certains monuments qui y sont implantés dont l'église Saint-Urbain. Toutefois, il résulte également de l'instruction, et notamment des vidéo-montages nos 1, 2 et 3 versés au dossier par la requérante, que le projet litigieux est implanté à environ 5,5 kilomètres de ce bourg et sera en grande partie masqué par l'urbanisation entourant celui-ci. Cette distance, relativement importante, aura pour effet d'atténuer l'impact visuel de ce projet, alors que la topographie des lieux et l'existence d'une importante végétation permettent de conclure à l'existence d'un maillage végétal qui masquera en grande partie les deux éoliennes en projet.

Quant à l'atteinte à l'église de Saint-Loup :

9. Il est constant que l'église de Saint-Loup, bâtie au XIIe siècle, est un monument historique classé. Il résulte de l'instruction, notamment du photomontage n° 13 du volet paysager de l'étude d'impact, réalisé depuis la commune de Langon-sur-Cher, que l'éolienne E2 est en situation de covisibilité avec ce monument. Toutefois, si la ministre de la transition écologique soutient qu'il existe une rupture d'échelle entre cette éolienne et ce monument, et alors même que l'étude d'impact conclut à un impact paysager très fort, il résulte de l'instruction que le projet " Les Grands Patureaux A " est séparé du lieu où a été réalisé le photomontage de 6,6 kilomètres, alors que cette église se situe à 2,8 kilomètres du projet. Il s'agit d'une vue lointaine et limitée à la partie supérieure de l'éolienne qui, du fait de la distance et de l'échelle, n'entraîne pas de phénomène d'écrasement. En outre, il résulte de l'instruction, et notamment du photomontage n° 14 et du vidéo-montage n° 4, que la covisibilité évoquée, depuis un embranchement de la RD 976, est ponctuelle et disparaît rapidement du fait du caractère vallonné du paysage.

Quant à l'atteinte à l'église de Châtres-sur-Cher :

10. Il est constant que le clocher de l'église de Châtres-sur-Cher fondée au XIIe siècle est inscrit au titre des monuments historiques. Il résulte de l'instruction et notamment du photomontage n° 23, que s'il existe une covisibilité entre ce clocher et l'éolienne E2, celle-ci sera limitée en raison de la végétation environnante et de la distance importante, de 4,4 kilomètres, séparant cette église du projet litigieux. En outre, seul le clocher de l'église est visible depuis l'entrée de la commune de la commune de Châtres-sur-Cher, depuis laquelle a été réalisé le photomontage susmentionné, de sorte que l'atteinte alléguée à ce monument par le projet " Les Grands Patureaux A " paraît mesurée.

Quant à l'atteinte à l'église d'Anjouin :

11. Il est constant que l'église d'Anjouin, qui a été construite au XIIe siècle, est classée au titre des monuments historiques. Si la ministre de la transition écologique soutient qu'il existe une covisibilité entre les éoliennes du projet " Les Grands Patureaux A " et cette église, il résulte de l'instruction, notamment du photomontage n° 37 réalisé depuis la RD 922, que l'impact visuel est faible, dès lors que l'église n'apparaît que presqu'entièrement masquée par les épais boisements desquels n'émerge que le toit du monument. Il résulte également de l'instruction, notamment du vidéo-montage n° 9, qu'une telle covisibilité est très ponctuelle. Par suite, l'impact visuel est faible et n'est pas de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt du site.

Quant à l'atteinte au prieuré de Grandmontain Notre-Dame de Fontblanche :

12. Il est constant que le prieuré de Grandmontain Notre-Dame-de-Fontblanche, bâti entre le XIIe et le XIIIe siècle, bénéficie d'une protection au titre des monuments historiques pour son église, les façades et toitures de ses anciens bâtiments conventuels et sa salle capitulaire. Si la ministre de la transition écologique soutient qu'il existe une visibilité directe notable sur le projet " Les Grands Patureaux A " depuis ce prieuré, il résulte toutefois de l'instruction, notamment des photomontages nos 77 et 78, que les éoliennes E1 et E2 sont situées à environ trois kilomètres de ce monument. Dès lors, il n'apparaît pas, compte tenu du caractère limité de ces vues en raison des distances existantes et de la végétation environnante, qui permet de masquer en partie ces éoliennes et d'éviter tout bouleversement des rapports d'échelle existants, que le projet porterait une atteinte particulière à cet édifice.

S'agissant de l'impact des éoliennes E3 à E10 des projets B et C sur le prieuré de Grandmontain Notre-Dame-de-Fontblanche :

13. Il résulte de l'instruction, notamment des photomontages nos 77, 77C1, 77C2 et 78, que le prieuré de Grandmontain Notre-Dame-de-Fontblanche a une vue directe sur les éoliennes E3, E4, E5, E6, E7 et E8 du projet " Les Grands Patureaux B ".

14. Il résulte de l'instruction que seuls le bout du mat et une partie des pales de l'éolienne E3, qui est relativement éloignée de ce monument, sont visibles depuis sa façade Nord-Ouest, le reste étant masqué par les arbres entourant un champ jouxtant le prieuré, tandis que cette éolienne est totalement masquée par ce dernier depuis sa façade Nord-Est.

15. En outre, il ressort de ces mêmes photomontages, que si les éoliennes E4, E5 et E6 sont nettement visibles depuis la façade Nord-Ouest de celui-ci, il apparaît que les arbres le bordant permettent d'éviter tout bouleversement d'échelle depuis cette perspective, alors que, depuis la façade Nord-Est, l'éolienne E4, plus éloignée, ne provoque aucun effet d'écrasement sur le prieuré, qu'une partie important de l'éolienne E5 est masquée par celui-ci et que l'éolienne E6 est presqu'entièrement masquée par les arbres aux alentours du monument.

16. En revanche, il résulte de l'instruction que le mât et une partie des pales de l'éolienne E7, qui doit être implantée à seulement un kilomètre du prieuré, seraient visibles depuis la façade Nord-Ouest, le reste étant masqué par une allée d'arbres. Cette éolienne risque de provoquer un effet d'écrasement sur le paysage environnant depuis la façade Nord-Est du prieuré, le mât et les pales se dégageant très nettement de la végétation environnante, alors que la plantation d'arbres de haut jet proposée par la requérante n'est pas susceptible de réduire suffisamment cet impact visuel.

17. En outre, le projet prévoit l'implantation de l'éolienne E8 à seulement 750 mètres du prieuré, cette faible distance provoquant un important effet d'écrasement du paysage environnant sur ce monument, qui n'est pas atténué par la présence d'une végétation suffisante. Si la requérante propose la plantation d'arbres de haut jet le long de la façade Nord du prieuré, il ne résulte pas de l'instruction qu'une telle mesure de compensation permette de limiter cet impact visuel.

18. Enfin, il résulte de l'instruction, notamment des photomontages nos 77, 77C1, 77C2 et 78, que si le prieuré a une vue directe sur les éoliennes E9 et E10 du projet " Les Grands Patureaux C " dont l'implantation est plus éloignée, la végétation environnante permettra de limiter l'impact visuel de ces éoliennes sur le prieuré. Et il résulte de l'instruction, notamment des mesures ERC et des mesures d'accompagnement de l'étude d'impact, que la plantation d'arbres de haut jet proposée par la requérante en vue de réduire cet impact visuel est de nature à limiter le bouleversement des rapports d'échelle susceptible de découler de la présence des éoliennes E9 et E10.

S'agissant de l'impact de l'ensemble des éoliennes sur l'église Saint-Symphorien de Genouilly :

19. Il est constant que l'église Saint-Symphorien de Genouilly, bâtie entre les XIIe et XVIe siècles, est inscrite au titre des monuments historiques.

20. D'une part, si la ministre de la transition écologique soutient que des vues directes et des covisibilités avec le projet " Les Grands Patureaux A " ont été identifiées, il résulte de l'instruction, notamment des photomontages nos 31, 59 et 61, qu'aucune covisibilité depuis la RD 19 n'existe entre ce projet et ce monument et que la vue directe depuis l'église est extrêmement limitée, dès lors que seule l'extrémité des pâles de l'éolienne E2, masquée par la végétation, est visible. En outre, s'il apparaît que les éoliennes de ce projet " Les Grands Patureaux A "sont en situation de covisibilité avec l'église en question depuis la RD 164, cette église, tout comme les éoliennes litigieuses, sont en partie masquées par la végétation, alors que la distance séparant ce monument du projet est supérieure à 3 kilomètres et permet d'éviter tout bouleversement d'échelle.

21. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment des photomontages susmentionnés, que seule l'éolienne E8 du projet " Les Grands Patureaux B " est en situation de covisibilité avec ce monument depuis la RD 19. Celle-ci, au demeurant relativement éloignée de l'église depuis cette route, est en outre masquée en partie par la végétation. Et s'il apparaît que les éoliennes du projet " Les Grands Patureaux B " sont en situation de covisibilité avec cette église depuis la RD 164, ladite église, tout comme les éoliennes litigieuses, sont en partie masquées par la végétation, alors que la distance d'environ 3 kilomètres séparant ce monument du projet permet d'éviter tout bouleversement d'échelle. Enfin, s'il est constant que les éoliennes E5, E6, E7 et E8 sont visibles depuis les abords de l'église, il résulte de l'instruction qu'elles sont également en grande partie masquées par la végétation environnante, de sorte que le projet " Les Grands Patureaux B " ne peut être regardé comme portant une atteinte particulière à cet édifice.

22. Enfin, il résulte de l'instruction, notamment des photomontages susmentionnés, qu'aux abords immédiats de l'église, il n'existe pas de covisibilité avec les éoliennes E9 et E10 du projet " Les Grands Patureaux C " en raison de la position occupée par ce monument au cœur de bourg et des nombreux arbres se trouvant aux alentours. En outre, la covisibilité entre cette église et ces éoliennes depuis la RD 164 apparaît très limitée, dès lors que seul le bout des pales des éoliennes E9 et E10 émerge de la végétation environnante. Enfin, s'il est constant qu'une covisibilité existe également depuis la RD 19, il apparaît que celle-ci est très limitée, dès lors que seul le clocher de l'église Saint-Symphorien est visible depuis ce point, éloigné de plus de 3 kilomètres du site d'implantation du projet.

S'agissant enfin de la prise en compte des effets cumulés :

23. Pour refuser les autorisations environnementales sollicitées au titre des projets " Les Grands Patureaux A, B et C ", les préfets du Cher et de Loir-et-Cher se sont également fondés sur leurs impacts cumulés sur les monuments historiques précités. Il est constant que trois degrés d'impacts cumulés peuvent être identifiés, entre les éoliennes d'un même projet, entre les projets portés par la société S.E.P.E. " Les Grands Patureaux " et entre ces projets et les éoliennes déjà autorisées en construction ou en exploitation dans les environs du site d'implantation projeté. Toutefois, d'une part, pour les mêmes motifs que ceux exposés dans les points précédents, il résulte de l'instruction que les impacts cumulés des éoliennes de chacun des projets, respectivement, apparaissent limités. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment de l'étude d'impact, que l'analyse de la saturation visuelle menée par la société pétitionnaire n'a pas été contredite en défense. En se fondant sur l'occupation visuelle du motif éolien, sur l'angle de respiration maximal ou l'indice d'espace de respiration, sur la répartition des espaces de respiration et sur l'indice de densité sur les horizons occupés, notamment à partir des villages de Genouilly où est situé le prieuré de Grandmontain, de Mennetou-sur-Cher, d'Anjouin, de Châtres-sur-Cher et de Saint-Loup, sur le territoire desquels se situent les monuments historiques susmentionnés, l'étude d'impact conclut que les simulations réalisées permettent de mettre en évidence une implantation d'éoliennes qui préserve les espaces de respiration, sans effet d'encerclement ou de saturation visuelle sur les lieux de vie. En tout état de cause, seul le seuil d'alerte de l'angle de respiration maximum depuis le bourg de Nohant-en-Graçay, sur le territoire duquel n'est implanté aucun des monuments historiques susmentionnés, a été atteint du fait de l'implantation des projets litigieux. Par suite, les impacts cumulés provoqués par les trois projets litigieux apparaissent limités.

24. Il résulte de tout ce qui précède que la société S.E.P.E. " Les Grands Patureaux " est fondée à demander l'annulation des arrêtés du 7 octobre 2020 par lesquels, respectivement, le préfet de Loir-et-Cher a rejeté sa demande d'autorisation environnementale pour le projet " Les Grands Patureaux A " et les préfets du Cher et de Loir-et-Cher ont rejeté sa demande d'autorisation environnementale pour le projet " Les Grands Patureaux C ". Elle est, de même, fondée à demander l'annulation de l'arrêté des préfets du Cher et de Loir-et-Cher du 7 octobre 2020 rejetant sa demande d'autorisation environnementale en tant qu'elle porte sur les éoliennes E3, E4, E5 et E6. En revanche, ses conclusions tendant à l'annulation de ce refus d'autorisation en ce qui concerne les éoliennes E7 et E8 doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin de délivrance des autorisations et à fin d'injonction :

25. Eu égard aux motifs du présent arrêt, et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au préfet de Loir-et-Cher de procéder au réexamen de la demande présentée par société S.E.P.E. " les Grands Patureaux " au titre du projet " les Grands Patureaux A " et d'enjoindre aux préfets du Cher et de Loir-et-Cher de procéder au réexamen des demandes présentées par cette même société au titre du projet " les Grands Patureaux C " et du projet " les Grands Patureaux B " en tant que cette dernière porte sur les éoliennes E3, E4, E5 et E6, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais de justice :

26. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société S.E.P.E. " Les Grands Patureaux " et non compris dans les dépens, plus une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Maray sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du préfet de Loir-et-Cher du 7 octobre 2020 rejetant la demande d'autorisation sollicitée par la société S.E.P.E. " Les Grands Patureaux " pour la construction et l'exploitation du parc éolien " Les Grands Patureaux A " est annulé.

Article 2 : Les arrêtés des préfets du Cher et de Loir-et-Cher du 7 octobre 2020 rejetant la demande d'autorisation environnementale sollicitée par la société S.E.P.E. " Les Grands Patureaux " pour la construction et l'exploitation du parc éolien " Les Grands Patureaux C " et les éoliennes E3, E4, E5 et E6 du projet " Les Grands Patureaux B " sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint respectivement au préfet de Loir-et-Cher de procéder au réexamen de la demande d'autorisation unique de la société S.E.P.E. " Les Grands Patureaux " concernant le projet " Les Grands Patureaux A " et aux préfets du Cher et de Loir-et-Cher de réexaminer les demandes d'autorisation déposées par cette même société au titre du projet " Les Grands Patureaux C ", et au titre du projet " Les Grands Patureaux B " en tant qu'il concerne les éoliennes E3, E4, E5 et E6, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la société S.E.P.E. " Les Grands Patureaux " plus une somme de 1 500 euros à la commune de Maray en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la S.E.P.E. " Les Grands Patureaux ", aux préfets du Cher et de Loir-et-Cher et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Houllier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juin 2023.

Le président-rapporteur,

B. EVEN

L'assesseur le plus ancien,

G. CAMENEN

La greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

Nos 21VE00286...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00286
Date de la décision : 16/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Actes affectant le régime juridique des installations - Première mise en service.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : GUEZENNEC

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-06-16;21ve00286 ?
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